Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. A... est un associé minoritaire de la société anonyme Champagnes Giesler (la société Giesler) laquelle détenait plus de 50 % des actions de la société Marne et Champagne (la société Marne) et avait pour actionnaire majoritaire M. Gaston X..., propriétaire de 66,75 % des actions ; que cette société a décidé, par délibération de l'assemblée générale extraordinaire du 5 juillet 1986, d'apporter ses actions de la société Marne à la société en commandite par actions Champagnes X... (la société X...), constituée à cette même date ; que le 5 septembre 1988 M. A... a assigné la société Giesler, plusieurs de ses actionnaires et la société X... devant le tribunal de commerce de Paris pour faire prononcer l'annulation de la délibération du 5 juillet 1986 et celle de la société X... ; que l'affaire a été renvoyée devant le tribunal de commerce d'Epernay, déclaré compétent par arrêt de la cour d'appel de Paris du 28 février 1990 et que le pourvoi formé contre cet arrêt a été rejeté le 25 février 1992 ; que par son jugement du 18 décembre 1990, le tribunal de commerce d'Epernay a rejeté les demandes de M. A... qui a fait appel devant la cour d'appel de Reims ; que M. A... a assigné la Société mobilière de gestion (la société SMG) en annulation devant le tribunal de commerce de Paris ; que ce Tribunal déclarant cette affaire connexe avec la précédente, s'est dessaisi au profit du tribunal de commerce d'Epernay par jugement du 4 décembre 1990 ; que le contredit formé contre ce jugement par M. A... a été rejeté par arrêt de la cour d'appel de Paris le 12 juin 1991 ; que, le 18 mars 1991, M. A... a assigné la société SMG en intervention forcée devant la cour d'appel de Reims pour qu'il soit statué sur les deux affaires par un seul arrêt ; qu'il a également saisi le tribunal de commerce d'Epernay de son action contre la société SMG, et lui a demandé, à raison de la connexité, de renvoyer l'affaire devant la cour d'appel de Reims, saisie du premier litige au fonds ; que par jugement du 29 septembre 1992, le Tribunal a sursis à statuer ; que le premier président de la cour d'appel a rejeté la demande d'autorisation d'appel immédiat de cette décision formée par M. A... ;
Sur le premier moyen : (sans intérêt) ;
Sur le second moyen pris en ses quatre branches : (sans intérêt) ;
Mais sur le quatrième moyen pris en sa sixième branche :
Vu les articles 173 et 360, deuxième alinéa, de la loi du 24 juillet 1966 ;
Attendu que la résolution d'une assemblée d'actionnaires prise contrairement à l'intérêt social, dans l'unique dessein de favoriser des membres de la majorité au détriment de membres de la minorité constitue un abus de majorité ;
Attendu que pour rejeter la demande d'annulation, pour abus de majorité, de la résolution décidant un apport d'actifs de la société Giesler à la société X..., en cours de constitution, l'arrêt retient que, présentée comme tendant à assurer la pérennité de l'entreprise, sa préservation et son développement par l'interposition entre les actionnaires, personnes physiques, et les activités commerciales d'une entité juridique propre à garantir à ses dirigeants une plus grande indépendance dans la gestion et une stabilité indispensable au développement des activités, l'opération a laissé aux actionnaires minoritaires de la société Giesler les mêmes prérogatives d'information et de contrôle sur la gestion de la société Marne qu'auparavant et à très peu près la même vocation aux bénéfices et n'a pas été contraire à l'intérêt social ;
Attendu qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt, que la société Giesler a cédé ses actions de la société Marne à la société X..., société en commandite par actions et, qu'à la suite de l'interposition de cette société entre elle et sa filiale la société Giesler est " devenue une coque vide ", dont de 1986 à 1988 le chiffre d'affaires est tombé de 88 983 631 francs à 295 815 francs et le bénéfice de 33 176 108 francs à 251 531 francs, que les décisions des gérants statutaires de la société en commandite, sur lesquels les associés minoritaires de la société Giesler n'ont aucune influence ou contrôle, commandent les orientations données à la filiale et peuvent empêcher toute remontée des bénéfices vers la société Giesler, si bien que le prix de l'action est passé de 4 607,79 francs en 1986 à 34,94 francs en 1988, et, " que grâce aux caractéristiques propres de la SCA Champagnes X..., Gaston X... s'est assuré une complète liberté de manoeuvre " ;
Attendu qu'en statuant comme elle a fait, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE l'arrêt rendu entre les parties par la cour d'appel de Reims le 1er février 1993 mais seulement en ce qu'il a rejeté la demande de M. A... en annulation de la délibération de l'assemblée extraordinaire de la société Giesler du 5 juillet 1986, et celles qui en dépendaient, à savoir les demandes en nullité de la constitution de la société en commandite par actions Champagne X... et la demande en dommages-intérêts dirigée contre M. X..., Mme B..., M. Y... et M. Z... ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris.