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13/12/1994 | FRANCE | N°92-15091

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 13 décembre 1994, 92-15091


Attendu, selon l'arrêt critiqué (Paris, 17 mars 1992), que la société Soba Industries a remis, pour escompte, à la Banque parisienne de crédit (la banque) des lettres de change tirées sur la Fédération des Employés et Cadres Force Ouvière (le syndicat) ; qu'à l'emplacement prévu pour l'acceptation de chacun de ces effets figuraient d'une part la signature de M. X..., alors trésorier du syndicat, et d'autre part la griffe du secrétaire général de celui-ci ; que la banque a réclamé le paiement des effets ; que le syndicat a demandé qu'il soit sursis à statuer, au motif qu'il

avait déposé une plainte avec constitution de partie civile contre ...

Attendu, selon l'arrêt critiqué (Paris, 17 mars 1992), que la société Soba Industries a remis, pour escompte, à la Banque parisienne de crédit (la banque) des lettres de change tirées sur la Fédération des Employés et Cadres Force Ouvière (le syndicat) ; qu'à l'emplacement prévu pour l'acceptation de chacun de ces effets figuraient d'une part la signature de M. X..., alors trésorier du syndicat, et d'autre part la griffe du secrétaire général de celui-ci ; que la banque a réclamé le paiement des effets ; que le syndicat a demandé qu'il soit sursis à statuer, au motif qu'il avait déposé une plainte avec constitution de partie civile contre M. X... pour faux et usage de faux ; que la cour d'appel a rejeté cette exception et, infirmant le jugement, a accueilli la demande de la banque ;

Sur le premier moyen, pris en ses deux branches :

Attendu que le syndicat fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté l'exception tirée des dispositions de l'article 4 du Code de procédure pénale, alors, selon le pourvoi, d'une part, que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'en relevant d'office l'irrecevabilité de l'exception de procédure sans inviter les parties à présenter leurs observations, la cour d'appel a violé l'article 16 du nouveau Code de procédure civile ; et alors, d'autre part, que l'irrecevabilité prévue dans le cas où une exception est invoquée postérieurement à une défense au fond ou une fin de non-recevoir n'est pas encourue dès lors que les deux moyens ont été invoqués l'un et l'autre dans le même acte, peu importe, dès lors, l'ordre dans lequel ces deux moyens ont été invoqués ; qu'en l'espèce, dans ses conclusions d'appel, la FEC-FO avait soulevé une exception fondée sur l'article 4 du Code de procédure pénale, après avoir développé des moyens de défense au fond ; que la cour d'appel qui a cependant déclaré irrecevable l'exception a violé les dispositions de l'article 74 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu, d'une part, que, dès lors que le syndicat avait soulevé une exception de procédure, la question de la recevabilité de ce moyen de défense était nécessairement dans la cause ; d'où il suit qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel, qui n'a pas relevé d'office le moyen tiré de l'application des règles relatives à l'exception invoquée, n'a pas méconnu le principe de la contradiction des débats ;

Attendu, d'autre part que, conformément à l'article 74 du nouveau Code de procédure civile, les exceptions doivent, à peine d'irrecevabilité, être soulevées avant les défenses au fond ; que dès lors, si rien n'interdit de les présenter dans les mêmes conclusions, c'est à la condition qu'elles les y précèdent ; qu'il s'ensuit qu'en déclarant que " la FEC-FO n'a opposé l'exception dilatoire fondée sur les dispositions de l'article 4 du Code de procédure pénale, qu'après avoir développé son argumentation sur l'inopposabilité des exceptions " et en décidant que ce syndicat " doit dès lors être déclaré irrecevable en son exception dilatoire ", la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;

Que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Et sur le second moyen, pris en ses trois branches :

