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03/05/1995 | FRANCE | N°93-17144

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 03 mai 1995, 93-17144


Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 24 juin 1993), que le ministre de l'Economie, des Finances et du Budget a saisi, en 1991, le Conseil de la Concurrence, de pratiques anticoncurrentielles constitutives d'ententes prohibées au sens de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, à l'occasion d'un appel d'offres relatif à un marché d'extension du réseau d'éclairage public de la commune de Venarey-les-Laumes (Côte-d'Or), qui a été fait en 1990 ; qu'à la suite de l'instruction à laquelle il a été procédé, le Conseil de la Concurrence a prononcé des sanctions pécuniair

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Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 24 juin 1993), que le ministre de l'Economie, des Finances et du Budget a saisi, en 1991, le Conseil de la Concurrence, de pratiques anticoncurrentielles constitutives d'ententes prohibées au sens de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, à l'occasion d'un appel d'offres relatif à un marché d'extension du réseau d'éclairage public de la commune de Venarey-les-Laumes (Côte-d'Or), qui a été fait en 1990 ; qu'à la suite de l'instruction à laquelle il a été procédé, le Conseil de la Concurrence a prononcé des sanctions pécuniaires à l'encontre de cinq sociétés impliquées dans ces pratiques ;

Sur le premier moyen, pris en ses deux branches :

Attendu que la société L'Entreprise industrielle fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée, alors, selon le pourvoi, d'une part, que la cour d'appel, qui, tout en relevant que la délégation donnait pouvoir au directeur régional de " prendre part à toutes adjudications... faire toutes soumissions... et, à cet effet, signer tous cahiers des charges... marchés ou contrats ", ce qui caractérisait la liberté de la direction régionale de rechercher et conclure marchés et contrats, et, par conséquent, l'autonomie commerciale de celle-ci, a énoncé que le texte de la délégation ne faisait pas ressortir l'autonomie réelle de décision dans le domaine économique, privant sa décision de toute base légale au regard de l'article 1134 du Code civil et l'article 13 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ; et alors, d'autre part, qu'en se bornant à examiner le contenu formel de la délégation de pouvoirs, sans rechercher de manière concrète les caractères de l'agence de Dijon au regard du critère d'autonomie technique et commerciale, et sans réfuter les écritures de la société L'Entreprise industrielle établissant la qualité réelle de chef d'entreprise du directeur des délégations régionales, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 13 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;

Mais attendu que l'arrêt, après avoir analysé la délégation écrite donnée au directeur régional Est et Centre de Dijon par la société L'Entreprise industrielle, a constaté que si cette délégation lui donnait le pouvoir d'agir dans les domaines juridique et technique, elle ne comportait aucune précision sur l'autonomie financière et économique de l'agence locale qu'il dirigeait permettant de l'assimiler à une entreprise ; qu'en l'absence de tous autres éléments de preuve, que devait lui fournir la société L'Entreprise industrielle, permettant à la cour d'appel de vérifier de façon concrète l'existence de cette autonomie, il ne peut lui être reproché de ne pas avoir procédé à cette recherche ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Sur le second moyen, pris en ses trois branches :

Attendu que la société L'Entreprise industrielle fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée, alors, selon le pourvoi, d'une part, qu'en se référant, pour l'évaluation du montant de la sanction, à son chiffre d'affaires global, alors que, comme l'avait montré la société L'Entreprise industrielle, le principe de proportionnalité impliquait de prendre en considération le seul chiffre d'affaires afférent au marché de référence, à savoir celui des réseaux d'éclairage public, et non celui afférent au chiffre d'affaires global, comprenant génie civil, bâtiment, canalisations, réseaux de vidéocommunication, ce qui excluait l'importance des sanctions prononcées, la cour d'appel n'a pas justifié légalement la décision au regard de l'article 13 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ; alors, d'autre part, qu'en se bornant à faire état d'éléments généraux d'appréciation, sans rechercher de manière concrète, si, en ce qui concerne la société L'Entreprise industrielle, il existait une proportionnalité entre la peine prononcée, la gravité des faits relevés, le dommage porté à l'économie du marché de référence et la situation de l'entreprise, la cour d'appel n'a pas justifié légalement sa décision au regard de l'article 13 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ; et alors, enfin, qu'en se bornant à faire état de l'état de récidive des entreprises en cause, et du dommage potentiel à l'économie résultant de l'incitation à se livrer à des pratiques anticoncurrentielles, sans tenir aucun compte, en réfutation aux écritures de L'Entreprise industrielle, du caractère local et de faible importance du marché en cause, du fait que le marché avait été conclu seul par une agence locale étrangère aux précédentes pratiques ayant donné lieu à des poursuites, du fait que le marché avait été conclu pour un montant nettement inférieur à l'estimation du maître de l'ouvrage, et de la situation de l'entreprise en cause, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision eu regard de l'article 13 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;

