AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la société à reponsabilité limitée Les Maisons de la Vallée, dont le siège est ... (Pyrénées-Atlantiques), en cassation d'un arrêt rendu le 15 mai 1992 par la cour d'appel de Pau (chambre sociale), au profit de l'URSSAF de Pau, dont le siège est ... (Pyrénées-Atlantiques), défenderesse à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
LA COUR, en l'audience publique du 2 février 1995, où étaient présents : M. Kuhnmunch, président, M. Berthéas, conseiller rapporteur, MM. Vigroux, Pierre, Favard, Gougé, Ollier, Thavaud, conseillers, Mme Kermina, M. Choppin Haudry de Janvry, conseillers référendaires, M. Chauvy, avocat général, M. Richard, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. le conseiller Berthéas, les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat de la société Les Maisons de la Vallée, de la SCP Rouvière et Boutet, avocat de l'URSSAF de Pau, les conclusions de M. Chauvy, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu, selon les énonciations des juges du fond, qu'à la suite d'un contrôle, l'URSSAF a réintégré dans l'assiette des cotisations, comme étant une rémunération salariale, une somme que la société à responsabilité limitée Les Maisons de la Vallée avait inscrite au compte courant de son gérant minoritaire pour la période du 1er janvier au 30 septembre 1986 et que celui-ci avait perçue ;
que cet organisme social a également procédé à la réintégration des rémunérations qui, sous la qualification d'honoraires, avaient été versées de 1986 à 1988 par cette société à un métreur-vérificateur ayant apporté sa collaboration à l'entreprise ;
que le redressement a été contesté de ces deux chefs ;
Sur le premier moyen, pris en ses deux branches :
Attendu que la société fait d'abord grief à l'arrêt confirmatif attaqué (Pau, 15 mai 1992) d'avoir rejeté son recours concernant l'assujettissement à cotisations de la somme perçue par son gérant, alors, selon le moyen, qu'en ne répondant pas aux conclusions d'appel de la Société Les Maisons de la Vallée qui soutenait que le versement d'un salaire par l'intermédiaire d'un compte courant ne peut s'effectuer par l'imputation d'une somme sur le crédit de ce compte mais peut seulement se réaliser par inscription du salaire au crédit du compte, de sorte qu'en l'espèce, la seule imputation de la somme de 87 510 francs sur le crédit du compte courant de M. X... n'était pas de nature à démontrer le versement d'une quelconque rémunération entre le 1er janvier et le 30 septembre 1986, et ce, d'autant que le crédit du compte courant précité est passé de 106 886,27 francs au 30 septembre 1985 à 0 franc au 30 septembre 1986, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
et alors, subsidiairement, qu'en ne répondant pas davantage aux conclusions de la société, qui avait soutenu qu'en toute hypothèse les cotisations dues étaient nécessairement soumises à plafonnement, dès lors que, du 1er janvier au 30 août 1986, M. X... avait eu une activité salariée au sein de la société Promoval, la cour d'appel a derechef violé le même article ;
Mais attendu, d'abord, que la cour d'appel relève qu'au moment où la somme litigieuse a été mise à la disposition du gérant, celui-ci avait le statut de gérant minoritaire et qu'une décision des associés avait prévu qu'il serait rémunéré ;
qu'ayant exclu que cette somme puisse recevoir la qualification de remboursement d'avance, dont il n'était pas justifié, elle relève, en répondant ainsi aux conclusions, que la somme en cause figurait en comptabilité sous la rubrique "rémunération de la gérance" et retient qu'il s'agissait en réalité des salaires de la période considérée, qui avaient un montant correspondant et dont le versement était attesté par le livre de banque ;
qu'elle en déduit exactement que le redressement effectué à ce titre était justifié ;
Attendu, ensuite, que la société n'ayant pas allégué que l'URSSAF avait calculé les cotisations sans tenir compte de la règle du plafonnement, la cour d'appel n'avait pas à s'expliquer sur ce point ;
D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Sur le second moyen :
Attendu que la société reproche ensuite au même arrêt d'avoir maintenu le redressement relatif aux sommes, qualifiées d'honoraires, versées au métreur-vérificateur, alors, selon le moyen, d'une part, que les juges ne peuvent dénaturer les termes clairs et précis d'une convention ;
qu'en relevant que M. Y... avait, par contrat du 1er septembre 1986, été engagé pour 169 heures par mois avec un salaire de 8 000 francs puis 8 500 francs, la cour d'appel a dénaturé le contrat de travail précité, qui prévoyait une rémunération mensuelle de 3 250 francs pour 84,50 heures de travail par mois, et violé les dispositions de l'article 1134 du Code civil ;
et alors, d'autre part, que les juges ne peuvent se déterminer sans avoir analysé, même de manière sommaire, les documents de preuve soumis à leur examen ;
qu'en se bornant à constater que la réalité d'une activité indépendante de M. Y... n'est corroborée par aucun document précis, sans analyser, même de manière sommaire, les documents versés aux débats par la société, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 1353 du Code civil et 5 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que l'assujettissement au régime général est conditionné, non par la forme ou la nature d'un contrat, mais par les conditions de fait dans lesquelles l'activité est exercée ;
qu'abstraction faite de la motivation critiquée par le moyen, la cour d'appel, appréciant l'ensemble des éléments qui lui étaient soumis, a fait ressortir que toutes les prestations effectuées par le métreur-vérificateur pour le compte de la société l'ont été dans des conditions identiques de subordination excluant que certaines d'entre elles aient pu relever de l'activité indépendante qu'exerçait par ailleurs l'intéressé ;
que la cour d'appel a pu dès lors, sans encourir les griefs du moyen, décider que les rémunérations versées à ce technicien par la société pendant la période considérée constituaient pour leur totalité des salaires ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur la demande présentée par l'URSSAF au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile :
Attendu qu l'URSSAF sollicite l'allocation de la somme de 10 000 francs sur le fondement de ce texte ;
Mais attendu qu'il n'y a pas lieu d'accueillir cette demande ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
REJETTE la demande formée par l'URSSAF au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
Condamne la société Les Maisons de la Vallée, envers l'URSSAF, aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par M. le président en son audience publique du seize mars mil neuf cent quatre-vingt-quinze.