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21/03/1995 | FRANCE | N°92-17896

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 21 mars 1995, 92-17896


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

I - Sur le pourvoi n C/92-17.896 formé par la Banque Chaabi du Maroc, dont le siège est à Paris (17ème), ... :

1 ) la société Interdiffusion Biars, dont le siège est ..., Biars-sur-Cèdre (Lot),

2 ) la société Interdiffusion Brive, dont le siège est ... (Corrèze),

3 ) M. Rachid B..., demeurant ... (5ème),

4 ) M. Abdelali Y..., demeurant ... (Hauts-de-Seine),

5 ) M. A..., demeurant, ... (Hauts-de-Seine), pris en sa

qualité de mandataire liquidateur de la société Multicom,

6 ) Mme Yveline C..., demeurant 9, square d...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

I - Sur le pourvoi n C/92-17.896 formé par la Banque Chaabi du Maroc, dont le siège est à Paris (17ème), ... :

1 ) la société Interdiffusion Biars, dont le siège est ..., Biars-sur-Cèdre (Lot),

2 ) la société Interdiffusion Brive, dont le siège est ... (Corrèze),

3 ) M. Rachid B..., demeurant ... (5ème),

4 ) M. Abdelali Y..., demeurant ... (Hauts-de-Seine),

5 ) M. A..., demeurant, ... (Hauts-de-Seine), pris en sa qualité de mandataire liquidateur de la société Multicom,

6 ) Mme Yveline C..., demeurant 9, square de Bretteville, Le Chesnay (Yvelines),

II - Sur le pourvoi n Z/92-20.216 formé par M. Rachid B..., CONTRE :

1 ) la société Interdiffusion Biars,

2 ) la société Interdiffusion Brive,

3 ) M. Abdelali Y...,

4 ) la Banque centrale Chaabi du Maroc,

5 ) M. A...,

6 ) Mme C..., en cassation d'un même arrêt rendu le 6 juillet 1992 par la cour d'appel de Paris (1re chambre A),

La demanderesse au pourvoi n C/92-17.896 invoque à l'appui de son recours, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

Les sociétés Interdiffusion Biars et Interdiffusion Brive défenderesses aux pourvois ont formé un pourvoi incident au pourvoi n C/92-17.896, contre le même arrêt et invoquent à l'appui de leur recours, un moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;

Le demandeur au pourvoi n Z/92-20.216 invoque à l'appui de son recours, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

LA COUR, en l'audience publique du 1er février 1995, où étaient présents : M. Bézard, président, M. Lacan, conseiller référendaire rapporteur, MM. Nicot, Vigneron, Leclercq, Dumas, Gomez, Léonnet, Poullain, Armand Prévost, conseillers, Mme Geerssen, conseiller référendaire, M. de Gouttes, avocat général, Mme Arnoux, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. le conseiller référendaire Lacan, les observations de la SCP Masse-Dessen, Georges et Thouvenin, avocat de la Banque Chaabi du Maroc, de la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat des sociétés Interdiffusion Biars et Interdiffusion Brive, de Me Le Prado, avocat de M. A..., ès qualités, de la SCP Boré et Xavier, avocat de M. B..., les conclusions de M. de Gouttes, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Joint les pourvois n C/92-17.896 et Z/92-20.216, qui attaquent le même arrêt ;

Statuant, quant au pourvoi n C/92-17.896, tant sur le pourvoi incident formé par les sociétés Interdiffusion Brive et Interdiffusion Biars que sur le pourvoi principal formé par la Banque Chaabi du Maroc ;

Attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué que, par actes du 15 septembre 1989, les sociétés Interdiffusion Brive et Interdiffusion Biars (les sociétés Interdiffusion) ont vendu chacune leur fonds de commerce, aux prix respectifs de 500 000 francs et de 300 000 francs, à la société Multicom ;

que, pour financer cette opération, cette dernière société a contracté deux emprunts auprès de la Banque Chaabi du Maroc (la banque), d'un montant total de 500 000 francs, dont le remboursement était garanti par divers sûretés et privilèges que devait prendre M. B..., avocat rédacteur des actes, pour le compte de l'organisme prêteur, lequel était constitué dépositaire du prix de cession ;

que, le même jour, les stocks des marchandises dépendant de ces fonds ont été cédés à la société Multicom pour un prix total de 1 864 377,73 francs, dont le règlement devait être effectué au moyen de billets à ordre à échéances successives ;

