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18/10/1994 | FRANCE | N°92-19070;92-19071;92-19927

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 18 octobre 1994, 92-19070 et suivants


Joint les pourvois n° 92-19.070, n° 92-19.071 et n° 92-19.927 ;

Attendu, selon les arrêts attaqués (Rennes, 20 mai 1992, n° 341-342/92 et n° 343/92), que la Société bretonne de construction navale (la SBCN) a passé commande à la société Nanni X... les 4 novembre et 7 décembre 1987 de cinq groupes propulseurs destinés à équiper deux navires ; que trois de ces groupes propulseurs ont été acquis par Nanni X..., aux droits desquels se trouve la société Testerine, auprès de la société Marine Drive Units qui les a commandés à la société Breda Marine, désormais dé

nommée société MB Marine ; que les deux autres groupes propulseurs ont été acquis d...

Joint les pourvois n° 92-19.070, n° 92-19.071 et n° 92-19.927 ;

Attendu, selon les arrêts attaqués (Rennes, 20 mai 1992, n° 341-342/92 et n° 343/92), que la Société bretonne de construction navale (la SBCN) a passé commande à la société Nanni X... les 4 novembre et 7 décembre 1987 de cinq groupes propulseurs destinés à équiper deux navires ; que trois de ces groupes propulseurs ont été acquis par Nanni X..., aux droits desquels se trouve la société Testerine, auprès de la société Marine Drive Units qui les a commandés à la société Breda Marine, désormais dénommée société MB Marine ; que les deux autres groupes propulseurs ont été acquis directement par Nanni X... auprès de la société Breda Marine ; que les sociétés Marine Drive Units et Breda Marine ont leur siège en Italie ; que ces groupes propulseurs s'étant révélés défectueux, la SBCN a assigné en janvier 1991, devant le tribunal de commerce de Quimper, la société Nanni X..., l'assureur de celle-ci, le groupe Saltiel, aux droits duquel se trouve la compagnie Zurich International France, MB Marine et son assureur, la compagnie Winterthur Milan ; que Nanni X... a assigné en garantie MB Marine et son assureur ; que le groupe Saltiel a assigné son assuré Nanni X... et, en garantie, MB Marine et la compagnie Winterthur Milan ;

Sur le moyen unique du pourvoi n° 92-19.927 :

Attendu que la compagnie Winterthur Milan fait grief à l'arrêt n° 343/92 d'avoir déclaré recevable l'action directe de la SBCN et de l'assureur de celle-ci, la compagnie Zurich International France, à son encontre, alors, selon le pourvoi, d'une part, qu'en décidant de soumettre l'action directe à la loi du for, les juges du fond ont violé l'article 3 du Code civil ainsi que les règles de conflit de lois régissant l'action directe et la soumettant à la loi du lieu du dommage ; et alors d'autre part, en tout état de cause, l'action directe est certes possible du point de vue des conflits de lois, dès lors qu'elle est admise par la loi du lieu du dommage ; que, cependant, lorsque l'action directe est exercée contre l'assureur d'une personne dont la responsabilité est de nature contractuelle, la loi du lieu du dommage s'entend de la loi du lieu où s'exécute l'obligation dont la méconnaissance a provoqué le dommage ; qu'en l'espèce, la SBCN ne pouvait agir contre la société MB Marine, assuré auprès de la compagnie Winterthur Milan, qu'en exerçant l'action contractuelle née du contrat conclu entre la société MB Marine et la société Nanni X... assurée auprès du groupe Saltiel, aux droits duquel se trouve la société Zurich International ; d'où il suit qu'en s'abstenant de rechercher à quel endroit la convention conclue par la société SBCN et la société Nanni X... devait être exécutée, et notamment à quel endroit devait être livré le matériel fourni par la société SBCN à la société Nanni X..., pour en déduire la loi applicable à l'action directe, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 3 du Code civil et des règles de conflit de lois applicables en matière d'action directe ;

