AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la Caisse primaire d'assurance maladie de Douai, sise rue Saint-Sulpice, Douai (Nord), en cassation d'un arrêt rendu le 3 décembre 1991 par la cour d'appel de Metz (chambre sociale), au profit :
1 / de la Caisse maladie régionale du Nord, sise ... (Nord),
2 / de M. Georges d'X..., demeurant ... (Nord),
3 / de la société France Partner, venant aux droits de la société à responsabilité limitée France Nuit Nord, sise ... (Moselle),
4 / de l'Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales de Douai, sise rue Henry Dunant, Douai (Nord), défendeurs à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
LA COUR, en l'audience publique du 7 juillet 1994, où étaient présents : M. Kuhnmunch, président, M. Favard, conseiller rapporteur, MM. Hanne, Berthéas, Lesage, Pierre, conseillers, Mme Kermina, M. Choppin Haudry de Janvry, conseillers référendaires, M. Terrail, avocat général, M. Richard, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. le conseiller Favard, les observations de la SCP Peignot et Garreau, avocat de la CPAM de Douai, de Me Choucroy, avocat de la société France Partner venant aux droits de la société France Nuit Nord, les conclusions de M. Terrail, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société France Nuit Nord, devenue France Partner, ayant fait appel pour exercer son activité de transport et de messagerie à M. D'X..., entrepreneur, qualifié de sous-traitant, la CPAM a décidé d'assujettir celui-ci au régime général de la sécurité sociale ;
Attendu que la CPAM fait grief à l'arrêt attaqué (Metz, 3 décembre 1991) d'avoir décidé qu'il n'y avait pas lieu à cette affiliation, alors, selon le moyen, qu'en vertu de l'article L. 311-2 du Code de la sécurité sociale, l'assujettissement au régime général de la sécurité sociale peut être prononcé, eu égard à la situation de fait, dès lors que l'intéressé est lié par un contrat valable à un ou plusieurs employeurs, est placé sous la subordination du ou des employeurs, ou se trouve intégré dans le cadre d'un service organisé ; qu'en l'espèce, la cour d'appel, qui a constaté que l'intéressé devait se plier à des sujétions nombreuses et importantes imposées par la société France Partner, était rémunéré régulièrement en fonction d'un taux kilométrique, ne pouvait décider que ce "sous-traitant" ne remplissait pas les conditions d'assujettissement au régime général sans rechercher si ces circonstances ne caractérisaient pas l'exercice d'une activité effectuée pour le compte de la société et à son profit ; qu'ainsi, faute de s'être livrée à cette recherche, elle a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé ;
Mais attendu que la cour d'appel a relevé que les obligations mises à la charge de M. D'X... ne contiennent pas de dispositions autres que celles qui sont strictement nécessaires pour permettre à la société France Partner de s'assurer d'une exécution satisfaisante du marché passé par elle avec ses clients à l'égard desquels elle conserve une responsabilité directe ; que l'entrepreneur sous-traitant a pour sa part le choix des moyens pour une bonne exécution du marché, tant au plan du choix du matériel qu'à celui des démarches à accomplir pour assurer les marchandises transportées et se couvrir au plan de la responsabilité civile ; qu'il ne se voit interdire l'exercice d'aucune autre activité, même concurrente, à l'exception de celles constitutives de concurrence déloyale ou qui mettraient obstacle à l'exécution de ses obligations contractuelles ;
que le paiement, fait sur facturation honorée à soixante jours, peut varier en fonction du kilométrage imposé par la mission à remplir, sans garantie d'un tonnage ou kilométrage minimal, qui serait révélatrice, sous l'apparence d'une facturation, de la réalité d'un salaire ; que s'il est prévu que l'un ou l'autre des salariés du sous-traitant peut être écarté par la société France Partner, le choix des chauffeurs n'est soumis à aucun agrément de sa part, tandis que l'agrément exigé pour se substituer un autre entrepreneur dans l'exécution du contrat constitue une pratique conforme au droit commun des contrats commerciaux ;
que la cour d'appel a pu en déduire que M. D'X... ne se trouvait pas placé sous la subordination de la société France Partner ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la CPAM de Douai, envers les défendeurs, aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par M. le président en son audience publique du vingt-sept octobre mil neuf cent quatre-vingt-quatorze.