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12/10/1993 | FRANCE | N°93-83588

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 12 octobre 1993, 93-83588


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le douze octobre mil neuf cent quatre vingt treize, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller MILLEVILLE, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN et de la société civile professionnelle PIWNICA et MOLINIE, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général MONESTIE ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Carlo, contre l'arrêt de la chambre d'accusation de la

cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, en date du 1er juillet 1993, qui, dans la procédu...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le douze octobre mil neuf cent quatre vingt treize, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller MILLEVILLE, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN et de la société civile professionnelle PIWNICA et MOLINIE, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général MONESTIE ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Carlo, contre l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, en date du 1er juillet 1993, qui, dans la procédure d'extradition suivie contre lui à la demande du gouvernement italien, a émis un avis partiellement favorable ;

Vu les deux mémoires produits, dont l'un au titre de l'aide juridictionnelle ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 199, 216, 591 et 592 du Code de procédure pénale, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué ne porte aucune mention permettant de contrôler la composition de la chambre d'accusation lors du prononcé de l'arrêt ;

"alors que devant la chambre d'accusation, les débats se déroulent et l'arrêt est rendu en chambre du conseil ; que le prononcé de la décision doit non seulement se faire en chambre du conseil mais en présence de l'ensemble des trois magistrats du siège ayant instruit la cause et délibéré, et en présence du ministère public et du greffier ; qu'en l'absence de toute mention, en l'espèce, sur la composition de la chambre d'accusation lors du prononcé de l'arrêt, la chambre criminelle n'est pas en mesure de s'assurer de la régularité de celle-ci" ;

Attendu que l'arrêt attaqué mentionne qu'il a été prononcé en audience publique, le 1er juillet 1993, "où siégeaient M. Mistral, président, Mme Llaurens, conseiller, Mme Roy, conseiller" ;

Qu'ainsi le moyen, qui repose sur une affirmation de fait inexacte et qui méconnaît les dispositions de l'article 14 de la loi du 10 mars 1927, ne peut être admis ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 11, 13 et 14 de la loi du 10 mars 1927, 593 du Code de procédure pénale et 6-3b et c de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que X... n'a pas bénéficié de l'assistance de son conseil lors de l'interrogatoire effectué le 23 juin 1993 par le procureur général ;

"alors, d'une part, que la procédure en matière extraditionnelle est essentiellement contradictoire ; que le respect des droits de la défense impose au procureur général qui, en application de l'article 13 de la loi du 10 mars 1927, est chargé de notifier à l'étranger les titres et les pièces produites par l'Etat requérant à l'appui de sa demande d'extradition et de procéder à son interrogatoire, d'en donner préalablement avis au conseil de l'intéressé, sauf impossiblilité dûment constatée ; qu'en l'espèce où, dès son arrestation provisoire en date du 15 juin 1993, X... avait indiqué au procureur de la République qu'il souhaitait être assisté, durant la procédure d'extradition, par Me Y..., avocat au barreau de Marseille, l'interrogatoire effectué par le procureur général sans que le conseil de l'étranger ait été convoqué, a été accompli en méconnaissance des droits de la défense et du principe essentiel du contradictoire qui gouverne cette procédure ; que l'arrêt attaqué rendu sur la base d'une procédure ainsi viciée, ne satisfait pas, en la forme, aux conditions essentielles de son existence légale ;

"alors, d'autre part, que tout étranger faisant l'objet d'une demande d'extradition est recevable à se prévaloir des dispositions de l'article 6-3b et c de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales qui prévoient que tout accusé doit pouvoir disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense et être assisté du défenseur de son choix ; qu'en effet, le terme "accusation" s'entend, au sens de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, comme la notification officielle émanant de l'autorité compétente du reproche d'avoir accompli une infraction pénale ; qu'une demande d'extradition suppose nécessairement la formulation officielle, par l'Etat requérant à l'Etat requis, des infractions imputées à l'étranger dont l'extradition est sollicitée, lesquelles, en l'espèce, ont été notifiées à X... dès son arrestation provisoire de sorte que, durant toute la procédure extraditionnelle, et notamment lors de son interrogatoire effectué par le procureur général, il devait bénéficier de l'assistance d'un avocat ; que la chambre d'accusation, qui devait constater l'irrégularité résultant de la méconnaissance des droits de la défense de l'étranger, a privé sa décision des conditions essentielles de son existence légale" ;

Attendu que le grief, pris d'une prétendue violation des articles 13 de la loi du 10 mars 1927 et 6-3b, et c, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales lors de la notification, par le procureur général, du titre d'arrestation, n'a pas été allégué devant la chambre d'accusation ; qu'il ne saurait être invoqué pour la première fois devant la Cour de Cassation ;

Que le moyen est donc irrecevable ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 14 et 15 de la loi du 10 mars 1927, 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 593 du Code de procédure pénale, ensemble violation des droits de la défense, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que le procès-verbal d'interrogatoire de X... dressé conformément aux prescriptions de l'article 14 de la loi du 10 mars 1927 ne constate pas que l'étranger était assisté de son conseil, bien que l'avocat général ait été présent ;

"alors qu'en matière d'extradition, les débats devant la chambre d'accusation s'ouvrent par un interrogatoire dont il est dressé procès-verbal ; que cette formalité est substantielle et doit être accomplie par la chambre d'accusation régulièrement composée en audience publique, et en présence du ministère public ; que l'absence du défenseur régulièrement désigné par l'étranger vicie fondamentalement les débats et l'arrêt rendu ensuite de cette procédure ne satisfait pas, en la forme, aux conditions essentielles de son existence légale" ;

