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13/12/1994 | FRANCE | N°93-11035

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 13 décembre 1994, 93-11035


Attendu, selon le jugement déféré, que M. X..., propriétaire d'un véhicule de marque Rover de plus de seize chevaux fiscaux, a réclamé, le 17 janvier 1991, le remboursement des taxes acquittées au titre des années 1979 à 1985 en se fondant sur la contrariété de ces taxes avec l'article 95 du Traité CEE, telle que constatée par les arrêts du 9 mai 1985 (Humblot) et 17 septembre 1987 (Feldain) de la Cour de justice des Communautés européennes ; qu'après le rejet de sa réclamation, il a assigné le directeur des services fiscaux devant le tribunal de grande instance en restitut

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Attendu, selon le jugement déféré, que M. X..., propriétaire d'un véhicule de marque Rover de plus de seize chevaux fiscaux, a réclamé, le 17 janvier 1991, le remboursement des taxes acquittées au titre des années 1979 à 1985 en se fondant sur la contrariété de ces taxes avec l'article 95 du Traité CEE, telle que constatée par les arrêts du 9 mai 1985 (Humblot) et 17 septembre 1987 (Feldain) de la Cour de justice des Communautés européennes ; qu'après le rejet de sa réclamation, il a assigné le directeur des services fiscaux devant le tribunal de grande instance en restitution des taxes acquittées ; que le Tribunal a débouté M. X... de sa demande pour les années 1979 et 1980 et a déclaré prescrite sa réclamation pour les années 1981 à 1985 ;

Sur le premier moyen :

Attendu que M. X... fait grief au jugement d'avoir statué en dernier ressort, alors, selon le pourvoi, que le litige relatif à l'exercice du droit à restitution de taxes perçues en violation du droit communautaire, demandée sur le fondement d'arrêts de la Cour de justice des Communautés européennes établissant la contrariété des taxes en cause au Traité a trait à une action de droit commun en répétition de l'indu et n'entre donc pas dans les prévisions des articles L. 190 et L. 199 du Livre des procédures fiscales, que le Tribunal de grande instance a ainsi violés ;

Mais attendu qu'aux termes de l'article L. 190, deuxième alinéa, du Livre des procédures fiscales, tel qu'il résulte de la loi du 29 décembre 1989, applicable à tous les litiges engagés par des réclamations ultérieures à l'entrée en vigueur de ladite loi, toutes actions tendant à la décharge ou à la réduction d'une imposition ou à l'exercice de droits à déduction, fondées sur la non-conformité de la règle de droit dont il a été fait application à une règle de droit supérieure sont instruites et jugées selon les règles du Livre des procédures fiscales relatives au contentieux de l'établissement de l'impôt ; que, dès lors, l'article L. 199 du même Livre étant applicable, le jugement du Tribunal n'est pas susceptible d'appel ; que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le deuxième moyen, pris en sa première branche :

Vu l'article 95 du Traité instituant la Communauté économique européenne ;

Attendu que, dans son arrêt du 17 septembre 1987 (Feldain), la Cour de justice des Communautés européennes a dit pour droit qu'un système de taxe qui, d'une part, par l'établissement d'une tranche d'imposition comportant plus de puissances fiscales que les autres, freine la progression normale de la taxe au profit des véhicules haut de gamme de fabrication nationale et, d'autre part, comporte des modalités de détermination de la puissance fiscale défavorables aux véhicules importés d'autres Etats membres, a un effet discriminatoire ou protecteur au sens de l'article 95 du Traité ; qu'en ce qui concerne la détermination de la puissance fiscale, ce dernier arrêt n'a fait que préciser l'interprétation donnée par l'arrêt du 9 mai 1985 (Humblot), d'où il suit que cette interprétation s'imposait pour apprécier l'application du système de taxe en cause aux situations existant antérieurement à ce premier arrêt et qu'il en résultait le droit à restitution des taxes perçues en violation des règles ainsi affirmées ; que tel est le cas du système de taxe spéciale appliqué en 1979 et 1980, qui comportait la détermination de la puissance fiscale dans les conditions déterminées par une circulaire ministérielle du 23 décembre 1977 ;

Attendu que, pour débouter M. X... de sa demande au titre des années 1979 et 1980, le jugement relève que l'arrêt Humblot rendu le 9 mai 1985 par la Cour de justice des Communautés européennes n'a statué que pour la période postérieure au 1er décembre 1980 ;

Attendu qu'en statuant ainsi, le Tribunal a violé le texte susvisé ;

Et sur le moyen soulevé d'office, après avertissement donné aux parties :

Vu l'article 2 du Code civil, ensemble l'article 36 de la loi du 29 décembre 1989 ;