qu'en garantie de ce paiement, chacun des associés de la société Multicom s'est engagé à remettre à M. B... un chèque de 167 000 francs ;

que les billets à ordre n'ayant pas été réglés, la société Multicom ayant été mise en liquidation judiciaire et M. B... ayant, sans l'accord des sociétés cédantes, restitué les chèques en sa possession aux associés qui les avaient émis, les sociétés Interdiffusion ont assigné l'avocat en paiement du montant des chèques litigieux et la banque en restitution des sommes déposées, tandis que cette dernière, qui reprochait à M. B... d'avoir omis d'accomplir les formalités nécessaires à la constitution de ses sûretés, l'assignait dans la même instance aux fins de le voir condamner à se substituer à la société Multicom dans le remboursement des prêts consentis ;

Sur le premier moyen, pris en ses trois branches, du pourvoi formé par M. B... :

Attendu que M. B... reproche à l'arrêt de l'avoir condamné à payer aux sociétés Interdiffusion la somme de 501 000 francs à titre de dommages-intérêts, alors, selon le pourvoi, d'une part, que l'acte de convention de garantie, en vertu duquel les associés de la société Multicom lui avaient adressé les chèques litigieux, avait été dressé sans son concours ;

que cet acte n'avait été signé ni par lui, ni par les sociétés venderesses ;

qu'en considérant, néanmoins, qu'un tel acte l'investissait d'un mandat de dépôt et de transmission des chèques aux sociétés Interdiffusion la cour d'appel a violé les articles 1134, 1147 et 1984 du Code civil ;

alors, d'autre part, qu'il résulte des termes clairs et précis de la lettre qu'il avait envoyée au gérant des sociétés venderesses, qu'il s'était borné à prévenir celui-ci de ce qu'il détenait les chèques litigieux ;

que cette lettre ne comportait aucun engagement de mandat de dépôt de ces chèques au profit desdites sociétés ;

qu'en considérant que cette lettre attestait un engagement, la cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil ;

et alors, enfin, qu'en ne répondant pas à ses conclusions, qui faisaient valoir qu'il avait été dans l'obligation de restituer les chèques litigieux dès qu'il avait appris leur absence de provision, sous peine de commettre une faute, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu, en premier lieu, que la cour d'appel, qui n'a pas dénaturé la lettre adressée par M. B... à M. Z..., gérant des sociétés venderesses, a pu déduire de la réception des chèques litigieux par l'avocat, en parfaite connaissance de la convention de garantie incluse dans les actes du 15 septembre 1989, l'acceptation tacite par celui-ci, dans l'intérêt commun des parties, du mandat par lequel il était institué dépositaire de ces effets et chargé de les transmetttre aux sociétés venderesses, en cas de défaillance de la société Multicom dans le règlement des billets à ordre ;

Attendu, en second lieu, que M. B... n'a pas soutenu dans ses conclusions avoir été dans l'obligation de restituer les chèques litigieux, dépourvus de provision, sous peine de commettre une faute en les conservant ;

D'où il suit que le moyen, qui manque en fait en sa troisième branche, n'est pas fondé pour le surplus ;

Sur le deuxième moyen, pris en ses quatre branches, du pourvoi formé par M. B... :

Attendu que M. B... reproche encore à l'arrêt d'avoir fixé à 501 000 francs le montant des dommages-intérêts qu'il était condamné à payer aux sociétés Interdiffusion, alors, selon le pourvoi, d'une part, que la responsabilité d'un avocat ne peut être engagée qu'à la condition qu'un lien causal existe entre la faute reprochée et le préjudice allégué ;

qu'en l'espèce, les sociétés venderesses invoquent un préjudice consistant en l'impossibilité de recouvrer leur créance à l'encontre des acquéreurs ;

que ce préjudice serait resté inchangé même dans l'hypothèse où M. B... aurait gardé les chèques litigieux en dépôt dès lors que ces chèques n'étaient pas provisionnés ;

qu'en refusant de prendre en considération les conséquences de l'absence de provision des chèques litigieux la cour d'appel a violé l'article 1147 du Code Civil ;

alors, d'autre part, que M. B... avait fait valoir dans ses conclusions qu'il avait eu connaissance du défaut de provision des chèques litigieux après leur réception et qu'il les avaient immédiatement restitués à ses clients lorsqu'il avait été informé par ces derniers de l'absence de provision des chèques ;

qu'il est d'ailleurs constant qu'il n'a pas gardé en dépôt les chèques dont s'agit ;

