AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par Mme Janine X..., divorcée Y..., en cassation d'un arrêt rendu le 11 septembre 1991 par la cour d'appel de Dijon (1re Chambre, 1re Section), au profit de M. Bernard Y..., défendeur à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 1er juin 1994, où étaient présents :
M. Grégoire, conseiller doyen faisant fonctions de président, M. Thierry, conseiller rapporteur, M. Renard-Payen, conseiller, M. Lupi, avocat général, Mlle Ydrac, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. le conseiller Thierry, les observations de Me Foussard, avocat de Mme X..., les conclusions de M. Lupi, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu, selon les énonciations des juges du fond, que les époux Y...-X... se sont mariés sans contrat le 4 avril 1959 et se sont donc trouvés soumis à l'ancien régime légal de la communauté de meubles et d'acquêts ; que, par jugement du 23 novembre 1992, le tribunal de grande instance de Dijon a prononcé leur divorce ; qu'à la suite d'un premier procès-verbal de difficultés dressé par les deux notaires liquidateurs, la cour d'appel de Dijon a, par arrêt du 4 mai 1988, fixé les règles de la liquidation de la communauté et renvoyé les parties devant les notaires ; que ces derniers ont établi un nouvel état liquidatif, que Mme X... a refusé de signer et qui a donné lieu à un second procès-verbal de difficultés ; que l'arrêt confirmatif attaqué (Dijon, 11 septembre 1991) a homologué cet état ;
Sur le premier moyen, pris en ses deux branches :
Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt de l'avoir déboutée de sa demande de compensation, alors, selon le moyen, d'une part, que celle-ci est de droit, dès lors que les dettes réciproques sont certaines, liquides et exigibles ; qu'en refusant à Mme X..., en ce qui concerne le règlement de sa dette de soulte, le droit d'opposer en compensation les dettes alimentaires de son mari à son égard, les juges du second degré ont violé les articles 1289, 1290 et 1291 du Code civil ; et alors, d'autre part, que la circonstance que Mme X... disposait d'autres voies de droit pour obtenir règlement des pensions alimentaires demeurées impayées ne faisait nullement obstacle à la compensation qu'elle invoquait, de telle sorte que l'arrêt attaqué a, de nouveau, violé les mêmes textes ;
Mais attendu que si Mme X... a bien soutenu, dans ses conclusions d'appel, que M. Y... "n'a payé, de 1983 à août 1987, aucune pension alimentaire pour les enfants à charge", il résulte d'une ordonnance rendue le 16 juin 1983 par le juge aux affaires matrimoniales de Dijon, que le magistrat a, à compter de cette date, "supprimé la contribution alimentaire due par M. Y... à Mme X... pour l'entretien des enfants Christophe et Isabelle", de telle sorte que le moyen tiré de la compensation manque en fait ;
Sur le second moyen :
Attendu qu'il est encore reproché à la cour d'appel d'avoir énoncé que toutes les questions avaient été résolues par le précédent arrêt du 4 mai 1988, alors, selon le moyen, que Mme X... soutenait qu'elle avait personnellement emprunté une somme de 120 000 francs en 1979 ; que cet arrêt n'a pas tranché la question de savoir si elle n'était pas créancière de l'indivision postcommunautaire à raison des remboursements par elle effectués, de telle sorte que l'arrêt attaqué a été rendu en violation de l'article 1351 du Code civil ;
Mais attendu que si Mme X... fait allusion, dans ses conclusions d'appel, à un emprunt de 120 000 francs à la Caisse d'épargne de Beaune, elle n'a jamais demandé d'inscrire à son crédit, au titre de l'indivision postcommunautaire, les remboursements par elle effectués sur cet emprunt, de telle sorte que les arrêts du 4 mai 1988 et du 11 septembre 1991 n'ont pas eu à trancher cette question de fait et que le second n'a pu, en conséquence, violer l'autorité de chose jugée attachée au premier ;
Que ce second moyen ne peut davantage être retenu ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme X..., envers M. Y..., aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par M. le président en son audience publique du douze juillet mil neuf cent quatre-vingt-quatorze.