AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-deux août mil neuf cent quatre vingt quatorze, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller Jean SIMON, les observations de Me X... et de la société civile professionnelle ANCEL et COUTURIER-HELLER, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général DINTILHAC ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- Y... Michel, partie civile, contre l'arrêt de la cour d'appel de REIMS, chambre correctionnelle, du 25 mars 1993, qui, après condamnation définitive de Bruno Z... des chefs de blessures involontaires et de contravention au Code de la route, a déclaré irrecevable sa constitution de partie civile ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation pris de la violation de l'article 1er de la loi n° 57-1424 du 31 décembre 1957 ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré irrecevable la constitution de partie civile de Y..., victime, dans l'enceinte du camp de Mourmelon, d'un accident de la circulation imputé à la faute de Z... ;
"aux motifs que Y... et Z... étant, l'un et l'autre, militaires de carrière, l'accident "s'analyse en un accident de service ; que, toutefois, la loi du 31 décembre 1957, à la supposer applicable en l'espèce, dispose expressément que la responsabilité de la personne morale de droit public est, à l'égard des tiers, substituée à celle de son agent, auteur de l'accident ; que force est de constater, en l'espèce, que l'Etat n'a pas été mis en cause, l'agent judiciaire du Trésor n'intervenant que pour obtenir le remboursement des prestatations versées à la victime" ;
"alors que la juridiction judiciaire ne pouvait décliner une compétence d'attribution expressément conférée par la loi ; qu'elle devait inviter le représentant judiciaire de l'Etat à conclure sur la substitution prononcée par celle-ci" ;
Vu ledit article, ensemble les articles 591 et 593 du Code de procédure pénale ;
Attendu que tout jugement ou arrêt doit contenir les motifs propres à justifier la décision ;
que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ; qu'en outre, les juges sont tenus de répondre aux chefs péremptoires des conclusions dont ils sont régulièrement saisis ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que Bruno Z..., militaire de carrière, conduisant sa voiture automobile dans l'enceinte d'un camp militaire, est entré en collision avec le cyclomoteur piloté par un autre militaire, Michel Y..., qui a été blessé ;
que Bruno Z... a été déclaré coupable de blessures involontaires et de contravention au Code de la route ;
Attendu que, pour déclarer irrecevable la constitution de partie civile de Michel Y..., la juridiction du second degré énonce que l'accident survenu s'analyse en un accident de service et qu'en supposant que la loi du 31 décembre 1957, donnant compétence aux tribunaux de l'ordre judiciaire pour connaître de la responsabilité de l'Etat substituée à celle de son agent, soit applicable en l'espèce, la demande de la partie civile est irrecevable, l'agent judiciaire du Trésor public n'étant intervenu aux débats que pour obtenir le remboursement des prestations versées à la victime ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi alors qu'il résulte des pièces de procédure que la direction du commissariat de l'armée de terre et l'agent judiciaire du Trésor public avaient été régulièrement appelés en la cause, la cour d'appel qui, en outre, a laissé incertaine la question de savoir si la loi du 31 décembre 1957, invoquée par la partie civile, était applicable en l'espèce, n'a pas donné de base légale à sa décision ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs,
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Reims, en date du 25 mars 1993, et pour qu'il soit jugé à nouveau conformément à la loi,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Nancy, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Reims, sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Où étaient présents : M. Gondre conseiller le plus ancien, faisant fonctions de président en remplacement du président empêché, M. Jean Simon conseiller rapporteur, MM. Culié, Jorda conseillers de la chambre, M. de Mordant de Massiac conseiller référendaire appelé à compléter la chambre, Mme Fayet conseiller référendaire, M. Dintilhac avocat général, Mme Mazard greffier de chambre ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;