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14/12/1993 | FRANCE | N°91-18635

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 14 décembre 1993, 91-18635


Attendu, selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 31 juillet 1991), que, par jugements rendus le 14 mars 1991, le tribunal de commerce de Montpellier a, sur déclarations de cessation des paiements, ouvert des procédures de redressement judiciaire à l'égard de plusieurs sociétés du groupe X... ; que, par d'autres jugements également en date du 14 mars 1991, le même Tribunal, sur requête de l'administrateur désigné dans les premières procédures, a, en vertu de l'article 7 de la loi du 25 janvier 1985, prononcé le redressement judiciaire d'autres sociétés appartenant au même groupe,

ainsi que de Mme X... personnellement ; que, par jugement du 23 m...

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 31 juillet 1991), que, par jugements rendus le 14 mars 1991, le tribunal de commerce de Montpellier a, sur déclarations de cessation des paiements, ouvert des procédures de redressement judiciaire à l'égard de plusieurs sociétés du groupe X... ; que, par d'autres jugements également en date du 14 mars 1991, le même Tribunal, sur requête de l'administrateur désigné dans les premières procédures, a, en vertu de l'article 7 de la loi du 25 janvier 1985, prononcé le redressement judiciaire d'autres sociétés appartenant au même groupe, ainsi que de Mme X... personnellement ; que, par jugement du 23 mars 1991, il a arrêté un plan ordonnant la cession totale des actifs de la plupart des sociétés concernées et de Mme X... ; que, par jugement du 17 mai 1991, il a rejeté les tierces oppositions formées par la Banque de l'économie rhodanienne et la Banque fédérative de crédit mutuel (les banques), créancières de Mme X... à raison d'engagements de caution contractés par elle pour une des sociétés du groupe, contre le jugement d'ouverture du redressement judiciaire de leur débitrice ; qu'appel a été interjeté par les banques du jugement du 17 mai 1991 ;

Sur le premier moyen :

Attendu que les banques font grief à l'arrêt d'avoir, après accueil de leurs tierces oppositions, annulé le jugement d'ouverture du redressement judiciaire de Mme X... et ordonné d'office l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à l'égard de celle-ci et par application de l'article 11 du décret du 27 décembre 1985, alors, selon le pourvoi, que l'admission de la tierce opposition aux jugements rendus en matière de redressement ou liquidation judiciaires, ayant effet à l'égard de tous, emporte, selon l'article 156 du décret du 27 décembre 1985, la rétractation (et non l'annulation) du jugement entrepris, si bien que la cour d'appel, qui ne dispose, en vertu de l'article 11 du même décret, du pouvoir d'ouvrir la procédure de redressement judiciaire ou de prononcer la liquidation judiciaire d'office qu'en cas d'annulation ou d'infirmation d'un jugement de redressement ou de liquidation judiciaires, ne peut, sans excéder ses pouvoirs, ouvrir d'office une procédure de redressement judiciaire sur le fondement de ce texte après avoir rétracté sur tierce opposition un jugement de redressement judiciaire ; qu'après avoir accueilli les tierces oppositions formées par les banques à l'encontre du jugement du 14 mars 1991 ouvrant une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de Mme X... et infirmé les jugements frappés d'appel par les banques ayant rejeté leur tierce opposition, la cour d'appel, qui a prononcé l'annulation, non demandée par les banques, du jugement du 14 mars 1991 pour retenir que l'article 11 du décret du 27 décembre 1985 l'autorisait à ouvrir d'office une procédure de redressement judiciaire à l'égard de Mme X..., a, par une violation des articles 156 et 11 du décret du 27 décembre 1985 et 4 et 5 du nouveau Code de procédure civile, excédé les pouvoirs que lui conférait l'article 11 du décret du 27 décembre 1985 ;

Mais attendu que les dispositions de l'article 11 du décret du 27 décembre 1985, suivant lesquelles la cour d'appel qui annule ou infirme un jugement de redressement judiciaire ou prononçant la liquidation judiciaire peut d'office, soit ouvrir la procédure de redressement judiciaire, soit prononcer la liquidation judiciaire, sont applicables en cas de rétractation par la cour d'appel d'un jugement de redressement judiciaire frappé de tierce opposition ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen, pris en ses deux branches : (sans intérêt) ;

