AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par M. François X..., demeurant 17, rive de Juine à Ormoy-la-Rivière à Etampes (Essonne), en cassation d'un arrêt rendu le 29 juin 1989 par la cour d'appel d'Orléans (chambre sociale), au profit de la Compagnie française d'électrochimie, dont le siège est BP 3 à Outarville (Loiret), défenderesse à la cassation ;
LA COUR, en l'audience publique du 20 juillet 1993, où étaient présents : M. Kuhnmunch, président, Melle Sant, conseiller référendaire rapporteur, MM. Guermann, Saintoyant, Ferrieu, Monboisse, Merlin, conseillers, M. Aragon-Brunet, Mme Blohorn-Brenneur, conseillers référendaires, M. Chauvy, avocat général, Mme Collet, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Melle le conseiller référendaire Sant, les observations de Me Guinard, avocat de M. X... et de Me Choucroy, avocat de la Compagnie française d'électrochimie, les conclusions de M. Chauvy, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., embauché le 16 septembre 1977 par la Compagnie française d'electrochimie en qualité de responsable du service informatique de gestion, puis nommé directeur général adjoint en janvier 1984, a, après convocation à un entretien préalable, été licencié le 10 novembre 1986 avec dispense d'effectuer le préavis ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale d'une demande en paiement par l'employeur de diverses indemnités ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu que M. X... fait grief à la décision de l'avoir débouté de sa demande de dommages-intérêts pour perte d'une chance, alors, selon le moyen, que la possibilité de rachat de l'actionnariat de la société Gould et le versement d'une prime exceptionnelle de six mois de salaire étant liés à la présence de M. X... dans l'entreprise CFEC, la cour d'appel devait en déduire que le licenciement de M. X... l'avait privé d'une chance certaine d'obtenir ces avantages ; qu'en décidant le contraire au motif que le respect de cet engagement dépendait de la société Gould, la cour d'appel a violé l'article 1182 du Code civil ;
Mais attendu que la privation de ladite prime ne pouvait que constituer un élément du préjudice résultant du licenciement ; que le moyen ne saurait être accueilli ;
Sur le troisième moyen :
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir débouté M. X... de sa demande en paiement d'un bonus sur l'exercice de l'année 1986, alors, selon le moyen, que dans ses conclusions d'appel, M. X... produisait l'attestation de Mme Y..., chef des services comptables suivant laquelle le résultat 1986 de la CFEC avait donné lieu au versement à Mrs Moyal, Weill et à d'autres cadres, d'un bonus correspondant au maximum prévu en fonction du résultat de la société ; qu'il indiquait que le bonus maximum était égal à 40 % de la rémunération de l'année précédente, de sorte qu'il aurait dû percevoir, au titre de cet exercice, la somme de 253 752,00 francs ; qu'en enjoignant au salarié de produire le résultat d'exploitation de la société, alors que les conclusions délaissées lui permettaient de vérifier le calcul fourni, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation souveraine de la valeur et de la portée des éléments de fait et de preuve soumis à son examen que la cour d'appel a constaté que la preuve du montant de la somme réclamée par M. X... n'était pas apportée par ce dernier ;
D'où il suit que le moyen ne peut être acceuilli ;
Mais sur le premier moyen :
Vu l'article L. 122-14-3 du Code du travail ;
Attendu que le licenciement pour une cause inhérente à la personne du salarié doit être fondée sur des éléments objectifs ;
que la perte de confiance ne constitue pas, en soi, un motif de licenciement ;
Attendu que pour débouter M. X... de sa demande d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt énonce que le salairé avait manifesté son désaccord à l'égard de la nouvelle forme juridique de l'entreprise et montrait ainsi son manque de cohésion avec la nouvelle direction, que c'est la persistance, chez ce cadre supérieur, investi de haute responsabilités, d'un comportement négatif à l'égard de sa direction qui a provoqué son licenciement et que, dans ces conditions, c'est à bon droit que la société CFEC, qui ne pouvait plus garder sa confiance en son collaborateur, a rompu les relations contractuelles ;
Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a débouté M. X... de sa demande d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt rendu le 29 juin 1989, entre les parties, par la cour d'appel d'Orléans ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bourges ;
Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens ;
Ordonne qu'à la diligence de M. le procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit sur les registres de la cour d'appel d'Orléans, en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par M. le président en son audience publique du dix novembre mil neuf cent quatre-vingt-treize.