Mais attendu, d'une part, que l'arrêt retient que le fait dommageable invoqué, à savoir l'installation sur les deux navires de systèmes propulsifs défectueux, s'est produit à Loctudy dans le ressort du tribunal de commerce de Quimper ; qu'il en a déduit à bon droit que l'action directe du tiers lésé exercée contre l'assureur devant les juridictions françaises était recevable, quelles que soient les dispositions de la loi étrangère applicable au contrat d'assurance ;

Mais attendu, d'autre part, qu'il ne résulte ni de l'arrêt ni des conclusions que la compagnie Winterthur Milan ait soutenu devant les juges du fond le grief visé à la seconde branche du moyen ;

Que le moyen est mal fondé en sa première branche et, en sa seconde, nouveau et mélangé de fait et de droit, irrecevable ;

Sur le moyen unique du pourvoi incident n° 92-19.071, pris en ses deux branches :

Attendu que la société Testerine, venant aux droits de la société Nanni X... fait grief à l'arrêt n° 343/92 de s'être déclaré incompétent pour statuer sur son action en garantie à l'encontre de MB Marine, alors, selon le pourvoi d'une part, que le juge doit vérifier si la clause d'élection de for a fait l'objet d'un consentement exprès entre les parties, lequel doit se manifester d'une manière claire et précise ; que pour déclarer la clause attributive de compétence à la juridiction italienne opposable au cocontractant Nanni X..., la cour d'appel s'est bornée à relever que cette clause figurait dans les conditions générales de vente annexées aux confirmations des commandes sur lesquelles le cocontractant avait apposé sa signature et le cachet de sa société ; qu'en statuant de la sorte, sans rechercher ni constater que cette clause avait fait l'objet d'une acceptation expresse et précise, en connaissance de cause, de la société Nanni X..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 17 de la convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 ; et alors d'autre part, qu'en vertu du principe d'ordre public de la bonne administration de la justice, la connexité entre deux demandes fondées sur un même fait dommageable et liées entre elles impose l'unité de juridiction ; qu'en se déclarant compétente pour juger de l'action de la SBCN contre la société Nanni X... devenue société Testerine, fournisseur de la chose prétendument défectueuse tout en écartant sa compétence pour connaître des actions dirigées contre son cocontractant, fabricant de cette même chose défectueuse, la cour d'appel a violé l'article 22 de la convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 et l'article 101 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu, d'une part, qu'aux termes de l'article 17 de la convention de Bruxelles, tel qu'il résulte de l'article 11 de la convention d'adhésion de Luxembourg du 9 septembre 1978, la convention attributive de juridiction doit être conclue par écrit, soit verbalement avec confirmation écrite, soit dans le commerce international, en une forme admise par les usages dans ce domaine et que les parties connaissent ou sont censées connaître ; qu'ayant retenu que les conditions générales de vente ont été annexées par Breda Marine aux commandes et confirmations de commandes litigieuses, lesquelles s'y référent expressément, et sur lesquelles le représentant de Nanni X... a apposé sa signature et le cachet de cette société, que ce faisant, il a nécessairement accepté en connaissance de cause la clause attributive de compétence, la cour d'appel a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision ;

Attendu, d'autre part, que, par arrêt du 24 juin 1981 (Elefanten Schuh), la Cour de justice des Communautés européennes a précisé que l'article 22 de la convention de Bruxelles n'est pas attributif de compétence et qu'en particulier, il n'établit pas la compétence d'un juge d'un Etat contractant pour statuer sur une demande qui est connexe à une autre demande dont ce juge est saisi en application des règles de la convention ; que, par ce moyen de pur droit, l'arrêt se trouve justifié ;

Que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Mais sur le deuxième moyen du pourvoi n° 92-19.070, le deuxième moyen du pourvoi n° 92-19.071, pris en sa première branche, et le moyen unique du pourvoi incident n° 92-16.071 formé par la compagnie Zurich International :

Vu les articles 5. 1° de la convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 modifié par la convention de Luxembourg du 9 octobre 1978 et 5. 3° de la même convention de Bruxelles ;

