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26/09/1994 | FRANCE | N°94-83426

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 26 septembre 1994, 94-83426


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-six septembre mil neuf cent quatre vingt quatorze, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller CULIE, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général AMIEL ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- SALEGUI-GARCIA Y..., contre l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de PARIS, en date du 8 juin 1994, qui a

donné un avis favorable à son extradition à la demande du gouvernement espagnol...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-six septembre mil neuf cent quatre vingt quatorze, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller CULIE, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général AMIEL ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- SALEGUI-GARCIA Y..., contre l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de PARIS, en date du 8 juin 1994, qui a donné un avis favorable à son extradition à la demande du gouvernement espagnol, du chef d'appartenance à une bande armée ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles 14 et 15 de la loi du 10 mars 1927, 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 593 du Code de procédure pénale, ensemble violation des droits de la défense, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que le procès-verbal d'interrogation d'Y... Salegui-Garcia dressé conformément aux prescriptions de l'article 14 da la loi du 10 mars 1927 ne constate pas que l'étranger était assisté de son conseil, bien que l'avocat général ait été présent ;

"alors qu'en matière d'extradition, les débats devant la chambre d'accusation s'ouvrent par un interrogatoire dont il est dressé procès-verbal ; que cette formalité est substantielle et doit être accomplie par le chambre d'accusation régulièrement composée en audience publique, et en présence du ministère public ; que l'absence du défenseur régulièrement désigné par l'étranger vicie fondamentalement les débats et l'arrêt rendu ensuite de cette procédure ne satisfait pas, en la forme, aux conditions essentielles de son existence légale" ;

Attendu qu'il ressort de l'examen des pièces de la procédure que, contrairement à ce qui est allégué, le procès-verbal d'interrogatoire d'Y...
Z... Garcia dressé à l'audience de la chambre d'accusation du 11 mai 1994, en application de l'article 14 de la loi du 10 mars 1927, mentionne que l'intéressé était assisté de Me X... ;

D'où il suit que le moyen, qui manque en fait, doit être écarté ;

Sur le deuxième moyen de cassation pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 1er et 26 de la Convention européenne d'extradition, 1er des réserves du gouvernement français consignées dans l'instrument de ratification du 10 février 1986, 593 du Code de procédure pénale, manque de base légale, ensemble violation des droits de la défense ;

"en ce que la chambre d'accusation a émis un avis favorable à l'extradition d'Y...
Z... Garcia ;

"alors que n'assure pas les garanties fondamentales de procédure et de protection des droits de la défense, la procédure suivie devant la juridiction d'instruction de l'Audiencia Nacional à Madrid qui prévoit la possibilité, en application de l'article 527 du Code de procédure pénale espagnol, de s'opposer à la désignation et à la libre communication de l'inculpé avec un avocat ; qu'en donnant un avis favorable à la demande extraditionnelle fondée sur un mandat décerné par un magistrat instructeur attaché à cette juridiction, l'arrêt attaqué méconnaît à la fois l'ordre public procédural français et les réserves faites par le gouvernement français dans l'instrument de ratification du 10 février 1986 aux termes desquelles l'extradition ne sera pas accordée lorsque la personne réclamée sera jugée par un tribunal n'assurant pas les garanties fondamentales de procédure et de protection des droits de la défense, et ne répond pas, de ce fait, aux conditions essentielles de son existence légale" ;

Attendu qu'il ne résulte ni de l'arrêt attaqué, ni d'aucun mémoire du demandeur, que celui-ci ait invoqué devant la chambre d'accusation la nullité de la procédure d'extradition au motif que l'article 527 du Code de procédure pénale espagnol, dont le texte n'est d'ailleurs pas versé aux débats, n'assurerait pas la libre communication de l'inculpé avec son avocat ;

Attendu que, dès lors, ce moyen, mélangé de fait et de droit, est nouveau et comme tel irrecevable devant la Cour de Cassation ;

Sur le troisième moyen de cassation pris de la violation des articles 2, 3, 10 et 14 de la Convention européenne d'extradition, 4, 5 et 17 de la loi du 10 mars 1927, 5, 265 et 266 du Code pénal, 5 du Code civil, 6, 7, 8 et 593 du Code de procédure pénale, 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 4-1 du protocole n° 7 de cette Convention, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a émis un avis favorable à la demande d'extradition d'Y...
Z... Garcia pour l'exécution d'un arrêt d'emprisonnement concernant l'infraction d'appartenance à bande armée ;

"aux motifs que l'article 174-3 du Code pénal espagnol punit quiconque a créé ou dirige une bande armée ou organisation terroriste ; qu'en droit français, l'appartenance à une association constitue l'infraction d'association de malfaiteurs prévue et réprimée par les articles 265 de l'ancien Code pénal et 450-1 du nouveau Code pénal ; que le fait que l'infraction qualifiée en droit espagnol d'appartenance à bande armée ait pu s'analyser en droit français antérieurement au 1er mars 1994 comme l'infraction prévue aux articles 93 à 96 de l'ancien Code pénal n'autorise pas à leur conférer nécessairement le caractère d'infractions politiques dès lors que ces dispositions, qui n'ont pas été reprises dans le nouveau Code pénal, ne sont plus en vigueur dans le droit français et que ces faits antérieurement au 1er mars 1994 pouvaient aussi être poursuivis sous la qualification d'association de malfaiteurs ;

que les infractions graves que commettent habituellement les membres de l'ETA dans le but de troubler par l'intimidation et la terreur l'ordre public en Espagne constituent des actions souvent criminelles qui, par leur objet, ne sont pas politiques mais de droit commun, le but poursuivi, même inspiré par des mobiles politiques, compte tenu de la gravité des crimes dont la commission est envisagée ou préparée, fait que l'appartenance à un tel groupement ne peut être considérée comme ayant un caractère politique ;

