AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par :
1 ) M. Jacques X..., demeurant Moulin de l'Homme, Ã Gennes (Maine-et-Loire),
2 ) M. François X..., demeurant ... (Maine-et-Loire),
3 ) M. Gilles X..., demeurant à Saint-Elix Le Château (Haute-Garonne),
4 ) Mlle Valérie X..., demeurant ... (Haute-Savoie), en cassation d'un arrêt rendu le 13 janvier 1992 par la cour d'appel d'Angers (1ère chambre - section B), au profit de la Caisse fédérale de Crédit mutuel agricole et rural d'Anjou, dont le siège est ... (Maine-et-Loire), défendeur à la cassation ;
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 10 janvier 1995, où étaient présents : M. Bézard, président, M. Grimaldi, conseiller rapporteur, Mme Pasturel, conseiller, M. de Gouttes, avocat général, Mlle Barault, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. le conseiller Grimaldi, les observations de Me Bouthors, avocat des consorts X..., de la SCP Masse-Dessen, avocat de la Caisse fédérale de Crédit mutuel agricole et rural d'Anjou, les conclusions de M. de Gouttes, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu, selon l'arrêt confirmatif déféré (Angers, 13 janvier 1992), que la Caisse fédérale de Crédit mutuel agricole et rural d'Anjou (la banque) a consenti à la société Anjou Peintures Services (la société) deux prêts ainsi qu'une ouverture de crédit en compte courant, avec les cautionnements solidaires de Mme Gisèle X... et de M. Jacques X... ;
que la société ayant été mise en liquidation judiciaire, la banque a demandé aux cautions paiement du montant de ses créances ;
que le Tribunal a accueilli cette demande ;
que Mme Gisèle X... étant décédée, MM. François et Gilles X... ainsi que Mme Valéry X... (consorts X...) ont repris l'instance ;
que la cour d'appel a confirmé le jugement ;
Sur le premier moyen, pris en ses deux branches :
Attendu que M. Jacques X... et les consorts X... reprochent à l'arrêt d'avoir "reconnu" la "validité" des cautionnements alors, selon le pourvoi, d'une part, que, suivant les articles 1326 et 2015 du Code civil, à défaut de mention manuscrite complète "en toutes lettres et en chiffres", le cautionnement est irrégulier ;
qu'en "validant" néanmoins les cautionnements souscrits par M. Jacques X... dans lesquels la mention manuscrite en chiffres est manquante, sans rechercher si des éléments extrinsèques à l'acte établissaient l'engagement en connaissance de cause de l'intéressé, la cour d'appel a violé les textes précités ;
et alors, d'autre part, que, faute d'avoir recherché si les éléments extérieurs au cautionnement de Mme Gisèle X..., indépendamment de la qualité de gérante de celle-ci, établissaient que l'intéressée eût connaissance de ce à quoi elle était engagée, la cour d'appel a encore privé sa décision de base légale au regard des articles 1326 et 2015 du Code civil ;
Mais attendu que le moyen ne conteste pas que les actes de cautionnement signés par Mme Gisèle X... et par M. Jacques X... valaient commencements de preuve par écrit à leur encontre ;
que dès lors, en retenant, par motifs adoptés, qu'en première instance, Mme Gisèle X... et M. Jacques X... s'étaient bornés, pour résister à l'action de la banque, à soutenir que celle-ci avait été désintéressée, ce dont il résultait qu'ils reconnaissaient la validité de leurs engagements, et en faisant ressortir que cette attitude constituait un élément extrinsèque rendant parfaite la preuve des actes de cautionnement, la cour d'appel a effectué la recherche prétendument omise ;
que le moyen n'est fondé en aucune de ses deux branches ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu que les consorts X... reprochent encore à l'arrêt d'avoir dit qu'ils étaient tenus au paiement des intérêts conventionnels, alors, selon le pourvoi, que, suivant les articles 1326 et 2015 du Code civil, à défaut de précision sur les accessoires de la dette principale, la caution ne peut être tenue aux intérêts conventionnels ;
qu'en se refusant à tirer les conséquences légales de ses constatations qui imposaient de décharger la caution de tous intérêts conventionnels, la cour d'appel a violé les textes précités ;
Mais attendu que, dès lors qu'elle a écrit de sa main qu'elle garantissait les intérêts et que le taux de ceux-ci a été fixé par écrit, la caution est tenue au paiement desdits intérêts, peu important que leur taux ne figure pas dans la mention manuscrite ;
que le moyen n'est pas fondé ;
Et sur le troisième moyen, pris en ses deux branches :
Attendu que M. Jacques X... et les consorts X... reprochent enfin à l'arrêt d'avoir dit n'y avoir lieu de supprimer ni de réduire les pénalités forfaitaires alors, selon le pourvoi, d'une part, que suivant l'article "1152" du Code civil, si la peine stipulée dans une convention en cas d'inexécution peut se concevoir aussi bien comme un moyen de contraindre la partie à l'exécution que comme une évaluation conventionnelle anticipée du préjudice futur, elle n'en peut pas moins, dans l'un et l'autre cas, être réduite par le juge qui doit, pour en apprécier le caractère excessif, tenir compte de son but ;
qu'en déniant dès lors le caractère de clause pénale aux stipulations mettant à la charge des cautions une indemnité forfaitaire calculée sur le montant de la créance, en cas d'une procédure de recouvrement, la cour d'appel a violé le texte précité ;
et alors, d'autre part, que suivant l'article 1152 du Code civil, le juge peut modérer ou augmenter une clause pénale si elle est manifestement excessive ou dérisoire ;
qu'en se bornant à rejeter la demande de M. Jacques X... et des consorts X..., aux motifs inopérants pris de ce que les taux incriminés seraient ceux "habituellement pratiqués à l'époque des prêts", sans apprécier le caractère excessif des montants critiqués au moment où elle statue, la cour d'appel a derechef violé le texte précité ;
Mais attendu qu'après avoir reproduit le texte des trois clauses litigieuses et considéré que celles-ci pouvaient être traitées comme des clauses pénales, ce qui rend inopérant le grief de la première branche, la cour d'appel, recherchant si les peines devaient être modérées, a retenu, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation des éléments de preuve versés aux débats, que "le caractère manifestement excessif des pénalités convenues n'est pas démontré" ;
qu'ainsi, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;
que le moyen n'est fondé en aucune de ses deux branches ;
Sur la demande présentée au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile :
Attendu que la Caisse fédérale de Crédit mutuel agricole et rural d'Anjou sollicite sur le fondement de ce texte, l'allocation d'une somme ;
Mais attendu qu'il n'y a pas lieu d'accueillir cette demande ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Rejette également la demande présentée sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile par la Caisse fédérale de Crédit mutuel agricole et rural d'Anjou ;
Condamne les consorts X..., envers la Caisse fédérale de Crédit mutuel agricole et rural d'Anjou, aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par M. le président en son audience publique du vingt huit février mil neuf cent quatre-vingt-quinze.