Attendu que, pour accueillir l'exception d'incompétence soulevée par la société MB Marine, les arrêts retiennent que le sous-acquéreur dispose contre le fabricant et le vendeur intermédiaire d'une action directe de nature contractuelle fondée sur le contrat de vente conclu entre ce fabricant et le vendeur intermédiaire et que la clause attributive de juridiction figurant dans les contrats conclus entre la société Nanni X... d'un côté, et les sociétés Breda Marine, désormais dénommée MB Marine, et Marine Drive Units, désignant le tribunal de Milan, est opposable à la SBCN ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que, dans un arrêt du 27 septembre 1988 (Kalfelis), la Cour de justice des Communautés européennes a dit pour droit que la notion de matière délictuelle ou quasi délictuelle au sens de l'article 5, paragraphe 3, de la convention comprend toute demande qui vise à mettre en jeu la responsabilité d'un défendeur, et qui ne se rattache pas à la matière contractuelle au sens de l'article 5, paragraphe 1er, et que, dans un arrêt du 17 juin 1992 (Handke), la même Cour a dit pour droit que l'article 5, paragraphe 1er, de la Convention doit être interprété en ce sens qu'il ne s'applique pas à un litige opposant le sous-acquéreur d'une chose au fabricant, qui n'est pas le vendeur, en raison des défauts de la chose ou de l'impropriété de celle-ci à l'usage auquel elle est destinée, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs des pourvois principaux n° 92-19.070 et n° 92.19.071 ;

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'ils se sont déclarés incompétents pour statuer sur la demande formée par la Société bretonne de construction navale à l'encontre de la société MB Marine, les arrêts n° 341-342/92 et n° 343/92 rendus le 20 mai 1992, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant lesdits arrêts et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Caen.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 92-19070;92-19071;92-19927
Date de la décision : 18/10/1994
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

1° CONFLIT DE LOIS - Assurance responsabilité - Action directe de la victime - Loi du lieu des faits dommageables - Exercice de l'action en France - Recevabilité - Loi du contrat d'assurance - Influence (non).

1° ASSURANCE RESPONSABILITE - Action directe de la victime - Conflit de lois - Loi applicable - Loi du lieu des faits dommageables - Exercice de l'action en France - Recevabilité - Loi du contrat d'assurance - Influence (non).

1° Ayant retenu que le fait dommageable invoqué, à savoir l'installation sur deux navires de systèmes propulseurs défectueux, s'est produit dans le ressort du tribunal de commerce de Quimper, une cour d'appel en déduit à bon droit que l'action directe du tiers lésé exercée contre l'assureur devant les juridictions françaises était recevable, quelles que soient les dispositions de la loi étrangère applicable au contrat d'assurance.

2° COMMUNAUTE ECONOMIQUE EUROPEENNE - Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 - Compétence judiciaire - Compétence territoriale - Clause attributive - Validité - Insertion aux conditions générales de vente.

2° CONVENTIONS INTERNATIONALES - Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 - Compétence judiciaire - Clause attributive - Insertion aux conditions générales de vente de l'une des parties - Validité - Condition.

2° Aux termes de l'article 17 de la convention de Bruxelles, tel qu'il résulte de l'article 11 de la convention d'adhésion de Luxembourg du 9 septembre 1978, la convention attributive de juridiction doit être conclue par écrit, soit verbalement avec confirmation écrite, soit dans le commerce international, en une forme admise par les usages dans ce domaine et que les parties connaissent ou sont censées connaître. Ayant retenu que les conditions générales de vente ont été annexées par le vendeur aux commandes et confirmations de commandes litigieuses, lesquelles s'y référent expressément, et sur lesquelles le représentant de l'acheteur a apposé sa signature et le cachet de la société, que ce faisant, il a nécessairement accepté en connaissance de cause la clause attributive de compétence, la cour d'appel a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision.

3° COMMUNAUTE ECONOMIQUE EUROPEENNE - Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 - Compétence judiciaire - Connexité - Domaine d'application - Article attributif de compétence (non).

3° COMMUNAUTE ECONOMIQUE EUROPEENNE - Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 - Compétence judiciaire - Connexité - Domaine d'application - Convention désignant une autre juridiction (non) 3° CONVENTIONS INTERNATIONALES - Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 - Compétence judiciaire - Connexité - Domaine d'application - Article attributif de compétence (non) 3° CONVENTIONS INTERNATIONALES - Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 - Compétence judiciaire - Connexité - Domaine d'application - Convention désignant une autre juridiction (non).

