AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par Mme Paule X..., en cassation d'un arrêt rendu le 27 mars 1990 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (1re chambre civile), au profit de M. Pierre Y..., défendeur à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
LA COUR, en l'audience publique du 24 novembre 1993, où étaient présents : M. Grégoire, conseiller doyen faisant fonctions de président, M. Forget, conseiller rapporteur, MM. Thierry, Renard-Payen, Lemontey, Gélineau-Larrivet, Mme Gié, M. Ancel, conseillers, M. Savatier, Mme Catry, conseillers référendaires, M. Lupi, avocat général, Mlle Ydrac, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. le conseiller Forget, les observations de la SCP Boré et Xavier, avocat de Mme X..., de la SCP Célice et Blancpain, avocat de M. Y..., les conclusions de M. Lupi, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi et arrêté la décision au 24 novembre 1993 ;
Attendu que les époux Y...-X..., mariés en 1953 sous le règime de la communauté de meubles et d'acquêts, ont obtenu un jugement de séparation de corps, converti ensuite en divorce ; que le notaire chargé de la liquidation de la communauté a dressé un procès-verbal de difficultés, et que M. Y... a saisi le tribunal de grande instance de Marseille ; que Mme X... a fait état d'une transaction, datée du 31 janvier 1977, signée de M. Y... et qui lui attribuait la plus grande partie de l'actif de la communauté ; que toutefois, dès le 3 février 1977 M. Y... a déposé une plainte en affirmant que le même jour 3 février, son épouse et un certain M. B. l'avaient contraint à signer la transaction sous la menace d'une arme à feu ; que M. Y... a par ailleurs assigné Mme X... en annulation de l'acte du 31 janvier 1977 sur le fondement du vice de violence ; que la procédure pénale a été clôturée par une ordonnance de non-lieu ;
Sur le premier moyen, pris en ses trois branches :
Attendu que Mme X... reproche à l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 27 mars 1990) d'avoir annulé l'acte qualifié de transaction portant la date du 31 janvier 1977, tout en condamnant Mme X... à payer à M. Y... une somme de 5 000 francs en réparation de son préjudice moral, sans que M. Y... ait établi avec certitude la violence qu'il invoquait et sans que soient caractérisés ni le mal considérable subi par M. Y... ni les actes illégitimes qui l'auraient causé, ni les manoeuvres dolosives qui avaient surpris son consentement ;
Mais attendu que la cour d'appel, qui a souverainement relevé que M. Y... avait modifié sa signature habituelle sur le premier exemplaire de l'acte litigieux, que plusieurs témoins avaient vu M. Y... le 3 février 1977 dans un état de grande émotion, que plusieurs constatations dudit acte étaient contraires à la vérité, et que la transaction attribuait la quasi-totalité de la communauté à l'épouse sans contrepartie pour le mari, et que, de son côté, Mme X... n'établissait pas la preuve des faits dont elle se prévalait, a pu en déduire, sans retenir l'existence de manoeuvres dolosives, que le consentement de M. Y... avait été vicié par violence ; d'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;
Sur le second moyen, pris en ses trois branches :
Attendu qu'il est encore fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir statué comme il a fait, alors que les motifs qui se bornent à constater la recevabilité de l'action en rescision pour lésion, sans en discuter le mérite sont inopérants à justifier légalement le chef d'annulation de l'acte litigieux sur le fondement de la lésion, alors qu'en tout état de cause une lésion de plus du quart n'a pas été constatée, alors qu'enfin la lésion étant appréciée objectivement, la condamnation à dommages-intérêts de Mme X... ne serait pas fondée ;
Mais attendu qu'ayant annulé l'acte litigieux et accordé à M. Y... une indemnité sur le fondement du vice de son consentement, la cour d'appel n'était pas tenue de se prononcer sur la demande de rescision pour lésion, présentée seulement à titre subsidiaire par M. Y... ; qu'ainsi, le moyen, qui s'attaque à des motifs surabondants, ne peut être accueilli ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme X..., envers M. Y..., aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par M. le président en son audience publique du douze janvier mil neuf cent quatre-vingt-quatorze.