"alors, d'une part, que l'article 3 de la Convention européenne d'extradition aux termes duquel "l'extradition ne peut être accordée lorsqu'elle est demandée et considérée par la partie requise comme une infraction politique" n'impose pas à l'Etat requis, pour apprécier le caractère politique des agissements reprochés à l'étranger, de se fonder sur les seules qualifications susceptibles d'être appliquées aux faits poursuivis au regard de son propre droit positif ;

qu'en refusant de se livrer à une appréciation objective de l'infraction définie par l'article 174-3 du Code pénal espagnol, et en déduisant l'absence de tout caractère politique du fait que les infractions prévues par les articles 93 à 96 du Code pénal français ancien -qui correspondaient aux faits visés dans la demande d'extradition- n'auraient pas été reprises par le nouveau Code pénal français, la chambre d'accusation a ainsi commis une erreur de droit flagrante qui prive l'arrêt attaqué des conditions essentielles de son existence légale ;

"alors, d'autre part, que l'infraction d'appartenance à bande armée prévue par l'article 174 du Code pénal espagnol qui vise à réprimer les "promoteurs et directeurs de bandes armées ou d'organisations terroristes ou rebelles" revêt un caractère objectivement politique ; que l'arrêt attaqué qui fait droit à la demande d'extradition fondée sur des poursuites diligentées sur la base de cette infraction ne répond pas, en la forme, aux conditions essentielles de son existence légale ;

"alors, de troisième part, que les infractions prévues et réprimées par les articles 93 et 96 sous la section IV du Code pénal français ancien relative aux crimes tendant à troubler l'Etat par le massacre ou la dévastation visaient à réprimer les mêmes faits que les infractions prévues et codifiées par les articles 431-13 et suivants du nouveau Code pénal français sous la section IV relative aux groupes de combat et aux mouvements dissous, ces dernières infractions ayant un caractère politique par nature ;

qu'ainsi, en considérant que les faits d'appartenance à bande armée punis par le Code pénal espagnol ne pouvaient plus être poursuivis, au regard du droit français, que sous la qualification de participation à une association de malfaiteurs de droit commun, la chambre d'accusation a commis, une fois encore, une erreur de droit qui prive l'arrêt attaqué des conditions essentielles de son existence légale ;

"alors, de quatrième part, que l'infraction d'appartenance à une bande armée prévue par la loi espagnole et visée dans la demande d'extradition, qui se caractérise par l'utilisation, que sont susceptibles de faire ses membres, de la force d'intimidation du lien associatif pour commettre des infractions, se distingue de l'association de malfaiteurs prévue et réprimée par les articles 265 et 166 du Code pénal français, laquelle association a pour objet de préparer et de faciliter matériellement la commission d'infractions, et dont le caractère délictueux ne résulte que des infractions projetées ; qu'en affirmant que les faits poursuivis par les autorités espagnoles étaient assimilables à l'infraction de droit français d'association de malfaiteurs, la chambre d'accusation a fait une fausse application de la règle de la double incrimination et la décision attaquée ne satisfait pas aux conditions essentielles de son existence légale ;

"alors, enfin, qu'il est défendu aux juges de prononcer par voie de disposition générale et réglementaire sur les causes qui leur sont soumises ;

qu'en se fondant, pour refuser à l'étranger le bénéfice de l'exception de non-extradition prévue par l'article 3 de la Convention européenne d'extradition, sur une règle générale édictée par elle en dehors des prescriptions de la loi selon laquelle les infractions habituellement commises par les membres de l'organisation ETA ne seraient pas de nature politique compte tenu de la gravité des infractions projetées ou préparées, la chambre d'accusation a procédé par des motifs abstraits et généraux et, ce faisant, a violé les textes susvisés et privé sa décision des conditions essentielles de son existence légale" ;

Attendu que le moyen proposé n'allègue en ses diverses branches aucune violation de la loi qui, à la supposer établie, serait de nature à priver la décision des conditions essentielles, en la forme, à son existence légale ; qu'il s'ensuit que ce moyen, qui se borne à critiquer le bien-fondé de l'avis émis par la chambre d'accusation, est irrecevable en application des dispositions de l'article 16 de la loi du 10 mars 1927 ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ; qu'il a été rendu par une chambre d'accusation compétente, régulièrement composée conformément aux dispositions du Code de procédure pénale ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Où étaient présents : M. Le Gunehec président, M. Culié conseiller rapporteur, MM. Hecquard, Roman, Joly, Schumacher conseillers de la chambre, MM. de Mordant de Massiac, Nivôse, Mme Mouillard conseillers référendaires, M. Amiel avocat général, Mme Mazard greffier de chambre ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 94-83426
Date de la décision : 26/09/1994
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Chambre d'accusation de la cour d'appel de Paris, 08 juin 1994


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 26 sep. 1994, pourvoi n°94-83426


Composition du Tribunal
Président : Président : M. Le GUNEHEC

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1994:94.83426
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