Et sur le troisième moyen, pris en ses deux branches :

Attendu qu'il est, enfin, fait grief à l'arrêt d'avoir, par application de l'article 11 du décret du 27 décembre 1985, ordonné d'office l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à l'égard de Mme X... et, sans fixer de période d'observation, reporté au 13 mars 1991 la date de cessation des paiements et désigné un commissaire à l'exécution du plan avec mission, notamment, de passer tous les actes nécessaires à la réalisation de la cession, alors, selon le pourvoi, d'une part, que le jugement qui arrête le plan de cession totale de l'entreprise, s'il rend, aux termes de l'article 91 de la loi du 25 janvier 1985, exigibles les dettes non échues, a également pour effet, selon l'article 1er, alinéa 1er, de la même loi, d'apurer le passif ; que l'article 11 du décret du 27 décembre 1985 n'autorise pas une cour d'appel, pour décider qu'au moment où elle statue, l'actif disponible du débiteur ne permet pas de faire face à son passif exigible, à tenir compte des dettes devenues exigibles par l'effet du jugement arrêtant le plan de cession, tout en retenant le montant de son actif disponible, tel qu'il résulte d'un bilan établi 18 mois auparavant ; qu'en statuant ainsi qu'elle a fait, la cour d'appel a excédé les pouvoirs que lui donnait l'article 11 du décret du 27 décembre 1985 ; et alors, d'autre part, que l'article 11 du décret du 27 décembre 1985 donne seulement à la cour d'appel, qui annule ou infirme un jugement de redressement judiciaire ou prononçant la liquidation judiciaire, la faculté, soit d'ouvrir d'office une procédure de redressement judiciaire, soit de prononcer d'office la liquidation judiciaire ; que, selon l'article 1er, alinéa 2, de la loi du 24 janvier 1985, le redressement judiciaire est assuré selon un plan arrêté par décision de justice à l'issue d'une période d'observation ; ce plan prévoit soit la continuation de l'entreprise, soit sa cession ; lorsqu'aucune de ces solutions n'apparaît possible, il est procédé à la liquidation judiciaire ; et aux termes de l'article 8 de la même loi, le jugement de redressement judiciaire ouvre une période d'observation qu'il fixe en vue de l'établissement d'un bilan économique et social et de propositions tendant à la continuation ou à la cession de l'entreprise ; dès lors qu'aucune de ces propositions ne paraît possible, le Tribunal prononce la liquidation judiciaire ; qu'en se déterminant et en statuant comme elle a fait, la cour d'appel, qui a ainsi décidé que l'article 11 du décret du 27 décembre 1985 donne à la cour d'appel, qui annule un jugement ouvrant une procédure de redressement judiciaire, le pouvoir d'ouvrir une telle procédure sans comporter de période d'observation et, en même temps, de décider de la solution à donner à la procédure qu'elle ouvre d'office, a excédé ses pouvoirs dans l'application de l'article 11 du décret du 27 décembre 1985 ;

Mais attendu, d'une part, que le jugement arrêtant le plan de cession totale de l'entreprise en redressement judiciaire n'entraîne pas par lui-même l'apurement du passif du débiteur ; que, selon l'article 92 de la loi du 25 janvier 1985, le Tribunal prononce d'office la clôture des opérations après l'accomplissement de tous les actes nécessaires à la réalisation de la cession, que le prix de cession est réparti par le commissaire à l'exécution du plan entre les créanciers suivant leur rang et que ceux-ci recouvrent après le jugement de clôture leur droit de poursuite individuelle dans les limites fixées par l'article 169 de la même loi ; que, n'étant pas allégué qu'en l'espèce, les créanciers de sommes devenues exigibles par l'effet du jugement arrêtant le plan de cession auraient perdu l'exercice individuel de leurs actions contre la débitrice dans les conditions prévues par les textes précités, la cour d'appel a pu tenir compte de ces dettes pour apprécier l'état de cessation des paiements de Mme X... au jour où elle statuait ;

