Attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué (Douai, 23 novembre 1992) que Mme X..., commerçante, a eu recours, pour la tenue de sa comptabilité, aux services du Centre de gestion et d'économie rurale (le CGER) et de l'Office technique de gestion (l'OTEG), sous le contrôle de la Société d'expertise comptable Artois-Picardie (la Sodecap) ; qu'à la suite d'importants redressements fiscaux Mme X... a été mise en liquidation des biens ; que le syndic, reprochant au CGER, à l'OTEG et à la Sodecap d'avoir commis des fautes ayant entraîné les redressements fiscaux, a assignés ces divers organismes en paiement ;
Sur le premier moyen, pris en ses deux branches :
Attendu que la Sodecap reproche à l'arrêt de l'avoir condamnée à payer, in solidum avec l'OTEG, une certaine somme au syndic, alors, selon le pourvoi, d'une part, que la comptabilité des adhérents des centres de gestion doit être centralisée par un expert agrée ou par une société membre de l'Ordre qui vise les documents fiscaux après s'être assuré de leur régularité formelle et de leur concordance avec la comptabilité ; que le visa apposé par l'expert-comptable a pour seul objet de certifier la régularité formelle des documents fiscaux et leur concordance avec la comptabilité ; que l'expert-comptable qui appose son visa n'est donc pas tenu de procéder à un contrôle effectif de la comptabilité ; qu'en énonçant en l'espèce que l'apposition du visa par la Sodecap nécessitait le contrôle de la comptabilité de Mme X..., la cour d'appel a violé par fausse interprétation l'article 1er de la loi du 27 décembre 1974 ; et alors, d'autre part, que l'apposition par l'expert-comptable du visa prévu à l'article 1er du texte précité et à l'article 7 du décret du 6 octobre 1974 n'entraîne pour la société d'expert-comptable, qui appose ce visa, aucun contrôle de la comptabilité lorsque la tenue et le contrôle de cette comptabilité ont été confiés à un autre organisme spécialisé ; qu'en l'espèce la cour d'appel relève que Mme X... avait confié la tenue de sa comptabilité au CGEFAC, organisme comptable ; qu'en considérant que la Sodecap avait, en apposant son visa, l'obligation de contrôler la comptabilité de Mme X..., la cour d'appel a violé l'article 1er de la loi du 27 décembre 1974 ;
Mais attendu que le visa mentionné à l'article 1er de la loi de finances du 27 décembre 1974, qui a pour objet de certifier la régularité formelle des documents fiscaux et leur concordance avec la comptabilité, doit émaner de l'expert-comptable, du comptable agréé ou de la société membre de l'Ordre qui tient, centralise ou surveille la comptabilité de l'industriel, commerçant, artisan ou agriculteur adhérent d'un centre de gestion ; que c'est donc à bon droit que la cour d'appel a retenu que l'apposition du visa par la Sodecap entraînait pour celle-ci l'obligation de surveiller la comptabilité de sa cliente, peu important que la tenue en ait été confiée à un organisme spécialisé ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Sur le second moyen :
Attendu que la Sodecap reproche encore à l'arrêt d'avoir ainsi statué, alors, selon le pourvoi, que la fraude corrompt tout et que sont irrecevables les demandes en responsabilité formées par l'une des parties à l'encontre de l'expert-comptable, dès lors que la partie concernée s'est rendue coupable de fraude ; que pour rejeter l'exception de fraude soulevée par la Sodecap, la cour d'appel s'est bornée à énoncer que Mme X... n'avait jamais avoué avoir commis une dissimulation frauduleuse de ses comptes ; qu'en statuant ainsi sans rechercher si les dissimulations incontestées des comptes étaient frauduleuses, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil et au regard des adages Fraus omnia corrumpit et Nemo auditur ;
Mais attendu qu'ayant constaté que les erreurs affectant la comptabilité de Mme X... n'avaient pas été commises volontairement par cette dernière et retenu que le terme de " dissimulations ", employé par l'Administration, était inadéquat en l'espèce, la cour d'appel a pu considérer que Mme X... n'était l'auteur d'aucune fraude, effectuant ainsi la recherche qu'il lui est reproché d'avoir omise ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.