qu'en énonçant qu'il ne pouvait se prévaloir du défaut de provision des chèques, prétexte pris que l'allégation du défaut de provision reviendrait à mettre en exergue sa complicité dans l'émission de chèques sans provision, bien qu'il ait énoncé n'avoir reçu les chèques que postérieurement à leur émission et en ignorant leur défaut de provision, la cour d'appel a dénaturé les conclusions de M. B..., violant ainsi l'article 1134 du Code civil ainsi que l'adage "Nemo X..." ;

alors, de surcroît, qu'un simple chèque ne constitue pas une garantie efficace pour le créancier ;

qu'en effet le chèque peut n'être pas provisionné lors de sa présentation ;

qu'ainsi le créancier qui perd une garantie constituée par un simple chèque ne perd qu'une chance de recouvrer sa créance ;

qu'en l'espèce, les sociétés venderesses alléguaient qu'elles avaient subi un préjudice consistant en la perte des sommes dont le montant était porté sur les chèques litigieux restitués par l'avocat ;

qu'en considérant que les venderesses avaient perdu la totalité des sommes portées sur les chèques et non la chance de recouvrer ces sommes sans constater que les chèques auraient été provisionnés à leur présentation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil ;

et alors, enfin, que le préjudice consistant en la perte d'une chance ne peut donner lieu à réparation que dans la limite de la perte de cette chance ;

que les juges doivent prendre en considération l'aléa qui affecte la réalisation de la chance perdue ;

qu'en l'espèce, la faute reprochée à l'avocat n'avait fait perdre aux sociétés venderesses qu'une chance de recouvrer les sommes litigieuses ;

qu'en condamnant néanmoins ce dernier à verser aux venderesses l'intégralité des sommes portées sur les chèques, sans prendre en compte l'aléa affectant la réalisation de la chance perdue, la cour d'appel a violé l'article 1147 du Code civil ;

Mais attendu qu'ayant retenu que l'avocat, rédacteur des actes du 15 septembre 1989, avait accepté d'être le mandataire commun des parties aux fins de veiller au déroulement normal des opérations afférentes à la vente des fonds de commerce, incluant l'octroi de la garantie de paiement des marchandises, l'arrêt a fait ressortir que le préjudice qu'il avait fait subir aux sociétés venderesses consistait dans le crédit qu'elles avaient, en raison d'un tel mandat, accordé à la société acquéreur, à hauteur de la garantie stipulée dans la convention, et non dans la provision effective des chèques bancaires destinés à constituer cette garantie ;

que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Sur le troisième moyen, pris en ses quatre branches, du pourvoi formé par M. B... :

Attendu que M. B... reproche enfin à l'arrêt de l'avoir condamné à payer des dommages-intérêts à la banque, alors, selon le pourvoi, d'une part, que le cautionnement est un contrat consensuel dont la perfection est soumise à l'accord des parties ;

que l'absence de précision, dans l'acte, de la date de conclusion du cautionnement n'est pas de nature à en affecter la validité ;

qu'en l'espèce, les actes de cautionnement souscrits par les associées de la société Multicom étaient parfaitement valables et la banque pouvait valablement agir contre les cautions ;

qu'en condamnant M. B... à réparation au profit de la banque, qui ne subissait aucun préjudice inhérent à la perte desdits cautionnements, la cour d'appel a violé les articles 2015 et 1147 du Code civil ;

alors, d'autre part, que, dans ses conclusions d'appel, M. B... avait fait valoir que les associés, qui s'étaient portés cautions, ne contestaient pas la validité de leurs engagements ;

qu'en s'abstenant de répondre à ces conclusions qui faisaient ressortir que la banque bénéficiait des garanties relatives à divers cautionnements et ne subissait donc aucun préjudice en relation causale avec la prétendue faute de l'avocat, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

alors, de surcroît, qu'il avait encore soutenu dans ses conclusions que la banque disposait d'un nantissement de premier rang sur les fonds de commerce litigieux, ainsi que de divers cautionnements souscrits par les associés de la société Multicom ;

qu'en copnsidérant, par motif adoptés des premiers juges, qu'il n'était pas contesté que la banque ne disposait d'aucune garantie en contrepartie des prêts qu'elle avait accordés, la cour d'appel a dénaturé lesdites conclusions ;

et alors, enfin, que pour condamner M. B... à réparation, la cour d'appel retient de prétendues irrégularités qui affecteraient les privilèges et sûretés par lui régularisées au profit de la banque et les priveraient de leur efficacité ;

qu'en statuant ainsi, sans préciser la nature de ces irrégularités et sans constater "in concreto" leur inefficacité, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil ;

