Sur le moyen unique, pris en ses deux branches :
Attendu, selon l'arrêt déféré (Paris, 22 mai 1992), que la société Etablissements Gauthier (société Gauthier) était, depuis 1963, en vertu de contrats à durée déterminée, renouvelés annuellement, concessionnaire de la société Vag France ; que, le 15 avril 1986, les parties ont conclu un contrat de concession exclusive à durée indéterminée, prenant effet le 1er janvier précédent et prévoyant, en cas de résiliation, un préavis d'une année ; que, le 28 janvier 1988, la société Vag France a résilié le contrat avec effet au 31 janvier 1989 ; que la société Gauthier a assigné son ancien concédant en paiement de dommages-intérêts pour rupture abusive de contrat ;
Attendu que la société Vag France reproche à l'arrêt d'avoir accueilli cette demande, alors, selon le pourvoi, d'une part, qu'en vertu de l'article 1315 du Code civil, il incombe au demandeur qui se prévaut de l'abus de droit d'en rapporter la preuve ; qu'en retenant, pour accueillir la demande du concessionnaire, que la société Vag France ne prouvait pas qu'elle ait eu à se plaindre de l'action de celui-ci et ne justifiait pas en quoi son remplacement était nécessaire, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et violé le texte susvisé ; et alors, d'autre part, que, s'agissant d'un contrat de concession exclusive à durée indéterminée, résilié avec un préavis d'un an dans le respect des stipulations contractuelles, le concédant n'avait pas à motiver sa décision d'y mettre fin ; que, dès lors, ni l'absence de griefs établis imputables à la société Gauthier ni le fait que la société Vag France n'avait pas fait connaître ses intentions au moment de la signature des annexes pour l'année 1988, qui sont les seuls éléments relevés par la cour d'appel, ne caractérisent l'abus retenu par les juges à l'encontre de la société concédante dans l'exercice de son droit de résiliation ; qu'en se déterminant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil ;
Mais attendu qu'après avoir énoncé à bon droit que la société Vag France " pouvait résilier le contrat sans donner de motifs, mais à la condition que cette résiliation n'ait pas un caractère abusif ", l'arrêt retient que la société Gauthier a consenti, " à la demande de la société Vag France ", d'importants efforts d'investissement et de publicité, que la société Vag France prétend faussement avoir, en rompant, " prévenu les propres intentions de la société Gauthier qui souhaitait se désengager ", et qu'il n'est même pas soutenu que le 8 janvier 1988, date du renouvellement des annexes pour l'année 1988, la société Vag France ait fait connaître à la société Gauthier son intention de rompre leurs relations, ce qu'elle a pourtant fait 20 jours après, décision qui, " visant un concessionnaire ancien et des plus importants, ne pouvait pourtant avoir été prise que de longue date ", de telle sorte que le concédant a " manqué de loyauté " en n'informant pas de ses intentions la société Gauthier " qui n'avait pas démérité " ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, la cour d'appel, qui n'a pas inversé la charge de la preuve, a pu estimer que la société Vag France avait fait dégénérer en abus son droit de résiliation ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses deux branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.