AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-sept juin mil neuf cent quatre vingt quatorze, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller HECQUARD, les observations de la société civile professionnelle TIFFREAU et THOUIN-PALAT et de la société civile professionnelle LESOURD et BAUDIN, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général PERFETTI ;
Statuant sur les pourvois formés par :
- X... Rachel,
- B... Jean-Claude, contre l'arrêt de la cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, chambre correctionnelle, en date du 7 avril 1993, qui a condamné la première pour faux et usage de faux en écriture privée et de commerce, abus de biens sociaux, à 1 an d'emprisonnement avec sursis, rejeté sa demande de non inscription au bulletin n° 2 du casier judiciaire, et le second pour faux et usage de faux en écriture privée et détention d'arme, à 18 mois d'emprisonnement dont 12 mois avec sursis, rejeté sa demande de non inscription au bulletin n° 2 du casier judiciaire, et a ordonné la confiscation des armes ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Sur la recevabilité du pourvoi de Rachel Denise X... :
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que Rachel Denise X... était présente à l'audience et assistée de son conseil les 17 et 18 novembre 1992 où l'affaire a été débattue, qu'elle a été informée que l'arrêt serait rendu le 27 janvier 1993 ; qu'à cette audience, la cour d'appel a prorogé son délibéré au 3 mars, puis au 7 avril 1993, date à laquelle la décision a été rendue contradictoirement ;
Attendu, dès lors, que le pourvoi formé le 4 juin 1993, hors du délai de cinq jours prévu par l'article 568 du Code de procédure pénale, doit être déclaré irrecevable comme tardif ;
Sur le pourvoi de Jean-Claude B... :
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation proposé par lui et pris de la violation des articles 1er, 15 et 28 du décret-loi du 18 avril 1939, de l'article 16 du décret du 12 mars 1973 modifié, des articles 112-1 et 121-3 du nouveau Code pénal, de l'article 339 de la loi n 92-1336 du 16 décembre 1992, de l'article 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Jean-Claude B... coupable de détention d'arme ;
"aux motifs que Jean-Claude B... était interpelé le 11 janvier 1989 ; qu'au cours de la perquisition il était découvert des documents relatifs au Bistrot et au Bistrot Aixois, un pistolet automatique P 38 calibre 9 mm, un révolver Buldog calibre 6,35, ainsi que des factures ;
"alors, d'une part, qu'aux termes de l'article 16 du décret du 12 mars 1973 modifié, l'acquisition et la détention par des personnes âgées de 18 ans au moins, des armes ou munitions classées dans les catégories 5, 6, 7 et 8 sont libres sous réserve des dispositions de l'article 18 du décret du 18 avril 1939 sans préjudice des formalités de déclaration prévues aux articles 38-1 à 38-3 ; que, par contre, aux termes de l'article 15 du décret loi du 18 avril 1939, fixant le régime des matériels de guerre, armes et munitions, l'acquisition et la détention d'armes ou de munitions de la 1ère ou de la 4ème catégories sont interdites sauf autorisation ; que la prévention visait la détention sans autorisation d'armes de la 1ère et de la 4ème catégories et que l'arrêt qui s'est borné dans son dispositif à déclarer le demandeur coupable de "détention d'arme" sans autre précision et qui, dans ses motifs n'a pas constaté l'appartenance des armes en cause aux catégories pour lesquelles la détention sans autorisation est interdite, ne contient pas les énonciations propres à caractériser une infraction à l'encontre du demandeur en sorte que la cassation est encourue ;
"alors, d'autre part, que les infractions au décret loi du 18 avril 1939 sont des délits non intentionnels ; qu'aux termes de l'article 121-3 du nouveau Code pénal, il n'y a point de délit sans intention de le commettre ; que ces dispositions nouvelles en ce qu'elles obligent le juge à constater un élément supplémentaire pour les infractions jusque là formelles, sont plus douces que la loi antérieure et doivent, dès lors, conformément à l'article 112-1 du nouveau Code pénal s'appliquer aux infractions commises avant leur entrée en vigueur et n'ayant pas donné lieu à une condamnation passée en force de chose jugée ; que l'article 339 de la loi du 16 décembre 1992 dite "loi d'adaptation" dispose que tous les délits non intentionnels réprimés par des textes antérieurs à l'entrée en vigueur du nouveau Code pénal demeurent constitués en cas d'imprudence, de négligence ou de mise en danger délibérée de la personne d'autrui et que, dès lors, l'arrêt attaqué qui n'a constaté à l'encontre de Jean-Claude B... ni imprudence, ni négligence, ni mise en danger délibérée de la personne d'autrui encourt la censure de la Cour de Cassation en application des principes ci-dessus rappelés" ;
Attendu que, pour déclarer Jean-Claude B... coupable de détention d'armes, les juges du fond relèvent qu'il a été trouvé détenteur, au cours d'une perquisition à son domicile, d'un pistolet automatique P 38 calibre 9 mm et d'un révolver calibre 6,35 mm, armes de la 1ère et de la 4ème catégorie ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, d'où il se déduit la connaissance qu'avait l'intéressé de la présence de ces armes à son domicile pour lesquelles il ne possédait aucune autorisation, la cour d'appel a caractérisé en tous ses éléments, y compris intentionnel, l'infraction reprochée ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Sur le second moyen de cassation pris de la violation des articles 147 et 150 de l'ancien Code pénal, de l'article 441-1 du nouveau Code pénal, des articles 485 et 593 du Code de procédure pénale, défauts de motifs, manque de base légale, défaut de réponse à conclusions ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Jean-Claude B... coupable de faux ;
"aux motifs repris des premiers juges que Jean-Claude B... rédigeait les statuts de la SARL Bistrot Londais au capital social réparti entre Yvan C..., Franck Z...