Mais attendu, en premier lieu, que, pour déterminer le montant de la sanction, la cour d'appel n'avait pas à se référer au montant du chiffre d'affaires effectué par la société L'Entreprise industrielle dans le secteur des équipements des réseaux d'électricité et d'éclairage, l'article 13 du l'ordonnance du 1er décembre 1986, applicable en l'espèce, visant le seul montant global du chiffre d'affaires réalisé en France au cours du dernier exercice par l'entreprise contrevenante ;

Attendu, en second lieu, que l'arrêt, après avoir relevé le montant du chiffre d'affaires hors taxes de la société pour le dernier exercice connu, se réfère, pour déterminer le montant de la sanction, aux motifs de la décision du Conseil de la Concurrence, selon lesquels les agissements de cette entreprise avaient contribué, sur le marché concernant l'éclairage public de la commune intéressée, non seulement à fausser localement le jeu de la concurrence, mais encore à " convaincre " les autres entreprises soumissionnaires, lesquelles étaient de taille inférieure, que ce type de comportement était général et à les inciter à l'adopter pour d'autres marchés ; qu'ayant ainsi établi le dommage porté, tant au marché de référence qu'à l'économie en général, et ayant constaté que la société L'Entreprise industrielle avait précédemment été sanctionnée pour des agissements identiques, même si son agence locale n'avait pas alors été impliquée, la cour d'appel a légalement justifié sa décision au regard de l'article 13 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;

Que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 93-17144
Date de la décision : 03/05/1995
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

1° REGLEMENTATION ECONOMIQUE - Concurrence - Ordonnance du 1er décembre 1986 - Pratique anticoncurrentielle - Sanctions - Sanction pécuniaire - Montant maximum - Agence bénéficiant de l'autonomie économique - Preuve - Charge.

1° Une cour d'appel ayant constaté que la délégation donnée au directeur régional d'une société, si elle lui conférait le pouvoir d'agir dans les domaines juridique et technique, ne comportait aucune précision sur l'autonomie financière et économique de l'agence locale qu'il dirigeait permettant de l'assimiler à une entreprise, n'avait pas, en l'absence d'autres éléments de preuve que devait lui fournir la société à effectuer d'autres recherches pour l'application de l'article 13 de l'ordonnance du 1er décembre 1986.

2° REGLEMENTATION ECONOMIQUE - Concurrence - Ordonnance du 1er décembre 1986 - Pratique anticoncurrentielle - Sanctions - Sanction pécuniaire - Montant maximum - Chiffre d'affaires - Dernier exercice.

2° REGLEMENTATION ECONOMIQUE - Concurrence - Ordonnance du 1er décembre 1986 - Pratique anticoncurrentielle - Sanctions - Sanction pécuniaire - Montant maximum - Chiffre d'affaires - Chiffre du marché retenu (non).

2° Pour déterminer le montant de la sanction, la cour d'appel n'a pas à se référer au montant du chiffre d'affaires effectué par l'entreprise en cause dans le marché pertinent, l'article 13 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 visant le seul montant global du chiffre d'affaires réalisé en France au cours du dernier exercice par l'entreprise contrevenante. Justifie légalement sa décision au regard de l'article 13 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 la cour d'appel qui, après avoir relevé le montant du chiffre d'affaires hors taxes de la société contrevenante pour le dernier exercice connu, se réfère, pour déterminer le montant de la sanction, aux motifs de la décision du Conseil de la Concurrence, selon lesquels les agissements de l'entreprise avaient contribué, sur le marché de référence, non seulement à fausser localement le jeu de la concurrence, mais encore à convaincre les autres entreprises soumissionnaires, de taille inférieure, que ce type de comportement était général et à les inciter à l'adopter pour d'autres marchés, établissant ainsi le dommage porté tant au marché de référence qu'à l'économie en général, et constate que la société contrevenante a précédemment été sanctionnée pour des agissements identiques.


Références :

Ordonnance 86-1243 du 01 décembre 1986 art. 13

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 24 juin 1993

A RAPPROCHER : (1°). Chambre commerciale, 1992-12-08, Bulletin 1992, IV, n° 404(6), p. 283 (cassation). A RAPPROCHER : (2°). Chambre commerciale, 1994-06-21, Bulletin 1994, IV, n° 234, p. 183 (rejet).


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 03 mai. 1995, pourvoi n°93-17144, Bull. civ. 1995 IV N° 129 p. 115
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 1995 IV N° 129 p. 115

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Bézard .
Avocat général : Avocat général : M. Raynaud.
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Léonnet.
Avocat(s) : Avocats : MM. Choucroy, Ricard, Vuitton.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1995:93.17144
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