3° Par arrêt du 24 juin 1981 (Elefanten Schuh), la Cour de justice des Communautés européennes a précisé que l'article 22 de la convention de Bruxelles n'est pas attributif de compétence et qu'en particulier, il n'établit pas la compétence d'un juge d'un Etat contractant pour statuer sur une demande qui est connexe à une autre demande dont ce juge est saisi en application des règles de la Convention.

4° COMMUNAUTE ECONOMIQUE EUROPEENNE - Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 - Compétence judiciaire - Compétence territoriale - Contrats et obligations - Lieu d'exécution de l'obligation - Vente - Litige opposant le sous-acquéreur au fabricant non vendeur - Application (non).

4° CONVENTIONS INTERNATIONALES - Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 - Compétence judiciaire - Contrats et obligations - Lieu d'exécution de l'obligation - Vente - Litige opposant le sous-acquéreur au fabricant non vendeur - Application (non) 4° COMMUNAUTE ECONOMIQUE EUROPEENNE - Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 - Compétence judiciaire - Compétence territoriale - Faute délictuelle - Champ d'application - Contrats - Responsabilité non contractuelle 4° CONVENTIONS INTERNATIONALES - Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 - Compétence judiciaire - Compétence territoriale - Faute délictuelle - Champ d'application - Contrats - Responsabilité non contractuelle.

4° Viole les articles 5.1° et 5.3° de la convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 modifiée par la convention de Luxembourg du 9 octobre 1978 la cour d'appel qui, pour accueillir l'exception d'incompétence soulevée par le fabricant, retient que le sous-acquéreur dispose contre le fabricant et le vendeur intermédiaire d'une action directe de nature contractuelle fondée sur le contrat de vente conclu entre ce fabricant et le vendeur intermédiaire et que la clause attributive de juridiction figurant dans ce contrat est opposable au sous-acquéreur, alors que, dans un arrêt du 27 septembre 1988 (Kelfelis), la Cour de justice des Communautés européennes a dit pour droit que la notion de matière délictuelle ou quasi délictuelle au sens de l'article 5, paragraphe 3, de la Convention comprend toute demande qui vise à mettre en jeu la responsabilité d'un défendeur et qui ne se rattache pas à la matière contractuelle au sens de l'article 5, paragraphe 1er, et que, dans un arrêt du 17 juin 1992 (Handke), la Cour de justice a dit pour droit que l'article 5, paragraphe 1er, de la Convention doit être interprété en ce sens qu'il ne s'applique pas à un litige opposant le sous-acquéreur d'une chose au fabricant, qui n'est pas le vendeur, en raison des défauts de la chose ou de l'impropriété de celle-ci à l'usage auquel elle est destinée.


Références :

4° :
Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968
Convention de Luxembourg du 09 septembre 1978 art. 11

Décision attaquée : Cour d'appel de Rennes, 20 mai 1992

DANS LE MEME SENS : (4°). Chambre civile 1, 1993-01-27, Bulletin 1993, I, n° 34, p. 22 (cassation). A RAPPROCHER : (1°). Chambre civile 1, 1948-07-13, Bulletin 1948, I, n° 224, p. 711 (rejet) ; Chambre sociale, 1962-05-11, Bulletin 1962, IV, n° 430 (3), p. 341 (rejet), et les arrêts cités. A RAPPROCHER : (2°). Chambre commerciale, 1985-10-29, Bulletin 1985, IV, n° 254, p. 212 (rejet), et les arrêts cités ; Chambre civile 1, 1985-12-03, Bulletin 1985, I, n° 331, p. 297 (cassation)

arrêt cité.


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 18 oct. 1994, pourvoi n°92-19070;92-19071;92-19927, Bull. civ. 1994 IV N° 292 p. 233
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 1994 IV N° 292 p. 233

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Bézard .
Avocat général : Avocat général : M. Raynaud.
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Huglo.
Avocat(s) : Avocats : la SCP Boré et Xavier, la SCP Vier et Barthélemy, M. Foussard, la SCP Coutard et Mayer, M. Ricard.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1994:92.19070
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