AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la société UFB Locabail, dont le siège est ... (16ème), en cassation d'un arrêt rendu le 7 janvier 1993 par la cour d'appel de Caen (1e chambre civile et commerciale), au profit de :
1 / la société en nom collectif Garlan Mayeux, dont le siège est ... (Manche),
2 / M. Jean X..., administrateur du cabinet de M. Laiguede, pris en sa qualité de commissaire à l'exécution du plan de redressement de la SNC Garlan Mayeux,
3 / Mme Monique A..., ès qualités de représentant des créanciers du redressement judiciaire de la SNC Garlan Mayeux, demeurant 3, place de la Croûte à Coutances (Manche), défendeurs à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 7 mars 1995, où étaient présents : Mme Pasturel, conseiller le plus ancien faisant fonctions de président, M. Rémery, conseiller référendaire rapporteur, M. Edin, conseiller, Mme Piniot, avocat général, Mlle Barault, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. le conseiller référendaire Rémery, les observations de la SCP Delaporte et Briard, avocat de la société UFB Locabail, de Me Capron, avocat de la SNC Garlan Mayeux et de Mme A..., ès qualités, de Me Foussard, avocat de la SNC Garlan Mayeux, les conclusions de Mme Piniot, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique, pris en ses deux branches :
Vu les articles 1328 du Code civil, 853, alinéa 1er, du nouveau Code de procédure civile et 175 du décret du 27 décembre 1985 ;
Attendu que la requête en revendication est une demande en justice que le propriétaire du bien revendiqué peut, selon les deux derniers textes susvisés, former lui-même ;
que, dans le cas où le propriétaire est une personne morale, cette requête, si elle n'émane pas des organes habilités par la loi à la représenter, peut encore être adressée au juge-commissaire par tout préposé titulaire d'une délégation de pouvoirs lui permettant d'accomplir un tel acte, sans que ce pouvoir soit soumis aux règles applicables au mandat de représentation en justice dont un tiers peut être investi ;
qu'il peut enfin être justifié de l'existence de la délégation de pouvoirs jusqu'à ce que le juge statue sur la revendication, par la production des documents établissant la délégation, ayant ou non acquis date certaine ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Garlan Mayeux ayant été mise en redressement judiciaire par jugement du 21 novembre 1990, un préposé de la société anonyme Union française de banques Locabail (société Locabail) a adressé, le 19 février 1991, au juge-commissaire une requête tendant à la revendication d'un matériel donné en crédit-bail à la société débitrice ;
Attendu que pour rejeter cette demande, l'arrêt, après avoir énoncé que la requête en revendication est une demande en justice qui doit être faite, pour une société, par son représentant légal ou, à défaut, par un avocat ou un mandataire muni d'un pouvoir spécial ayant date certaine établi avant l'expiration du délai de 3 mois prévu pour revendiquer, retient qu'en l'espèce n'a été produit, après ce délai, qu'un pouvoir général au profit du directeur adjoint de la société Locabail, lequel a donné un pouvoir général d'agir au préposé qui a présenté la requête en revendication ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, après avoir relevé, d'un côté, que Mme Y..., salariée signataire de la requête en revendication, était investie par M. de Z..., directeur adjoint de la société Locabail, du pouvoir d'agir et représenter cette société dans la gestion de ses dossiers et, d'un autre côté, que M. de Z... avait lui-même reçu du président du conseil d'administration de la société Locabail un pouvoir général, sans rechercher si M. de Z... était un organe habilité par la loi à représenter la personne morale créancière ou encore si, préposé de celle-ci, le pouvoir qu'il avait lui-même reçu comportait, par les termes employés, celui de représenter la société en justice ainsi que la faculté de subdéléguer dans l'exercice de ce pouvoir un autre préposé de la société Locabail, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt n 2419/91 rendu le 7 janvier 1993, entre les parties, par la cour d'appel de Caen ;
remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rennes ;
Condamne les défendeurs, envers la société UFB Locabail, aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ;
Ordonne qu'à la diligence de M. le procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit sur les registres de la cour d'appel de Caen, en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par Mme le conseiller le plus ancien faisant fonctions de président en son audience publique du neuf mai mil neuf cent quatre-vingt-quinze.