D... et Claude Y..., qu'il apparaît, tant des déclarations des intéressés eux-mêmes, que des conditions dans lesquelles l'établissement a fonctionné, que l'on se trouve en face d'une société dont le montage juridique ne correspond en rien à la réalité ; qu'aucun des associés figurant dans les statuts n'a eu l'initiative de la création de la société ;
qu'il apparaît également que le capital n'a pas été versé selon les modalités prévues par les statuts, à savoir que chacun des trois associés apportaient la somme de 17 000 francs ;
qu'ainsi, aucun des trois associés n'a réellement versé l'apport qu'il était censé effectuer selon les statuts ; qu'en outre, l'ignorance totale qu'avaient ces trois personnes du fonctionnement réel de la société, démontre qu'ils ne sont pas les véritables associés de la SARL Bistrot Londais ; que Jean-Claude B... ne pouvait pas méconnaître cet aspect factice, dans la mesure où il a été à l'origine du montage, que, par ailleurs, il n'a jamais eu affaire, ni à Yvan C..., ni à Franck Z...
D... pour toutes les questions concernant le financement de l'acquisition des fonds ou les travaux d'aménagement ;
qu'ainsi, en établissant et signant des documents relatifs à la création de la SARL Bistrot Londais, dont les mentions exprimées par les statuts ne correspondaient pas à la réalité, Jean-Claude B..., Claude Y..., Yvan C... et Franck Z...
D... ont commis un faux en écriture privée ;
"alors que l'intention frauduleuse, élément constitutif du faux consiste dans la conscience d'altérer la vérité ; que, dans ses conclusions régulièrement déposées devant la cour d'appel, Jean-Claude B... faisait valoir qu'il lui été reproché d'avoir, en parfaite connaissance de cause, fait apparaître comme porteurs de parts de la SARL Bistrot Londais des personnes qui n'auraient été que "des prête-noms" de Raymond A... ou d'autres personnes de son entourage, mais qu'au moment de la constitution des statuts, il ignorait totalement qu'il pouvait s'agir de prête-noms puisque, ainsi qu'il l'a déclaré à diverses reprises, il n'a eu connaissance de la situation réelle que postérieurement c'est-à -dire courant juin 1988 après la signature des statuts et qu'en ne répondant pas à ce chef péremptoire des conclusions du demandeur, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision" ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel, par des motifs exempts d'insuffisance ou de contradiction, caractérise en tous leurs éléments constitutifs, tant matériels qu'intentionnel, le délit dont elle a déclaré Jean-Claude B... coupable ;
Que, dès lors, le moyen, qui se borne à remettre en question l'appréciation souveraine par les juges du fond des faits et circonstances de la cause contradictoirement débattus devant eux, ne saurait être accueilli ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
Sur le pourvoi de Rachel Denise X... :
Le DECLARE IRRECEVABLE ;
Sur le pourvoi de Jean-Claude B... :
Le REJETTE ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Où étaient présents : M. Tacchella conseiller doyen faisant fonctions de président en remplacement du président empêché, M. Hecquard conseiller rapporteur, MM. Gondre, Culié, Roman, Schumacher, Martin conseillers de la chambre, M. de Mordant de Massiac, Mme Mouillard, M. de Larosière de Champfeu conseillers référendaires, M. Perfetti avocat général, Mme Nicolas greffier de chambre ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;