Mais attendu qu'ayant relevé que les sûretés prises par M. B... comportaient des irrégularités qui en compromettaient l'efficacité, consistant dans l'inscription hors délai du privilège du vendeur, l'absence d'élection de domicile dans le bordereau d'inscription du nantissement et l'absence de date des actes de caution solidaire, la cour d'appel a pu décider, répondant sans les dénaturer aux conclusions invoquées, que les négligences ainsi commises par l'avocat avaient fait perdre une chance à la banque de bénéficier des garanties consenties à son profit ;

d'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Sur le premier moyen du pourvoi formé par la banque :

Attendu que la banque reproche à l'arrêt d'avoir limité à une certaine somme, inférieure au montant restant dû sur les prêts litigieux, la condamnation prononcée à son profit à l'encontre de M. B..., alors, selon le pourvoi, qu'il existe un lien de causalité direct entre, d'un côté, la faute du mandataire qui n'a pas accompli les formalités et diligences nécessaires pour obtenir ou conserver les sûretés et garanties d'une créance et, de l'autre, le préjudice subi par le créancier qui n'a pu recevoir paiement de sa créance faute d'avoir pu mettre en oeuvre les sûretés et garanties dont elle devait être assortie ;

que le préjudice de ce créancier ne se limite pas à la seule perte de la chance d'être payé ;

que l'exécution des obligations légales, tel l'exercice du privilège du vendeur, ou contractuelles, comme la mise en oeuvre d'un nantissement sur fonds de commerce ou d'un cautionnement, doit être tenue pour certaine et non aléatoire et ne saurait être qualifiée de "chance" dont la réalisation est par définition incertaine et aléatoire parce que dépendant nécessairement d'éléments étrangers au débiteur de l'obligation et sur lesquels il n'a aucun pouvoir ;

qu'en retenant que le préjudice subi par la banque du fait qu'elle n'avait pu mettre en oeuvre les sûretés et garanties de sa créance par la seule faute de son mandataire se limitait à la perte de la chance d'être payée, introduisant ainsi entre les fautes du mandataire le préjudice réel subi par le créancier, caractérisé par le non paiement de sa créance, des considérations hypothétiques et dubitatives tirées de la valeur des biens sur lesquels portaient le privilège du vendeur et le nantissement ainsi que de la solvabilité des cautions, aux fins de conférer artificiellement au préjudice effectivement subi un caractère médiat bien qu'il présentât incontestablement un lien de causalité immédiat avec les fautes du mandataire, la cour d'appel a violé les articles 1147 et 1992 du Code civil ;

Mais attendu qu'après avoir relevé que les garanties que devait prendre M. B... pour le compte de la banque consistaient en un nantissement des fonds de commerce, une subrogation dans le privilège du vendeur à l'égard de ceux-ci et le cautionnement solidaire des associés de la société Multicom, la cour d'appel a retenu que si la mise en oeuvre de telles garanties dépendait de la seule volonté de celui qui s'y était engagé, leur efficacité dépendait de la valeur des fonds de commerce cédés et de la solvabilité des associés qui s'étaient portés cautions, éléments qui échappaient à la volonté de M. B... et qui rendaient aléatoire le bénéfice qu'aurait tiré la banque de l'accomplissement par ce dernier de ses obligations contractuelles ;

qu'en conséquence, la cour d'appel a pu décider que M. B... ne serait tenu envers la banque qu'à la réparation du préjudice résultant pour celle-ci de la perte d'une chance ;

que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le second moyen du pourvoi formé par la banque :

