AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt septembre mil neuf cent quatre vingt quatorze, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller MASSE, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général GALAND ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X... Franck, contre l'arrêt de la cour d'Assises du NORD, en date du 15 octobre 1993 qui, pour complicité de vols avec port d'arme, tentative de vol aggravé, falsification de documents administratifs, l'a condamné à la peine de 15 ans de réclusion criminelle, assortie d'une période de sûreté des deux tiers ainsi que contre l'arrêt du même jour par lequel la Cour a prononcé sur les intérêts civils ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le quatrième moyen de cassation pris de la violation des articles 379 et 384, 59 et 60 du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;
"en ce qu'il a été répondu successivement "non", puis "oui" à la majorité de huit voix au moins", puis "sans objet" aux groupes de questions suivantes :
"- question principale 2, questions subsidiaires 2 et 26 ;
"- question principale 4, questions subsidiaires 6 et 30 ;
"- question principale 8, questions subsidiaires 14 et 34 ;
"- question principale 10, questions subsidiaires 18 et 38 ;
"- question principale 12, questions subsidiaires 22 et 42 ;
"en ce qu'il a été répondu "non", puis "oui" à la majorité de huit voix au moins" au groupe de questions suivant :
"- question principale 6, question subsidiaire 10 ;
"alors que toutes ces questions, formulées de manière absolument identique, interrogeaient la Cour et le jury sur le point de savoir si les six infractions de vols qualifiés, du chef desquelles l'accusé avait été renvoyé aux assises, avaient été commises avec arme ; que ces réponses contradictoires apportées à des questions identiques entachent l'arrêt de condamnation d'une irréductible contradiction de motifs qui doit entraîner sa cassation" ;
Vu lesdits articles ;
Attendu qu'une déclaration de la Cour et du jury entachée de contradiction ne saurait servir de base à l'application d'une peine ;
Attendu que Franck Y... a été notamment renvoyé devant la cour d'assises pour vols avec port d'arme, tentative de vol avec port d'arme commis à Lille les 13 juin, 3O juin, I6 novembre, 17 novembre 1989, et à Lambersart le 25 janvier 199O ;
Attendu qu'après avoir résolu par la négative les questions principales N 1, 3 ,5 , 7 , 9, 11 par lesquelles il leur était demandé si l'accusé était coupable de vols et de tentative de vol, la Cour et le jury ont également répondu négativement aux questions N 2, 4, 6, 8 , 1O, 12, les interrogeant sur le point de savoir si les soustractions frauduleuses respectivement spécifiées aux questions N 1, 3, 5, 7, 9, 11, avaient été commises alors que les auteurs ou l'un d'eux étaient porteurs d'une arme apparente ou cachée ;
Attendu, par ailleurs, qu'ont été posées comme résultant des débats les questions subsidiaires auxquelles il a été répondu par l'affirmative, d'abord sur le point de savoir si Franck Y... était coupable de s'être rendu complice des mêmes vols et tentative de vol et ensuite sur celui de savoir si lors de la commission de chacun de ces faits "les ou l'auteur étaient porteurs d'une arme apparente ou cachée" ;
Mais attendu que les réponses ainsi faites aux questions sur la circonstance aggravante réelle de port d'arme sont contradictoires et inconciliables, les mêmes soustractions frauduleuses ne pouvant avoir été commises avec et sans port d'arme ;
D'ou il suit que le principe ci-dessus rappelé a été méconnu et que la cassation est encourue de ce chef ;
Par ces motifs, sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres moyens proposés :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'assises du département du Nord en date du 15 octobre 1993, ensemble la déclaration de la Cour et du jury et les débats qui l'ont précédée, et par voie de conséquence l'arrêt du même jour ayant prononcé sur les intérêts civils, et pour qu'il soit à nouveau jugé conformément à la loi,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'assises du Pas-de-Calais, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'assises du département du Nord, sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Où étaient présents : M. Dumont conseiller le plus ancien, faisant fonctions de président en remplacement du président empêché, M. Massé conseiller rapporteur, MM. Fontaine, Milleville, Guerder, Pinsseau conseillers de la chambre, Mmes Batut, Fossaert-Sabatier conseillers référendaires, M. Galand avocat général, Mme Ely greffier de chambre ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;