AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par Mme Catherine Y..., demeurant ... (19ème), en cassation d'un arrêt rendu le 10 octobre 1990 par la cour d'appel de Paris (22ème chambre, section A), au profit de la Ville de Saint-Denis, Service Municipal de la Jeunesse, 12, Place de la Résistance à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), défenderesse à la cassation ;
LA COUR, en l'audience publique du 22 novembre 1994, où étaient présents : M. Kuhnmunch, président, M. Merlin, conseiller rapporteur, MM. Waquet, Ferrieu, Monboisse, Mme Ridé, M. Desjardins, conseillers, Mlle Sant, MM. Frouin, Boinot, conseillers référendaires, M.
X..., avocat général, Mme Marcadeux, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. le conseiller Merlin, les observations de Me Baraduc-Bénabent, avocat de la Ville de Saint-Denis, les conclusions de M. Martin, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur les trois moyens réunis :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 10 octobre 1990), que Mme Y... a été engagée, par la commune de Saint-Denis, service municipal de la jeunesse, en qualité d'animatrice vacataire, responsable de l'activité danse contemporaine, pour la saison 1988/1989 et sous réserve d'un nombre suffisant de participants à cette activité ; que, par lettre du 20 novembre 1988, la commune de Saint-Denis a mis fin au contrat de l'intéressée en raison du nombre insuffisant des participants à l'activité considérée ; que la salariée a saisi la juridiction prud'homale en réclamant des dommages-intérêts pour rupture anticipée de son contrat de travail à durée déterminée ; que la commune de Saint-Denis ayant soulevé l'incompétence du conseil de prud'hommes au profit du tribunal administratif, le conseil de prud'hommes s'est déclaré compétent et a statué au fond ; qu'en cause d'appel, le Préfet de la Seine-Saint-Denis a déposé un déclinatoire de compétence au profit de la juridiction administrative ;
Attendu que la salariée reproche à la cour d'appel de s'être déclarée incompétente, alors, selon les moyens, que la cour d'appel n'a pas répondu à ses conclusions soulevant l'irrecevabilité de l'exception d'incompétence de la juridiction prud'homale au motif qu'elle n'avait pas été soulevée avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir ; alors, en outre, qu'il appartient au demandeur à l'exception de rapporter la preuve des faits sur lesquels il appuie son exception, que la cour d'appel en énonçant que la salariée "n'apportait pas la preuve qui lui incombe, qu'en dépit des apparences ce serait une personne physique ou une association privée qui l'aurait engagée", a inversé la charge de la preuve et violé les articles 1315 du Code civil, 6 à 12 du nouveau Code de procédure civile ; alors, enfin, que le fait que l'emploi de la salariée s'identifie à l'une des finalités poursuivies par l'employeur ne justifie pas qu'il participe à l'exécution d'une mission de service public ; qu'aux termes de l'article L. 511-1 dernier alinéa du Code du travail, les personnels des services publics, lorsqu'ils sont employés dans les conditions du droit privé, relèvent de la compétence du conseil de prud'hommes ; que pour dénier la compétence de la juridiction prud'homale, il était nécessaire qu'il soit établi que le service municipal de la jeunesse était un établissement public ou un établissement privé participant à une mission de service public ; qu'en se bornant à considérer comme évidente la participation de la salariée à l'exécution d'un service public, sans autre motivation, la cour d'appel a violé les dispositions des articles 455, 458 du nouveau Code de procédure civile et L. 511-1 du Code du travail ;
Mais attendu, d'abord, que la cour d'appel, saisi par le préfet d'un déclinatoire de compétence, devait se prononcer sur sa compétence ;
Attendu, ensuite, que la cour d'appel a relevé que la salariée avait été engagée par la commune de Saint-Denis et que sa mission s'identifiait à l'une des finalités du service municipal de la jeunesse, qui a pour vocation de procurer aux enfants et aux adolescents des activités sportives, de loisir ou de divertissement ; qu'en l'état de ces constatations, d'où il résultait que la salariée participait à l'exécution même d'un service public administratif communal d'animation de la jeunesse, la cour d'appel a décidé, à bon droit, sans inverser la charge de la preuve, qu'elle était incompétente pour statuer sur le litige dont elle était saisie ;
D'où il suit que les moyens ne peuvent être accueillis ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme Y..., envers la Ville de Saint-Denis, aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par M. le président en son audience publique du dix huit janvier mil neuf cent quatre-vingt-quinze.