AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt et un février mil neuf cent quatre vingt quatorze, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller de Z... de MASSIAC, les observations de Me A... et de la société civile professionnelle Jean-Jacques GATINEAU, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général PERFETTI ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- CHAN Y...
B..., contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, 9ème chambre, en date du 26 mars 1993, qui, pour faux en écriture de commerce, l'a condamné à 20 000 francs d'amende et a prononcé sur les intérêts civils ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation pris de la violation de l'article 388 du Code de procédure pénale, violation de l'article 5 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
"en ce que la Cour saisie de poursuites contre X... du fait de complicité du délit d'escroquerie au préjudice de la CPAM a disqualifié les faits en faux en écriture de commerce ;
"au motif que s'il ne peut être tenu indubitablement établi que Y...
B... Chan ait participé en toute connaissance de cause aux escroqueries imputées à ses coprévenus, il est certain qu'il avait à s tout le moins conscience qu'en attestant frauduleusement de la délivrance et du paiement de produits pharmaceutiques, il commettait un faux de nature à causer un préjudice par l'utilisation qui pourrait en être faite ; que, dès lors, les faits visés par la procédure sous la prévention de complicité d'escroquerie et soumis au débat contradictoire, s'analysent en réalité comme constituant le délit de faux en écriture de commerce ;
"alors, d'une part, qu'il résulte de l'article 5 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales que tout prévenu a droit à un procès équitable ; que ce principe doit être considéré comme interdisant aux juges du fond de disqualifier les faits objet de la poursuite, sans que l'intéressé ait été appelé à s'expliquer sur les éléments constitutifs de l'infraction que le juge retient en définitive ; que le respect des droits de la défense implique en effet que l'intéressé puisse présenter une défense, aussi bien en droit qu'en fait" ;
Sur le deuxième moyen de cassation pris de la violation de l'article 150 du Code pénal, de l'article 150 du Code pénal, de l'article 161 du même Code, des articles 485, 593 du Code de procédure pénale ;
"en ce que la décision attaquée a déclaré le demandeur coupable de faux en écriture de commerce ;
"au motif qu'il aurait accepté de reporter sur des feuilles de soins de vignette afférentes à des médicaments qu'il n'avait pas délivrés et de certifier qu'il les auraient délivrés ;
"alors, d'une part, que les feuilles de soins de la sécurité sociale ne peuvent être considérées comme des écritures de commerce ;
"alors, d'autre part, que le fait de certifier sur une feuille de soins avoir délivré des médicaments et d'indiquer leur prix constituerait tout au plus le délit de faux certificat puni et réprimé par l'article 161 du Code pénal et non le délit de faux en écriture" ;
Sur le troisième moyen de cassation pris de la violation de l'article 150 du Code pénal, de l'article 405, 59 et 60 du même Code, de l'article L. 162-36 du Code de la sécurité sociale, des articles 485, 592 du Code de procédure pénale ;
"en ce que la décision attaquée a condamné le demandeur pour faux en écriture de commerce ;
"au motif que s'il ne peut être tenu pour indubitablement établi que Kin B...
X... ait participé, en toute connaissance de cause, aux escroqueries imputées à ses coprévenus, il est certain qu'il avait à tout le moins conscience qu'en attestant frauduleusement de la délivrance et du paiement de produits pharmaceutiques, il commettait un faux de nature à causer un préjudice par l'utilisation qui pourrait en être faite ;
"alors que l'intention exigée du complice consiste seulement dans le fait d'avoir conscience que l'agent, au moment où il accomplit les faits, constitutifs de la complicité, a conscience du concours qu'il apporte à l'exécution d'une infraction principale, c'est-à-dire en matière d'escroquerie qu'il favorise la remise de la chose, notamment des espèces objet de la remise ; cependant que l'intention frauduleuse en matière de faux suppose que l'agent a agi sciemment, avec conscience qu'il pouvait causer un préjudice matériel ou moral ; que la Cour ne pouvait sans se contredire affirmer d'une part que l'intention frauduleuse du demandeur, qui aurait consisté dans le fait qu'il savait que ses coprévenus se faisaient remettre par un procédé frauduleux des fonds, ce qui supposait nécessairement un préjudice à autrui n'était pas établie et affirmer, d'autre part, qu'il aurait tout au moins conscience qu'il commettait un faux de nature à causer un préjudice" ;
Sur le quatrième moyen de cassation pris de la violation de l'article 3 du Code de procédure pénale, de l'article 1382 du Code civil, de l'article L. 162-36 du Code de la sécurité sociale, L. 321-1 et L. 322-3, D. 322-1 du Code de la sécurité sociale, des articles 485, 593 du Code de procédure pénale ;
"en ce que la décision attaquée a alloué à la Caisse primaire d'assurance maladie une somme de 30 000 francs ;
"aux motifs que les faux commis par Y...
B... Chan ont nécessairement concouru à la réalisation des escroqueries dont se sont rendus coupables les coprévenus au préjudice de la Caisse primaire d'assurance maladie ;
"alors, d'une part, qu'à supposer le délit constitué, il résulte des constatations de fait que les intéressés se seraient fait délivrer des médicaments à titre gratuit, puis auraient obtenu une prescription d'un autre médecin et sans acheter les médicaments, auraient obtenu du demandeur qu'il porte sur une feuille établie par lui les vignettes des médicaments précédemment délivrés à titre gratuit, comme s'ils avaient été achetés chez lui ; que le système ainsi décrit ne peut avoir pour effet d'obliger la Caisse à payer deux fois, puisqu'aussi bien, le pharmacien ayant délivré les médicaments à titre gratuit ne peut en obtenir le remboursement, faute de pouvoir adresser les vignettes à la Caisse et que c'est donc le pharmacien qui a délivré les médicaments à titre gratuit et non la Caisse d'assurance maladie qui se trouve en réalité avoir subi le préjudice ;
"alors, d'autre part, qu'à tout le moins la décision attaquée n'est pas suffisamment motivée pour permettre à la Cour de Cassation d'exercer son contrôle" ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a caractérisé, en tous ses éléments constitutifs, le délit de faux en écriture de commerce dont elle a, après requalification des faits visés aux poursuites, reconnu le prévenu coupable ;
Que les moyens qui, se bornent à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, contradictoirement débattus devant eux, et la fixation de l'indemnité propre à réparer le préjudice résultant de l'infraction, ne peuvent qu'être écartés ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Où étaient présents : M. Le Gunehec président, M. de Mordant de Massiac conseiller rapporteur, MM. Tacchella, Gondre, Hecquard, Culié, Roman, Schumacher conseillers de la chambre, Mme Fayet conseiller référendaire, M. Perfetti avocat général, Mme Ely greffier de chambre ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;