AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le trente et un janvier mil neuf cent quatre vingt quatorze, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller JOLY, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, et de la société civile professionnelle GUIGUET, BACHELLIER et POTIER de la VARDE, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LIBOUBAN ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- la société anonyme X... ET ROBYN, partie civile, représentée par son président-directeur général Bernard X..., contre l'arrêt de la cour d'appel de DIJON, chambre correctionnelle, en date du 20 janvier 1993, qui, dans la procédure suivie, sur sa plainte, contre Alain Y... des chefs de faux et usage de faux, après relaxe du prévenu, l'a déboutée de ses demandes ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 150 et 151 du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a relaxé Misner des fins de la poursuite pour faux et usage de faux en écriture privée de commerce et de banque, et débouté la société X... et Robyn de son action civile ;
"alors que, d'une part, l'arrêt attaqué constate que les factures ont fait l'objet de surcharges, modifications ou ont été établies sur des photocopies ; qu'il ne conteste pas que lesdites factures ont été présentées par le prévenu à son employeur pour en obtenir le remboursement ; qu'il ne pouvait, dès lors, se borner à affirmer que les charges étaient trop fragiles pour considérer que le prévenu était l'auteur des faits, sans s'expliquer sur l'usage de ces factures falsifiées également reproché au prévenu ;
"alors que, d'autre part, en s'abstenant de répondre aux conclusions de la demanderesse, selon lesquelles l'équipe comptable avait décelé une incompatibilité entre le travail fourni par le salarié et l'importance de ses déplacements, l'arrêt attaqué n'est pas légalement justifié ;
"alors qu'enfin, il appartient aux juges correctionnels d'ordonner des mesures d'instruction qu'ils constatent avoir été omises et qu'ils déclarent utiles à la manifestation de la vérité ;
qu'il résulte de l'arrêt attaqué que la cour d'appel a implicitement reconnu nécessaire la recherche par l'expert de l'existence ou non d'incompatibilités entre l'écriture de Misner et les surcharges constatées sur les documents litigieux ; qu'en s'abstenant d'ordonner une telle mesure d'instruction nécessaire à la manifestation de la vérité, l'arrêt attaqué est insuffisamment motivé" ;
Vu lesdits articles ;
Attendu que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision ;
que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;
Attendu que, pour renvoyer le prévenu des fins de la poursuite et débouter la partie civile de ses demandes, les juges du second degré, par l'arrêt infirmatif attaqué, se bornent à énoncer que, si les falsifications de notes de restaurant remises par le prévenu à son employeur comme justificatifs de frais sont manifestes, les conclusions de l'expert judiciaire qui les attribue au prévenu sont insuffisantes à établir sa culpabilité ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, par des motifs empreints de contradiction et sans examiner la poursuite du chef d'usage de faux, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs,
CASSE et ANNULE l'arrêt de la cour d'appel de Dijon, en date du 20 janvier 1993, mais en ses seules dispositions civiles, et pour qu'il soit à nouveau jugé conformément à la loi, dans la limite de la cassation ainsi prononcée,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Besançon, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Dijon, sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Où étaient présents : M. Tacchella conseiller doyen, faisant fonctions de président en remplacement du président empêché, M. Joly conseiller rapporteur, MM. Gondre, Hecquard, Culié, Roman conseillers de la chambre, M. de Mordant de Massiac conseiller référendaire, M. Libouban avocat général, Mme Ely greffier de chambre ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;