AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par M. Kadir X..., en cassation d'un arrêt rendu le 9 avril 1991 par la cour d'appel de Rennes (1re chambre A), au profit de M. le procureur général près la cour d'appel de Rennes, (Ille-et-Vilaine), défendeur à la cassation ;
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
LA COUR, en l'audience publique du 30 juin 1993, où étaient présents : M. Grégoire, conseiller le plus ancien faisant fonctions de président, M. Lemontey, conseiller rapporteur, MM. Thierry, Renard-Payen, Forget, Mme Gié, M. Jean-Pierre Ancel, conseillers, M. Savatier, conseiller référendaire, M. Lupi, avocat général, Mlle Ydrac, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. le conseiller Lemontey, les observations de Me Capron, avocat de M. X..., les conclusions de M. Lupi avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu que Mamodaly Y..., née à Madagascar en 1909, s'est mariée, en 1927, dans ce territoire, avec un sujet britannique d'origine indienne ; que du mariage de la fille issue de cette union est né, le 7 juin 1962, à Majunga, M. Kadir X... ; que celui-ci a réclamé, le 1er février 1988, la nationalité française sur le fondement de l'article 57-1 du Code de la nationalité ; qu'il a contesté le refus d'enregistrement de sa déclaration en faisant valoir, à la fois, qu'il jouissait de la possession d'état de Français et qu'il était français par sa filiation maternelle ;
Sur le premier moyen :
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt attaqué (Rennes, 9 avril 1991) d'avoir dit qu'il n'était pas français par filiation en raison de la perte de la nationalité française de son aïeule par l'effet du mariage de celle-ci, alors, selon le moyen, que ce mariage, en la forme religieuse, était inexistant et que la cour d'appel, en décidant le contraire, a violé les articles 165 du Code civil et 4 du Code de la nationalité ;
Mais attendu que la cour d'appel n'a fait que constater le mariage des grands-parents maternels de M. X..., célébré à Madagascar en 1927 selon le rite musulman dont relevaient les intéressés ; que c'est à juste titre qu'elle a considéré qu'un tel mariage devait être tenu pour valable au regard du droit français et produire ses effets relativement au changement de nationalité de la femme tant que sa nullité, qui n'était pas demandée, n'a pas été prononcée ; qu'au surplus, la gravité du vice affectant ce mariage est sans influence sur le caractère putatif présumé de l'union qui maintenait les effets de celle-ci sur le changement de nationalité ;
que le moyen n'est donc pas fondé ;
Sur le second moyen, pris en ses trois branches :
Attendu qu'il est encore reproché à l'arrêt d'avoir dit que M. X... n'était pas français pour n'avoir pas joui de façon constante de la possession d'état de Français au cours des dix années précédant sa déclaration, alors, selon le moyen, qu'en énonçant qu'il était titulaire de documents officiels délivrés par les pouvoirs publics et avait accompli ses obligations militaires du 1er au 24 juin 1987, la cour d'appel s'est contredite et a violé les articles 57-1 du Code de la nationalité et 16 du décret du 10 juillet 1973 ;
Mais attendu que, contrairement à l'affirmation du moyen, la possession d'état, exigée par l'article 57-1 du Code de la nationalité, doit être continue et sans équivoque, tant du point de vue de l'intéressé que de l'autorité publique ; que les juges du fond ont relevé, s'agissant du comportement de M. X..., que celui-ci, bien qu'immatriculé au consulat de France depuis 1970, était entré en France en 1981 avec un passeport indien et avait obtenu un titre de séjour jusqu'en 1982 ; qu'ils ont pu déduire de ces éléments souverainement appréciés, et sans se contredire, que M. X..., dont l'immatriculation consulaire tenait uniquement au fait de sa mère, n'avait pas, pendant toute la période de dix ans précédant sa déclaration en 1988, manifesté sa volonté de se considérer comme français ; qu'ainsi, le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X..., aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par M. le président en son audience publique du vingt-sept octobre mil neuf cent quatre-vingt-treize.