Attendu qu'il résulte de l'article 2 du Code civil que, lorsque la loi réduit la durée d'une prescription, la prescription réduite commence à courir, sauf disposition contraire, du jour de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle, sans que la durée totale puisse excéder le délai prévu par la loi antérieure ; que l'article 36 de la loi du 29 décembre 1989, modifiant l'article L. 190 du Livre des procédures fiscales et disposant que sont instruites et jugées selon les règles du Livre des procédures fiscales toutes actions tendant à la décharge ou à la réduction d'une imposition ou à l'exercice de droit à déduction fondées sur la non-conformité de la règle de droit dont il a été fait application à une règle de droit supérieur, a eu pour effet de rendre applicable aux actions en répétition de l'indu le délai de réclamation prévu à l'article R. 196-1 de ce livre, tandis que ces actions étaient auparavant soumises à la seule prescription trentenaire de droit commun ; que ces nouvelles dispositions, qui n'ont pas pour effet de rendre excessivement difficiles les possibilités d'agir en répétition de l'indu et qui ne sont pas moins favorables que les recours similaires de droit interne, lesquels ne sont pas tous régis par la prescription trentenaire, sont applicables, aux termes de la loi, à tous les litiges engagés par des réclamations présentées après l'entrée en vigueur de la loi et qu'il en résulte que le délai institué à l'article R. 196-1 du Livre des procédures fiscales ne commence à courir qu'à compter de l'entrée en vigueur de la loi du 29 décembre 1989 ;

Attendu que, pour déclarer la réclamation de M. X... prescrite pour les années 1981 à 1985, le jugement retient que la réclamation de M. X... n'a pas été présentée dans le délai de l'article R. 196-1 du Livre des procédures fiscales, soit à l'expiration de la deuxième année suivant celle où a été rendu l'arrêt du 17 septembre 1987 (Feldain) ;

Attendu qu'en statuant ainsi, le Tribunal a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, le jugement rendu le 22 septembre 1992, entre les parties, par le tribunal de grande instance de Nanterre ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant le tribunal de grande instance de Paris.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 93-11035
Date de la décision : 13/12/1994
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

1° IMPOTS ET TAXES - Procédure (règles communes) - Voies de recours - Pourvoi en cassation - Décisions susceptibles - Jugement - Objet - Répétition - Non-conformité.

1° Aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 190 du Livre des procédures fiscales, tel qu'il résulte de la loi du 29 décembre 1989, applicable à tous les litiges engagés par des réclamations après l'entrée en vigueur de la loi, toutes actions tendant à la décharge ou à la réduction d'une imposition ou à l'exercice de droits à déduction, fondées sur la non-conformité de la règle de droit dont il a été fait application à une règle de droit supérieure sont instruites et jugées selon les règles du Livre des procédures fiscales relatives au contentieux de l'établissement de l'impôt ; que, dès lors, l'article L. 199 du même Livre étant applicable, le jugement du tribunal n'est pas susceptible d'appel.

2° IMPOTS ET TAXES - Enregistrement - Taxe sur les véhicules à moteur - Taxe spéciale sur les véhicules de plus de seize CV - Taxe contraire au traité de Rome - Droit au remboursement - Champ d'application - Années 1979 et 1980.

2° COMMUNAUTE ECONOMIQUE EUROPEENNE - Impôts et taxes - Enregistrement - Taxes incompatibles avec le droit communautaire - Taxation différente pour les produits importés et les produits nationaux - Décision de la Cour de justice interprétant un arrêt antérieur - Effet.

2° Dans son arrêt du 17 septembre 1987 (Feldain), la Cour de justice des Communautés européennes, en ce qui concerne la détermination de la puissance fiscale, n'a fait que préciser l'interprétation donnée par l'arrêt du 9 mai 1985 (Humblot), d'où il suit que cette interprétation s'imposait pour apprécier l'application du système de taxe aux situations existant antérieurement à ce premier arrêt ; tel est le cas du système de taxe spéciale appliqué en 1979 et 1980 qui comportait la détermination de la puissance fiscale dans les conditions déterminées par une circulaire ministérielle du 23 décembre 1977.

3° IMPOTS ET TAXES - Procédure (règles communes) - Réclamation préalable - Délai - Champ d'application - Répétition - Non-conformité.

3° COMMUNAUTE ECONOMIQUE EUROPEENNE - Impôts et taxes - Enregistrement - Taxes incompatibles avec le droit communautaire - Droit au remboursement - Réclamation préalable - Délai 3° PRESCRIPTION CIVILE - Délai - Réduction - Point de départ - Date d'entrée en vigueur de la loi nouvelle 3° LOIS ET REGLEMENTS - Non-rétroactivité - Prescription - Délai - Réduction.

3° Il résulte de l'article 2 du Code civil et du deuxième alinéa de l'article L. 190 du Livre des procédures fiscales, alinéa dont les dispositions n'ont pas pour effet de rendre excessivement difficiles les possibilités d'agir en répétition de l'indu et ne sont pas moins favorables que les recours similaires de droit interne, que le délai institué à l'article R. 196-1 du Livre des procédure fiscales ne commence à courir qu'à compter de l'entrée en vigueur de la loi du 29 décembre 1989.


Références :

1° :
2° :
3° :
CGI L190 al. 2, L199
CGI R196-1, L190 al. 2
Code civil 2
circulaire ministérielle du 23 décembre 1977

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Nanterre, 22 septembre 1992

A RAPPROCHER : (2°). Chambre commerciale, 1993-04-06, Bulletin 1993, IV, n° 141 (1), p. 95 (irrecevabilité partielle et rejet).


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 13 déc. 1994, pourvoi n°93-11035, Bull. civ. 1994 IV N° 380 p. 313
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 1994 IV N° 380 p. 313

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Bézard .
Avocat général : Avocat général : M. Raynaud.
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Huglo.
Avocat(s) : Avocats : la SCP Guiguet, Bachellier et Potier de la Varde, M. Goutet.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1994:93.11035
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