AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le quatorze mars mil neuf cent quatre vingt quatorze, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller ROMAN, les observations de Me de NERVO et de Me COPPER-ROYER, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général AMIEL ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- Y... Bernard, partie civile, contre l'arrêt de la cour d'appel de VERSAILLES, 9ème chambre, en date du 13 mai 1993, qui, dans la poursuite exercée contre Ferdinand Z... du chef d'escroquerie, après relaxe du prévenu, a débouté la partie civile de ses demandes ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles 60 et 405 du Code pénal, 591 à 593 du Code de procédure pénale, et contradiction de motifs ;
"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a dit que le délit de complicité d'escroquerie n'était pas établi à la charge de Ferdinand Z... ;
"aux motifs que, certes, un délit principal d'escroquerie avait été commis ; que des démarcheurs, préposés de la société Interstate Investment, se présentaient chez des particuliers, touchés au préalable par la diffusion d'un bulletin d'informations financières édité par cette même société ; qu'ainsi, MM. A... et X... s'étaient présentés, notamment, aux domiciles de MM. Y... et de Polge ;
qu'ils avaient proposé l'achat de titres de la société California et Southern ; qu'il devait se révéler par la suite que cette société, inscrite au registre des sociétés de Panama, n'avait aucune activité ; que MM. A... et X... n'avaient aucune qualité pour démarcher les particuliers ; qu'ils avaient donc usé, en tant que démarcheurs pour placement de titres, d'une qualité qu'ils ne possédaient pas ;
"qu'il n'était pas établi qu'Z... ait donné des instructions aux démarcheurs ; qu'il était établi, en revanche, qu'il assurait la traduction en français du bulletin d'informations financières édité par Interstate Investment ; qu'en tant que fondé de pouvoir de cette société, il contribuait à la diffusion des abonnements ; que, dans le cadre de ses fonctions, il assurait le paiement des rémunérations du personnel ;
qu'il payait ainsi les commissions de la quinzaine de démarcheurs, et ce nécessairement en fonction de leur productivité ; que les paiements des personnes démarchées étaient bien adressés à la société hollandaise dont il était le fondé de pouvoir ;
"que, toutefois, ces actes positifs correspondaient à sa mission normale, sans qu'il ait été établi qu'elle ait été dévoyée ; qu'il n'était pas établi qu'il avait agi avec connaissance et avec l'intention de favoriser la société qui l'employait ;
"qu'il n'était pas établi qu'Z... ait prêté aide ou assistance aux démarcheurs ou qu'il leur ait fourni des instructions, ni qu'il avait agi en connaissance de cause ;
"alors que nul n'est censé ignorer la loi ;
que la cour d'appel a elle-même constaté qu'Z..., fondé de pouvoir de la société Interstate Investment, avait traduit et diffusé le bulletin édité par cette société ; que cette diffusion était le préalable d'opérations de démarchage effectuées par des préposés de cette société ; que les démarcheurs étaient rémunérés par Z..., à la commission, en fonction de leur productivité ; que ces opérations étaient totalement illicites et constituaient le délit d'escroquerie par usage de fausse qualité ; qu'au vu de ces constatations, la cour d'appel ne pouvait relaxer Z... de la prévention de complicité d'escroquerie, au prétexte qu'il ne savait pas ce qu'il faisait ou qu'il n'avait pas fourni d'instructions directes aux démarcheurs ;
qu'en effet, par ses propres constatations, la cour d'appel avait caractérisé le fait que le prévenu avait favorisé et rémunéré une opération qualifiée d'escroquerie" ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, exposé les motifs pour lesquels elle a estimé que la preuve de l'infraction reprochée n'était pas rapportée à la charge du prévenu, en l'état des éléments soumis à son examen, et a ainsi justifié sa décision déboutant la partie civile de sa demande ;
D'où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus devant eux, ne saurait être admis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publi- que, les jour, mois et an que dessus ;
Où étaient présents : M. Tacchella conseiller doyen, faisant fonctions de président en remplacement du président empêché, M. Roman conseiller rapporteur, MM. Gondre, Hecquard, Culié, Schumacher conseillers de la chambre, M. de Mordant de Massiac, Mme Mouillard conseillers référendaires, M. Amiel avocat général, Mme Mazard greffier de chambre ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;