Attendu que le syndicat reproche encore à l'arrêt de l'avoir condamné au paiement des lettres de change, alors, selon le pourvoi, d'une part que, sauf lorsqu'une lettre de change est rendue acceptée par une personne morale à la demande d'une banque, il appartient à celle-ci de s'assurer de la justification des pouvoirs de la personne qui a donné la signature de l'acceptation et de vérifier le caractère suffisant de cette signature pour engager le tiré, dès lors que la lettre de change a été remise au banquier déjà revêtue de l'acceptation ; qu'en l'espèce, il est constant que les lettres de change litigieuses, tirées par un complice de M. X... sur la FEC-FO ont été remises à l'escompte à la BPC alors qu'elles étaient déjà revêtues de la signature d'acceptation de M. X... ; qu'en estimant néanmoins que la banque n'était pas tenue de s'assurer de la justification des pouvoirs de M. X..., la cour d'appel, qui considère que les traites sont régulières et que la FEC-FO est engagée cambiairement, a violé les articles 124, 126 et 114 du Code de commerce ; alors, d'autre part, qu'à l'égard des non-professionnels ou des professionnels d'une autre branche d'activité, les usages bancaires n'acquièrent force obligatoire pour régir une opération déterminée que dans la mesure où ils ont été connus et acceptés expressément ou tacitement ; qu'en opposant au syndicat FEC-FO un usage bancaire selon lequel lorsque les lettres de change sont rendues acceptées par une personne morale, le banquier escompteur n'est pas tenu d'exiger la justification des pouvoirs de la personne qui a donné la signature d'acceptation, la cour d'appel, qui n'a pas recherché si le syndicat avait connu cet usage et l'avait accepté expressément ou tacitement, n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 114, 124 et 126 du Code de commerce ; alors, enfin, que si une personne peut être engagée sur le fondement d'un mandat apparent, c'est à la condition que la croyance du tiers aux pouvoirs du prétendu mandataire soit légitime, ce caractère supposant que les circonstances autorisaient le tiers à ne pas vérifier lesdits pouvoirs ; qu'en l'espèce, il est constant que les cinq traites litigieuses tirées par Georgelin l'ont été sur le syndicat FEC-FO qui n'est pas commerçant, pour un montant total de 407 970 francs, à des échéances très rapprochées (entre le 31 décembre 1989 et le 10 janvier 1990), avec une simple signature et une griffe, non précédées de la qualité de ces signataires, en guise d'acceptation alors qu'il est d'usage que les engagements financiers des syndicats soient souscrits par le trésorier et le secrétaire général ; que la cour d'appel qui considère que la banque qui prend à l'escompte de tels effets, n'a pas à vérifier la réalité des pouvoirs du signataire de l'acceptation, a violé l'article 1985 du Code civil ;

Mais attendu, en premier lieu, que la cour d'appel n'a pas fondé sa décision sur l'existence d'un mandat apparent ;

Attendu, en second lieu, qu'ayant constaté que les effets portaient la signature authentique du trésorier du syndicat, ainsi que la griffe du secrétaire général de celui-ci, la cour d'appel a pu retenir, abstraction faite de la référence, inopérante, à un usage bancaire, qu'il n'incombait pas à la banque de s'assurer de la justification des pouvoirs du signataire ;

Que le moyen, qui manque en fait et ne peut être accueilli dans sa troisième branche, n'est fondé en aucune des deux autres ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 92-15091
Date de la décision : 13/12/1994
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

EFFET DE COMMERCE - Lettre de change - Acceptation - Action directe du tiers porteur de l'effet - Acceptation au nom d'une personne morale - Vérification des pouvoirs de la personne qui a signé l'acceptation - Obligation du banquier escompteur (non) .

USAGES - Usages professionnels - Banque - Effet de commerce - Lettre de change - Acceptation - Acceptation au nom d'une personne morale - Vérification des pouvoirs du signataire - Obligation du banquier escompteur (non)

BANQUE - Lettre de change - Escompte - Action directe contre le tiré accepteur - Acceptation - Acceptation au nom d'une personne morale - Vérification des pouvoirs du signataire - Obligation du banquier escompteur (non)

Justifie légalement sa décision de retenir dans les liens du change un syndicat professionnel vis-à-vis d'une banque ayant pris à l'escompte des lettres de change acceptées, la cour d'appel, qui a constaté que ces effets portaient la signature authentique du trésorier de ce syndicat et la griffe de son secrétaire général et qu'il n'incombait pas à la banque de s'assurer de la justification des pouvoirs du signataire.


Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 17 mars 1992

A RAPPROCHER : Chambre commerciale, 1989-05-23, Bulletin 1989, IV, n° 160, p. 107 (rejet).


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 13 déc. 1994, pourvoi n°92-15091, Bull. civ. 1994 IV N° 378 p. 312
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 1994 IV N° 378 p. 312

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Bézard .
Avocat général : Avocat général : M. Raynaud.
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Dumas.
Avocat(s) : Avocats : MM. Guinard, Le Prado.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1994:92.15091
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