Attendu, d'autre part, que lorsque la cour d'appel a prononcé le redressement judiciaire du débiteur en usant des pouvoirs qu'elle tient de l'article 11 du décret du 27 décembre 1985, l'annulation du jugement ayant prononcé le redressement judiciaire ne s'étend pas au plan de cession arrêté en suite de ce jugement ; qu'il en résulte, le plan de cession de l'entreprise de Mme
X...
arrêté par le jugement du Tribunal en date du 23 mars 1991 étant ainsi maintenu, que la période d'observation ouverte, en vertu de l'article 8, alinéa 1er, de la loi du 25 janvier 1985, par le prononcé de l'arrêt de redressement judiciaire a pris fin aussitôt eu égard au jugement précité ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 91-18635
Date de la décision : 14/12/1993
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

1° ENTREPRISE EN DIFFICULTE (loi du 25 janvier 1985) - Redressement et liquidation judiciaires - Procédure - Saisine de la cour d'appel - Saisine d'office - Champ d'application - Rétractation d'un jugement de redressement judiciaire frappé de tierce opposition.

1° Les dispositions de l'article 11 du décret du 27 décembre 1985, suivant lesquelles la cour d'appel qui annule ou infirme un jugement de redressement judiciaire ou prononçant la liquidation judiciaire peut d'office, soit ouvrir la procédure de redressement judiciaire, soit prononcer la liquidation judiciaire, sont applicables en cas de rétractation d'un jugement de redressement judiciaire frappé de tierce opposition.

2° ENTREPRISE EN DIFFICULTE (loi du 25 janvier 1985) - Redressement et liquidation judiciaires - Procédure - Saisine de la cour d'appel - Saisine d'office - Pouvoirs - Cessation des paiements - Appréciation - Dettes rendues exigibles par l'effet du jugement arrêtant le plan de cession - Prise en considération.

2° La cour d'appel qui a annulé un jugement de redressement judiciaire, lequel avait été suivi d'un autre jugement arrêtant le plan de cession de l'entreprise peut, lorsqu'elle use des pouvoirs qu'elle tient de l'article 11 du décret du 27 décembre 1985, apprécier l'état de cessation des paiements en tenant compte des dettes rendues exigibles par l'effet du jugement arrêtant le plan de cession, dès lors que ce jugement n'entraîne pas, par lui-même, l'apurement du passif du débiteur, dont les créanciers ne perdent l'exercice individuel de leurs actions que dans les conditions prévues par les articles 92 et 169 de la loi du 25 janvier 1985.

3° ENTREPRISE EN DIFFICULTE (loi du 25 janvier 1985) - Redressement et liquidation judiciaires - Procédure - Saisine de la cour d'appel - Saisine d'office - Pouvoirs - Jugement prononçant le redressement judiciaire - Annulation - Effets - Annulation étendue au plan de cession (non).

3° Lorsqu'une cour d'appel prononce le redressement judiciaire du débiteur en usant des pouvoirs qu'elle tient de l'article 11 du décret du 27 décembre 1985, l'annulation du jugement ayant prononcé le redressement judiciaire ne s'étend pas au plan de cession arrêté en suite de ce jugement. Par conséquent, la période d'observation ouverte par le prononcé de l'arrêt prend fin aussitôt, eu égard au jugement arrêtant le plan qui a mis fin à cette période.


Références :

2° :
3° :
Décret 85-1387 du 27 décembre 1985 art. 11
Décret 85-1387 du 27 décembre 1985 art. 92, art. 169
Loi 85-98 du 25 janvier 1985

Décision attaquée : Cour d'appel de Montpellier, 31 juillet 1991

A RAPPROCHER : (3°). Chambre commerciale, 1989-02-28, Bulletin 1989, IV, n° 71, p. 46 (rejet).


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 14 déc. 1993, pourvoi n°91-18635, Bull. civ. 1993 IV N° 475 p. 346
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 1993 IV N° 475 p. 346

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Bézard .
Avocat général : Avocat général : M. Raynaud.
Rapporteur ?: Rapporteur : Mme Pasturel.
Avocat(s) : Avocats : la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, M. Brouchot, la SCP Nicolay et de Lanouvelle.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1993:91.18635
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