Attendu que la banque reproche encore à l'arrêt d'avoir cantonné les oppositions formées sur le prix de vente de l'un des fonds de commerce et de lui avoir ordonné de se libérer entre les mains du vendeur du solde qu'elle détenait, en qualité de dépositaire, alors, selon le pourvoi, qu'elle faisait valoir qu'il ressortait des énonciations de l'acte de vente du fonds de commerce que le prix dont elle était séquestre ne pouvait être remis au vendeur hors la présence et sans le concours de l'acquéreur qu'après l'expiration des délais légaux d'opposition et sur justification par le vendeur de la radiation des inscriptions qui pourraient grever le fonds, de la mainlevée des oppositions qui auraient pu être pratiquées, du paiement de tous impôts directs ou indirects, y compris les impôts sur la plus-value pouvant être dus par le vendeur à la suite de la vente, du règlement de toute somme à l'URSSAF, à la Caisse centrale des allocations familiales, à l'ASSEDIC, d'une manière générale à tous les organismes chargés de la perception de taxes fiscales ou parafiscales, du paiement de toute somme pouvant être due par le vendeur à titre de charges et au titre de salaires, le tout de manière que l'acquéreur ne fût personnellement l'objet d'aucune poursuite du chef des créanciers du vendeur et ne subît aucun trouble dans son exploitation ;

qu'en omettant de répondre à ces conclusions d'où il résultait que l'obligation pour la banque de se libérer du montant du prix supposait non seulement l'expiration des délais légaux d'opposition, mais également la remise par le vendeur, qui ne l'avait jamais fait, de toutes les justifications exigées par la loi des parties, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de motifs en méconnaissance de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu que la cour d'appel n'avait pas à répondre aux conclusions invoquées, relatives aux conditions dans lesquelles le prix de cession pouvait être remis au vendeur hors la présence et sans le concours de l'acquéreur, dès lors qu'elle avait relevé que le liquidateur de la liquidation judiciaire de la société Multicom, acquéreur du fonds litigieux, était dans la cause et n'avait signalé la présence d'aucun autre créancier que ceux dont les oppositions avaient fait l'objet du cantonnement ;

qu'elle a ainsi motivé sa décision du chef critiqué par le moyen ;

que celui-ci n'est pas fondé ;

Mais sur le moyen unique du pourvoi incident formé par les sociétés Interdiffusion :

Vu l'article 1147 du Code civil ;

Attendu que, pour limiter à 501 000 francs le montant de la condamnation prononcée contre M. B... au profit des sociétés venderesses en réparation du préjudice par elles subi du fait de la restitution des chèques litigieux, l'arrêt retient que, si l'avocat a bien restitué cinq chèques, d'une valeur globale de 835 000 francs, à ceux des associés de la société Multicom qui les avaient émis, deux d'entre eux étaient eux-mêmes tenus au paiement de leur propre chèque à l'égard des sociétés venderesses, si bien que M. B... ne pouvait être condamné au versement d'une indemnité représentant le montant de ces deux chèques ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que la condamnation des deux associés au paiement des chèques litigieux ne pouvait exonérer M. B... de réparer l'intégralité du dommage qu'il avait causé aux sociétés venderesses du fait de l'inexécution de ses obligations contractuelles, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Sur la demande d'indemnité formée par la Banque Chaabi du Maroc au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile :

Attendu qu'il y a lieu de rejeter cette demande ;

Sur la demande d'indemnité formée par les sociétés Interdiffusion au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile :

Attendu que les sociétés cédantes, défenderesses au pourvoi n 92-17.896, sollicitent l'allocation d'une indemnité de 15 000 francs, à la charge de la Banque Chaabi du Maroc, au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Attendu qu'il y a lieu d'accueillir une telle demande, mais dans la limite de 10 000 francs ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a limité à 501 000 francs le montant de la condamnation de M. B... au profit des sociétés Interdiffusion Brive et Interdiffusion Biars, l'arrêt rendu le 6 juillet 1992, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles ;

Rejette la demande présentée par la Banque Chaabi du Maroc sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Condamne la Banque Chaabi du Maroc aux dépens afférents au pourvoi n C/92-17.896 et M. B... à ceux afférents au pourvoi n Z/92-20.216, et aux frais d'exécution du présent arrêt ;

Condamne la Banque Chaabi du Maroc à payer aux sociétés Interdiffusion Brive et Interdiffusion Biars la somme de dix mille francs, exposée par ces dernières et non comprise dans les dépens ;

Ordonne qu'à la diligence de M. le procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit sur les registres de la cour d'appel de Paris, en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par M. le président en son audience publique du vingt et un mars mil neuf cent quatre-vingt-quinze.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 92-17896
Date de la décision : 21/03/1995
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

AGENT D'AFFAIRES - Responsabilité - Vente de fonds de commerce - Constitution de sûretés - Séquestre - Intermédiaire - Avocat - Faute.


Références :

Code civil 1134 et 1147

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris (1re chambre A), 06 juillet 1992


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 21 mar. 1995, pourvoi n°92-17896


Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1995:92.17896
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