AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par Mme Antoinette Y..., demeurant ... à Saint-Pé-de-Bigorre (Hautes-Pyrénées), en cassation d'un arrêt rendu le 31 octobre 1991 par la cour d'appel de Pau (Chambre sociale), au profit de M. Patrick Z..., demeurant ... (Hautes-Pyrénées), défendeur à la cassation ;
LA COUR, en l'audience publique du 16 novembre 1993, où étaient présents : M. Kuhnmunch, président, M. Bèque, conseiller rapporteur, MM. Saintoyant, Lecante, Carmet, Boubli, Le Roux-Cocheril, Brissier, conseillers, Mmes Beraudo, Pams-Tatu, Bignon, Girard-Thuilier, conseillers référendaires, M. Kessous, avocat général, Mme Ferré, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. le conseiller Bèque, les observations de la SCP Masse-Dessen, Georges et Thouvenin, avocat de M. Y..., les conclusions de M. Kessous, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur les deux moyens réunis :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Pau, 31 octobre 1991), que Mme X... a été engagée le 1er janvier 1964, en qualité de secrétaire comptable, par M. François Z..., comptable agréé ; qu'en raison d'une diminution de l'activité du cabinet, en 1978, l'horaire de travail a été réduit à 26 heures par semaine sans modification de salaire ; que M. Patrick Z..., qui a succédé à son père le 1er décembre 1989, a mis la salariée en demeure de respecter l'horaire de 39 heures par semaine sans augmentation de salaire, ce que Mme X... a refusé ;
qu'après un avertissement écrit et la persistance de la salariée dans son refus, elle a été licenciée pour faute grave le 30 décembre 1989 ;
Attendu que la salariée fait grief à l'arrêt de l'avoir déboutée de ses demandes en paiement de rappel de salaire, d'indemnités de rupture et d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors, selon le pourvoi, de première part, que la modification substantielle des conditions de travail acceptée par la salariée et devenue effective, crée une situation juridique nouvelle qui s'impose dans les relations de travail, tant au salarié qu'à l'employeur ; que ce dernier n'a plus la possibilité de décider unilatéralement de revenir au système antérieur, sauf à proposer au salarié une nouvelle modification que celui-ci est en droit de refuser ; qu'un tel refus n'a aucun caractère fautif, l'employeur pouvant seul en tirer les conséquences pour prononcer, s'il a un juste motif à la modification, la rupture du contrat de travail ; que la cour d'appel qui, par les motifs adoptés des premiers juges, a constaté la réduction de l'horaire de travail de Mme X... ramené à 26 heures sans contrepartie sur le montant du salaire à compter de 1978, ce dont il résultait que, pendant plus de dix ans, le contrat de travail s'était exécuté à ces nouvelles conditions, et a refusé de constater la novation du contrat de travail qui en résultait, n'a pas tiré de ses constatations les conséquences légales qui s'en évinçaient au regard de l'article 1134 du Code civil ; qu'en affirmant, en outre, que la salariée aurait commis des fautes en s'absentant sans autorisation à plusieurs reprises, sans motif
valable au cours du mois de décembre 1989, sans préciser la nature de ces absences et sur quels éléments elle se fondait pour les considérer établies, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article L. 122-14-3 du Code du travail ; alors, de seconde part, d'abord, que, même à admettre que la salariée se soit méprise sur l'étendue de ses droits, son refus de se plier à l'horaire imposé, motivé par la seule conviction qu'elle était fondée à prétendre au maintien d'un horaire pratiqué pendant dix ans, s'agissant de surcroît d'une salariée ayant trente-huit ans d'ancienneté dans l'entreprise, ne saurait revêtir le caractère de gravité, propre à justifier un licenciement immédiat ; qu'en disant gravement fautif le comportement de la salariée, la cour d'appel a violé les articles L. 122-6, 8 et 9 du Code du travail ; alors, surtout, qu'en qualifiant de graves les manquements commis par la salariée, sans constater que de tels manquements ont rendu impossible son maintien dans l'entreprise, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles L. 122-6, 8 et 9 du Code du travail ;
Mais attendu que les juges du fond ont estimé que le contrat de travail n'avait pas subi de modification dans l'un de ses éléments substantiels ; que, dès lors, ils ont pu décider qu'en persistant, malgré des avertissement et mise en garde, à refuser d'accomplir l'horaire de travail pour lequel elle avait été engagée, la salariée avait commis un manquement qui rendait impossible son maintien dans l'entreprise pendant la durée du préavis et constituait une faute grave ;
D'où il suit que les moyens ne peuvent être accueillis ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme Y..., envers M. Z..., aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par M. le président en son audience publique du douze janvier mil neuf cent quatre-vingt-quatorze.