Attendu, selon les énonciations de l'arrêt attaqué, que, sous connaissement, des balles de verveine placées sur des remorques ont été chargées à Casablanca à bord du navire Casablanca, armé par la société Les Chargeurs réunis (le transporteur maritime), pour être transportées à Sète ; que le destinataire, désigné dans le connaissement, était la société Jokelson, laquelle, transitaire, était le mandataire du destinataire final, la société Fralib ; qu'à l'arrivée à Sète, le 27 octobre 1987, les remorques ont été déchargées par la société Comptoir général maritime sétois, entrepreneur de manutention ; qu'au cours de la nuit suivante, tandis que les remorques stationnaient sur le quai, les marchandises ont été mouillées par suite d'un orage et en l'absence de bâches sur les remorques ; que la marchandise ayant été reconnue avariée en grande partie, la compagnie d'assurances Niew Rotterdam (l'assureur), après avoir indemnisé la société Fralib, son assurée, a assigné en dommages-intérêts la société Jokelson, aux droits de laquelle est venue ensuite la société WJ Service, et qui a appelé en garantie l'entrepreneur de manutention ;
Sur le second moyen, pris en ses deux branches :
Attendu que la société WJ Services reproche à l'arrêt d'avoir déclaré irrecevable l'action en garantie qu'elle avait exercée à l'encontre de l'entrepreneur de manutention, alors, selon le pourvoi, d'une part, qu'en appréciant la recevabilité de l'action en garantie dirigée contre l'entrepreneur de manutention par référence à cette seule qualité sans rechercher, comme l'y invitaient expressément ses conclusions, si cet entrepreneur ne s'était pas vu également confier par le transporteur la garde des marchandises à l'issue des opérations de débarquement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 51 de la loi du 18 juin 1966, et de l'article 80 du décret du 31 décembre 1966 ; et alors, d'autre part, que le transitaire dont la responsabilité est recherchée par son mandant ou son assureur subrogé dans les droits de ce dernier, est recevable à agir en garantie contre " l'acconier manutentionnaire " sur le fondement de la responsabilité délictuelle ; qu'en lui déniant un tel droit d'action, la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article 52 de la loi du 18 juin 1966 ;
Mais attendu, d'une part, qu'en retenant que, sur la demande du transporteur maritime, l'entrepreneur de manutention était intervenu en cette qualité, en vue du débarquement des remorques du navire à quai, la cour d'appel a par là même écarté l'hypothèse selon laquelle le transporteur maritime aurait confié à l'entrepreneur de manutention une autre mission, consistant à assurer la garde des marchandises à l'issue des opérations de débarquement ;
Attendu, d'autre part, que c'est sans méconnaissance de la règle énoncée à l'article 52 de la loi du 18 juin 1966, selon laquelle l'entrepreneur de manutention n'a sa responsabilité engagée qu'envers celui qui aura requis ses services et qui seul a une action contre lui, que le recours en garantie, dont le fondement est nécessairement quasi délictuel en l'absence de tout lien contractuel entre le demandeur en recours et l'appelé en garantie, est recevable lorsqu'aucune autre action récursoire n'est, aux mêmes fins, ouverte au demandeur en recours ; qu'il n'en est pas de même s'agissant d'une action récursoire que le destinataire ou son mandataire entend engager à l'encontre de l'entrepreneur de manutention dont les services ont été requis par le transporteur maritime et qui effectue les opérations définies à l'article 50 de ladite loi pour l'exécution du contrat de transport maritime ; que le destinataire dispose alors d'une action récursoire de caractère contractuel à l'encontre dudit transporteur et n'est dès lors pas recevable à agir, sur le fondement quasi délictuel, à l'encontre de l'entrepreneur de manutention ;
D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses deux branches ;
Mais sur le premier moyen :
Vu l'article 27 de la loi du 18 juin 1966 sur les contrats d'affrètement et de transport maritime ;
Attendu qu'il résulte de ce texte que le transporteur maritime est responsable des pertes ou dommages subis par la marchandise jusqu'à la livraison ;
Attendu que, pour décider que la livraison à la société Jokelson avait été effectuée avant la survenue des avaries, l'arrêt se borne à retenir qu'il résultait du connaissement produit et portant la mention " bon à délivrer le 27 octobre 1987 à la société Jokelson " que cette société avait " reçu la marchandise le long du bord " à cette date ;
Attendu qu'en se déterminant par de tels motifs, sans rechercher si, la marchandise ayant été mise à sa disposition, le destinataire l'avait appréhendée matériellement et l'avait acceptée le jour ci-dessus indiqué, ou si, encore, le destinataire était tenu par une clause du contrat de transport, acceptée par lui, de prendre livraison de la marchandise dans des conditions de temps stipulées par rapport à l'arrivée du navire et au déchargement des marchandises, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce que, pour prononcer la mise hors de cause de la société Comptoir général sétois, il a dit que l'action dirigée à son encontre était irrecevable, l'arrêt rendu le 30 avril 1992, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes.