AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par les Assurances générales de France (AGF), société anonyme dont le siège social est ... (2e), en cassation d'un arrêt rendu le 26 octobre 1990 par la cour d'appel de Paris (7e chambre civile, section B), au profit de la compagnie La Mondiale accident, dont le siège est ... (8e), défenderesse à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
LA COUR, en l'audience publique du 15 décembre 1993, où étaient présents : M. de Bouillane de Lacoste, président, M. Pinochet, conseiller rapporteur, M. Fouret, Mmes Lescure, Delaroche, Marc, conseillers, M. Laurent-Atthalin, conseiller référendaire, M. Lupi, avocat général, Mme Rouquet, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. le conseiller Pinochet, les observations de Me Baraduc-Benabent, avocat des Assurances générales de France, de Me Ricard, avocat de la compagnie La Mondiale accident, les conclusions de M. Lupi, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu que, le 28 janvier 1984, M. Y... a été victime d'un accident de la circulation dont M. X..., assuré auprès des Assurances générales de France (AGF), a été déclaré responsable dans une précédente instance ; que M. Y... avait adhéré au contrat d'assurance de groupe, souscrit par son employeur auprès de la compagnie La Mondiale, qui prévoyait le versement, à la suite d'accident ou de maladie, au titre d'une assurance "garantie de ressources", d'indemnités journalières en cas d'incapacité temporaire totale de travail et d'une rente en cas d'invalidité, ainsi qu'une assurance "remboursement des frais médicaux" ; que la compagnie La Mondiale a demandé aux AGF le remboursement des prestations qu'elle avait réglées à M. Y... au titre de ces différentes garanties ;
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu l'article L. 131-2 du Code des assurances ;
Attendu que, dès lors qu'elles sont calculées en fonction d'éléments prédéterminés par les parties, indépendamment du préjudice subi, les prestations servies en exécution d'un contrat d'assurance de personnes revêtent un caractère forfaitaire et non indemnitaire et échappent, par suite, à tout recours subrogatoire de l'assureur contre le tiers responsable ;
Attendu que, pour accueillir la demande, l'arrêt attaqué retient que l'assurance "garantie de ressources" a un caractère indemnitaire parce qu'elle prévoit des prestations complétant, à concurrence de 100 % du salaire de base, celles servies par la sécurité sociale et les fractions de salaire brut éventuellement perçues par l'assuré, ainsi qu'une rente égale à la différence entre le salaire de base et la pension d'invalidité servie par le même organisme ; qu'en se déterminant ainsi, alors qu'il résultait de ses énonciations que ces prestations, fixées dès l'origine en fonction d'éléments prédéterminés indépendamment du préjudice subi, ne présentaient pas un caractère indemnitaire, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et, partant, a violé le texte susvisé ;
Et sur le même moyen, pris en sa seconde branche :
Vu l'article L. 121-12, alinéa 1er, du Code des assurances ;
Attendu qu'en statuant comme elle a fait, après avoir constaté que les AGF avaient entièrement réglé à M. Y... l'indemnité que leur assuré, M. X..., avait été condamné à lui payer, ce dont il résultait qu'en raison de ce paiement la victime n'avait plus d'action contre le responsable et son assureur, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et, partant, a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 26 octobre 1990, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;
Condamne la compagnie La Mondiale accidents, envers les Assurances générales de France, aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ;
Ordonne qu'à la diligence de M. le procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit sur les registres de la cour d'appel de Paris, en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par M. le président en son audience publique du deux février mil neuf cent quatre-vingt-quatorze.