AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par Mme X..., sans profession, divorcée de M. Y..., en cassation d'un arrêt rendu le 7 mai 1991 par la cour d'appel de Pau (2ème chambre), au profit de M. Y..., retraité, défendeur à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt :
LA COUR, en l'audience publique du 9 novembre 1993, où étaient présents : M. Grégoire, conseiller doyen faisant fonctions de président, M. Thierry, conseiller rapporteur, MM. Renard-Payen, Lemontey, Gélineau-Larrivet, Forget, Mme Gié, M. Ancel, conseillers, M. Savatier, Mme Catry, conseillers référendaires, Mme Le Foyer de Costil, avocat général, Mlle Ydrac, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. le conseiller Thierry, les observations de la SCP Le Bret et Laugier, avocat de Mme X..., de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de M. Y..., les conclusions de Mme Le Foyer de Costil, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu que, par jugement du 13 juin 1972, le tribunal de grande instance de Pau a prononcé la séparation de corps des époux Y...-X... et commis un notaire pour procéder à la liquidation de la communauté ; que, le 21 mai 1973, ce dernier a dressé un procès-verbal de difficultés, dans lequel un immeuble commun, sis à Malaga (Espagne) et acquis par les époux en 1968, figurait pour la somme de 80 000 francs ; que, le 12 octobre 1976, la séparation de corps a été convertie en divorce ; qu'en février 1978, M. Y... a vendu l'immeuble de Malaga à l'insu de sa femme et a conservé la totalité du prix ; que, le 18 ocatif ; que l'arrêt confirmatif attaqué a estimé que M. Y... avait recelé, non pas l'immeuble litigieux, mais son prix de vente, et a condamné ce dernier, sur le fondement de l'article 1477 du Code civil, à payer à Mme X... la somme de 38 023 francs représentant la différence entre le prix de vente et le prix d'achat, tous deux réévalués au jour de l'arrêt ;
Sur le premier moyen :
Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt d'avoir décidé que le jugement entrepris du 20 février 1990 était désormais définitif sur le fait que le recel portait sur le prix de vente de l'immeuble, et non sur l'immeuble lui-même, alors, selon le moyen, que l'appel remet la chose jugée en question devant la cour, pour qu'il soit à nouveau statué en fait et en droit ;
que, loin d'être irrévocable, le jugement du 20 février 1990 faisait précisément l'objet d'un appel principal de Mme X..., dont les conclusions invitaient la cour à réformer ledit jugement et à retenir, au vu du recel de M. Y..., qu'il serait déchu de tout droit sur l'immeuble de Malaga et condamné à lui verser la somme actualisée de 370 000 francs ;
qu'en refusant de trancher cette contestation précise, l'arrêt attaqué a méconnu l'effet dévolutif de l'appel de Mme X... dont il était régulièrement saisi, et a violé l'article 561 du nouveau
Code de procédure civile ;
Mais attendu que le bien litigieux ayant été aliéné, la restitution en nature est devenue impossible et ne peut plus désormais être effectuée qu'en valeur, sous forme d'un prélèvement réalisé par Mme X... sur l'actif de l'indivision post-communautaire ; que le jugement n'ayant pas été critiqué sur ce point, l'arrêt est légalement justifié ;
Qu'il s'ensuit que le premier moyen ne peut être accueilli ;
Mais sur le second moyen :
Vu l'article 1477 du Code civil ;
Attendu que l'époux recéleur est privé de tout droit dans l'objet diverti qui, avant même qu'il ne soit procédé aux opérations de partage, devient par l'effet même de la sanction légale, en nature ou en valeur selon le cas, la propriété privative de son conjoint ;
Attendu qu'en limitant la condamnation prononcée contre M. Y... à la différence entre le prix d'achat et le prix de vente du bien recélé, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a limité à la somme de 38 023 francs le montant du recel commis par M. Y..., l'arrêt rendu le 7 mai 1991, entre les parties, par la cour d'appel de Pau ;
remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ;
Condamne M. Y..., envers Mme X..., aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ;
Ordonne qu'à la diligence de M. le procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit sur les registres de la cour d'appel de Pau, en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par M. le président en son audience publique du vingt décembre mil neuf cent quatre-vingt-treize.