AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par M. Albert Y..., avocat, demeurant palais Saint-Pierre, à Saumur (Maine-et-Loire), en cassation d'une ordonnance rendue le 6 décembre 1990 par le premier président de la cour d'appel d'Angers, au profit de Mme Bernadette X..., demeurant ... (Maine-et-Loire), défenderesse à la cassation ;
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 7 octobre 1993, où étaient présents : M. de Bouillane de Lacoste, président, Mme Lescure, conseiller rapporteur, M. Fouret, conseiller, M. Lupi, avocat général, Mlle Ydrac, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme le conseiller Lescure, les observations de la SCP Tiffreau et Thouin-Palat, avocat de M. Y..., de Me Hennuyer, avocat de Mme X..., les conclusions de M. Lupi, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique :
Attendu, selon les énonciations de la décision attaquée (ordonnance du premier président de la cour d'appel d'Angers, 6 décembre 1990) qu'à la suite du meurtre de son mari et en raison de l'insolvabilité des condamnés, Mme X... a obtenu de la commission d'indemnisation des victimes d'infractions l'allocation de sommes d'argent correspondant à la quasi-totalité des dommages-intérêts qui lui avaient été alloués en son nom propre et en tant qu'administratrice légale de ses trois enfants mineurs ; que M. Y..., avocat, qui l'avait assistée au titre de l'aide judiciaire, tant pendant l'information que devant la cour d'assises et la commission d'indemnisation, a été autorisé par le bâtonnier à lui réclamer des honoraires s'élevant à la somme de 40 460 francs, puis a obtenu une ordonnance de taxe ; que, sur contestation de Mme X..., le premier président a décidé que celle-ci n'était redevable d'aucun honoraire, retenant que le capital accordé par la commission ne pouvait être amputé de quelque manière que ce fût sans entraîner un trouble grave pour l'intéressée au sens de l'article 15 de la loi n° 72-11 du 3 janvier 1972 ;
Attendu que M. Y... fait grief à l'ordonnance attaquée d'avoir ainsi statué, alors, selon le moyen, que dans ses conclusions il avait fait valoir qu'il reviendrait à Mme X... tant en son nom personnel qu'ès qualités, la somme de 48 998 francs provenant de la saisie-arrêt pratiquée sur le salaire de l'un des condamnés ;
qu'en ne recherchant pas si cette somme, qui n'avait pas été versée par la commission d'indemnisation, n'était pas de nature à procurer à Mme X... des ressources telles que, si elles avaient existé au jour de la demande d'aide judiciaire, celle-ci ne lui aurait pas été accordée même partiellement, le premier président de la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 15 et 22 de la loi du 3 janvier 1972 et 706-3 du Code de procédure pénale ;
Mais attendu que, M. Y... n'ayant pas tiré du fait par lui énoncé dans ses conclusions, les déductions juridiques que fait valoir le moyen, le premier président n'avait pas à procéder à une recherche qui ne lui était pas demandée ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu que le pourvoi revêt un caractère abusif ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. Y... à une amende civile de dix mille francs, envers le Trésor public ; le condamne, envers Mme X..., aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par M. le président en son audience publique du dix sept novembre mil neuf cent quatre-vingt-treize.