AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par :
1 ) M. Paul X..., demeurant ...,
2 ) Mme Monique Z..., épouse X..., demeurant ..., en cassation d'un arrêt rendu le 13 novembre 1991 par la cour d'appel de Bordeaux (2e Chambre), au profit du Crédit agricole mutuel, Caisse régionale du Libournais, dont le siège est ... (Gironde), défendeur à la cassation ;
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 29 mars 1994, où étaient présents :
M. de Bouillane de Lacoste, président, Mme Marc, conseiller rapporteur, M. Pinochet, conseiller, Mme Le Foyer de Costil, avocat général, Mlle Ydrac, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme le conseiller Marc, les observations de Me Luc-Thaler, avocat des époux X..., de Me Ryziger, avocat du Crédit agricole mutuel, les conclusions de Mme Le Foyer de Costil, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique, pris en ses cinq branches :
Attendu, selon les énonciations des juges du fond, que, par acte notarié du 30 octobre 1986, les époux X... ont donné à bail à Mme Y... un fonds de commerce en gérance libre pour la période du 1er novembre 1986 au 30 novembre 1987, le bail étant, à défaut de congé donné avant son expiration, renouvelable par tacite reconduction d'année en année ; que, dans une lettre du 7 janvier 1987 adressée au notaire ayant établi cet acte, le Crédit agricole mutuel, Caisse régionale du Libournais (CAM) a déclaré s'être porté caution envers les bailleurs, à hauteur de 80 000 francs et pour treize mois, des obligations de Mme Y... ; que le bail ayant été tacitement reconduit, les époux X... ont assigné Mme Y... et le CAM, ce dernier à hauteur de 80 000 francs, en indemnisation de dégradations constatées le 31 octobre 1988 ; que l'arrêt confirmatif attaqué (Bordeaux, 13 novembre 1991) a accueilli la demande formée contre Mme Y..., mais a rejeté celle dirigée contre le CAM, motif pris de l'absence de preuve de l'apparition des dégradations ou de leur cause avant la cessation, le 7 janvier 1988, de l'obligation de la caution ;
Attendu que les époux X... font grief à l'arrêt attaqué de les avoir déboutés de leur demande à l'encontre du CAM, alors, selon le moyen, que, d'une part, en constatant que la caution avait accepté de prolonger son engagement au-delà de sa durée initiale dans sa lettre adressée le 12 septembre 1987 à Mme Y..., mais en décidant qu'en l'absence de réponse expresse de celle-ci, le cautionnement n'avait pu être renouvelé, la cour d'appel aurait violé l'article 2015 du Code civil ; alors, d'autre part, que la révocation par la caution de son engagement doit être expresse ;
qu'en décidant que le cautionnement du CAM n'avait pas été renouvelé en raison de l'absence de réponse du débiteur garanti à la proposition de renouvellement de celui-ci faite par le CAM, la cour d'appel aurait privé sa décision de base légale au regard de l'article 2034 du Code civil ;
alors, de troisième part, que la caution, qui a eu connaissance du bail contenant une clause subordonnant la récupération par le preneur du dépôt de garantie à un engagement de caution et qui entend ne pas renouveler son engagement, nonobstant la reconduction tacite du bail, doit en informer expressément le créancier ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel aurait encore violé l'article 2034 du Code civil ; alors, de quatrième part, qu'aux termes du bail, le preneur ne pouvait récupérer le dépôt de garantie qu'à la condition de fournir au bailleur une caution bancaire du même montant ; qu'en décidant qu'il appartenait au bailleur de veiller à ce que le cautionnement soit maintenu pendant toute la durée du bail, notamment lors de son renouvellement, la cour d'appel aurait violé l'article 1134 du Code civil ; alors, enfin, qu'en décidant que le CAM, dont l'engagement était limité dans le temps, n'avait pas à prévenir le bailleur de la cessation de cet engagement à la date prévue et connue de lui, sans autrement préciser de quel élément du dossier elle tirait cette prétendue connaissance par le bailleur de la date limite du cautionnement, la cour d'appel aurait privé sa décision de base légale au regard de l'article 2034 du Code civil ;
Mais attendu, d'abord, que les époux X... n'ont pas contesté, dans leurs conclusions d'appel, avoir accepté l'engagement de cautionnement contenu dans la lettre adressée en janvier 1987 par le CAM au notaire ayant établi l'acte de bail ; que la cour d'appel, qui a procédé à l'analyse de la teneur de cette lettre, a estimé qu'il en résultait que l'obligation de la caution avait été limitée dans le temps, la durée de l'obligation de couverture du CAM ayant été fixée à treize mois ; qu'elle a ajouté que la mise en place du cautionnement avait eu lieu le 7 décembre 1986 ;
qu'elle a, par là -même, procédé à la recherche qu'il lui est reproché d'avoir omise en ce qui concerne la connaissance, par les bailleurs, de la durée limitée de l'engagement de caution ;
Attendu, ensuite, que lorsqu'un cautionnement a été limité dans le temps, l'arrivée du terme fixé emporte cessation de plein droit de l'obligation de la caution ; que l'existence, dans un acte de bail, d'une clause subordonnant la récupération par le preneur du dépôt de garantie à la fourniture d'une caution de même montant est sans incidence sur la durée de l'obligation de la caution dès lors que, comme en l'espèce, cette obligation a été limitée dans le temps et que la caution n'a pas été partie à l'acte de bail ; qu'en retenant que le CAM n'avait pas à informer les époux X... de ce qu'il n'entendait pas renouveler son engagement, la cour d'appel, loin de violer les articles 1134 et 2034 du Code civil, en a fait l'exacte application ;
Attendu, enfin, que le cautionnement est un contrat unilatéral unissant seulement la caution et le créancier ; qu'ayant constaté que la lettre du CAM du 12 septembre 1987, contenant des propositions de renouvellement de son engagement, avait été adressée, non pas aux époux X..., créanciers, mais à Mme Y..., débitrice de l'obligation principale, la cour d'appel a légalement justifié sa décision en retenant que l'engagement du CAM n'avait pu être renouvelé par l'effet de cette lettre ; qu'elle n'avait donc pas à rechercher si l'absence de réponse à ce courrier emportait ou non révocation par le CAM de ses propositions ;
D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches ;
Sur les demandes fondées sur l'article 700 du nouveau Code de procédure civile :
Attendu que les époux X... réclament au CAM la somme de 10 000 francs en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que seule la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante peut être condamnée en vertu de ce texte ;
Attendu que le CAM sollicite la somme de 10 000 francs sur ce même fondement ;
Mais attendu qu'en équité, il n'y a pas lieu à cette condamnation ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Rejette, en conséquence, la demande formée par les époux X... sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
Rejette également la demande formée par le CAM sur le même fondement ;
Condamne les époux X..., envers le Crédit agricole mutuel, aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par M. le président en son audience publique du vingt-six mai mil neuf cent quatre-vingt-quatorze.