AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la Mutuelle du Mans assurances IARD, société d'assurance à forme mutuelle à cotisations fixes, dont le siège social est ..., au Mans (Sarthe), agissant en la personne de ses représentants légaux en exercice domiciliés en cette qualité audit siège, en cassation d'un arrêt rendu le 14 février 1991 par la cour d'appel de Riom (1ère chambre civile), au profit de M. René X..., demeurant à l'Hôpital Général, au Mont Dore (Puy-de-Dôme), défendeur à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 24 juin 1993, où étaient présents : M. de Bouillane de Lacoste, président, Mme Lescure, conseiller rapporteur, M. Viennois, conseiller, M. Gaunet, avocat général, Mlle Ydrac, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme le conseiller Lescure, les observations de la SCP Boré et Xavier, avocat de la Mutuelle du Mans assurances IARD, de Me Goutet, avocat de M. X..., les conclusions de M. Gaunet, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi et arrêté la décision au 24 juin 1993 ;
Attendu que M. X... a conclu auprès des Mutuelles du Mans assurances, à compter du 1er octobre 1986, un contrat "assurance remboursement de soins à garantie viagère en complément du régime maladie de la sécurité sociale ou des assurances sociales agricoles", garantissant, notamment, le remboursement du forfait journalier hospitalier ; qu'il a assigné cette compagnie en paiement d'une somme de 36 129,04 francs, correspondant à ses frais d'hospitalisation pour la période comprise entre le 1er octobre 1986 et mars 1990, ainsi que de toutes les sommes qui viendraient à être exigibles ultérieurement ; qu'il a demandé en outre aux premiers juges de dire que le contrat par lui souscrit resterait en vigueur durant sa vie entière ;
Sur le premier moyen pris en sa deuxième branche :
Vu l'article 1134 du Code civil ;
Attendu que pour accueillir la demande en paiement de M. X..., la cour d'appel a retenu que, le premier juge ayant à bon droit décidé que, le contrat d'assurance resterait en vigueur durant la vie de M. X..., ceci privait de tout fondement les prétentions de la compagnie d'assurances à se voir exonérée du paiement des frais afférents à l'année 1990 ;
Attendu, cependant, qu'indépendamment de la durée du contrat d'assurance, les conditions spéciales de la police prévoyaient sous le titre C "conditions de remboursements", à l'article C11, particularités en matière d'hospitalisation ; "les frais d'hospitalisation chirurgicale ou médicale ou à domicile sont remboursés pendant une durée maximum de trois ans, avec ou sans interruption, pour chaque assuré au cours d'une période de cinq années consécutives" ; qu'en refusant de faire application de ces dispositions contractuelles claires et précises, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
ET sur le second moyen pris en sa première branche :
Vu l'article 1134 du Code civil ;
Attendu que pour condamner la compagnie Les Mutuelles du Mans Assurances à payer à M. X... toute somme qui viendrait à être exigible à l'avenir au titre du contrat "durant la vie entière" de cet assuré, la cour d'appel a énoncé que la thèse de l'assureur, selon laquelle le contrat lui interdisait seulement, après l'expiration d'une période de quatre années, de résilier la convention soit à l'échéance annuelle, soit pour aggravation du risque, soit après sinistre, ne reposait que sur ses seules affirmations, aucun des documents contractuels produits ne permettant de limiter la définition du terme "viager" et de restreindre l'interdiction pour l'assureur de résilier ;
Attendu, cependant, que l'article D2 - "garantie viagère" des conditions spéciales de la police énonce : "à l'expiration d'une période de quatre ans, votre assureur renonce pour chaque assuré à user de la faculté de résiliation prévue au paragraphe 23 A 1 )a, 3 )b et 3 )d des conditions générales" ; qu'en étendant la renonciation de l'assureur à sa faculté de résiliation de la police, au-delà de ces limites, la cour d'appel a violé l'article susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les première et troisième branches du premier moyen ni sur les deuxième et troisième branches du second moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 14 février 1991, entre les parties, par la cour d'appel de Riom ;
remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Limoges ;
Condamne M. X..., envers la Mutuelle du Mans Assurances IARD, aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ;
Ordonne qu'à la diligence de M. le procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit sur les registres de la cour d'appel de Riom, en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par M. le président en son audience publique du vingt octobre mil neuf cent quatre vingt treize.