Attendu que, l'interrogatoire prévu par l'article 14 de la loi du 10 mars 1927 étant indivisible des débats, il n'importe que le procès-verbal qui le constate ne fasse pas état du conseil de l'étranger dès lors que la présence de ce conseil résulte des mentions de l'arrêt relatives aux débats ;

D'où il suit que le moyen ne peut être admis ;

Sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation des articles 14 de la loi du 10 mars 1927, 407 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué ne constate pas que Mme Z..., interprète en langue italienne assermenté, ait prêté serment avant d'accomplir sa mission lors de l'audience du 1er juillet 1993 ;

"alors que tout interprète qui apporte son concours à la justice doit prêter serment conformément à la loi ; que cette formalité substantielle prévue par l'article 407 du Code de procédure pénale s'impose en matière extraditionnelle devant la chambre d'accusation en vertu des principes généraux du droit dès lors qu'elle est prescrite non seulement dans l'intérêt de celui que l'interprète doit assister, mais encore pour le bien de la justice ; que par ailleurs, tout interprète, même assermenté comme expert en exécution des dispositions de l'article 160 du Code de procédure pénale est tenu de prêter le serment requis par l'article 407 de ce Code toutes les fois qu'il est commis pour assurer ses fonctions à l'audience ;

que l'arrêt qui ne mentionne pas l'exécution de cette formalité ne répond pas en la forme aux conditions essentielles de son existence légale" ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que, lorsqu'il a comparu devant la chambre d'accusation, Carlo X... était assisté d'un interprète assermenté ;

Attendu qu'en cet état, l'arrêt attaqué n'encourt pas les griefs allégués ; qu'en effet, les dispositions de l'article 102 du Code de procédure pénale relatives au concours d'un interprète devant le juge d'instruction et la chambre d'accusation, n'étant pas incompatibles avec celles de la loi du 10 mars 1927, sont applicables en matière d'extradition ; qu'il en résulte que seul l'interprète qui n'est pas assermenté est tenu de prêter serment ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Sur le cinquième moyen de cassation, pris de la violation des articles 4, 5, 16 et 17 de la loi du 10 mars 1927, 6 et 8 du Code pénal, manque de base légale ;

"en ce que la chambre d'accusation a émis un avis favorable à l'extradition de X... pour l'exécution d'un reliquat de peine faisant suite à une condamnation prononcée, notamment, pour vol aggravé ;

"alors que l'arrêt attaqué qui n'indique à aucun moment en quoi consiste l'aggravation de l'infraction de vol reprochée à X... ne permet pas à la chambre criminelle de s'assurer du respect de la règle essentielle de la double incrimination et n'a pas rendu un avis motivé au sens de l'article 16 de la loi du 10 mars 1927 et qu'ainsi, il ne répond pas, en la forme, aux conditions essentielles de son existence légale" ;

Et sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 10 de la Convention européenne d'extradition, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a émis un avis favorable à la demande d'extradition présentée par le gouvernement italien en vue de l'exécution d'un reliquat d'une peine prononcée par le tribunal correctionnel de Gênes le 20 octobre 1982 ;

"aux motifs que la condamnation est devenue définitive le 25 octobre 1985 ; que selon la législation italienne la prescription de la peine est égale au double de la peine infligée sans pouvoir être supérieure à30 ans ou inférieure à 10 ans ; que selon la législation française, la prescription de la peine est de 20 ans, peu important la nature de la juridiction qui a statué ou l'utilisation du terme "delitto", le critère applicable étant la qualification de l'infraction, l'intéressé ayant été condamné du chef de réclusion pour vol à main armée, port et détention illégale d'arme et vol aggravé ;

"alors qu'il résulte des dispositions de l'article 10 de la Convention européenne d'extradition que l'extradition ne sera pas accordée si la prescription de la peine est acquise d'après la législation, soit de la partie requérante, soit de la partie requise ; que Carlo X... ayant été condamné en Italie par un tribunal correctionnel, à raison de faits qualifiés de délits en Italie, la prescription de la peine était acquise, selon la loi française, 5 années révolues à compter de la date où la décision pénale italienne est devenue définitive ; qu'ayant constaté que la condamnation prononcée par le tribunal correctionnel italien était devenue définitive le 25 octobre 1985, la demande d'extradition présentée par le gouvernement italien en vertu d'un ordre d'incarcération en date du 21 mars 1991 était donc prescrite ; que pour avoir cependant émis un avis favorable à l'extradition demandée, la chambre d'accusation a violé les textes susvisés" ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu que ces moyens reviennent à critiquer les motifs de l'arrêt qui se rattachent directement et servent de support à l'avis de la chambre d'accusation sur la suite à donner à la demande d'extradition ;

Qu'ils sont, dès lors, irrecevables en application de l'article 16 de la loi du 10 mars 1927 ;

Et attendu que la chambre d'accusation était compétente et composée conformément aux dispositions du Code de procédure pénale ;

que la procédure est régulière ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Où étaient présents : M. Le Gunehec président, M. Milleville conseiller rapporteur, MM. Dumont, Fontaine, Alphand, Guerder, Pinsseau, Joly conseillers de la chambre, Mmes Batut, Fossaert-Sabatier, M. Poisot conseillers référendaires, M. Monestié avocat général, Mme Ely greffier de chambre ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 93-83588
Date de la décision : 12/10/1993
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

EXTRADITION - Chambre d'accusation - Procédure - Audition - Interprète - Dispositions applicables.

EXTRADITION - Chambre d'accusation - Avis - Recours - Absence.


Références :

Code de procédure pénale 102
Loi du 10 mars 1927 art. 16

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 01 juillet 1993


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 12 oct. 1993, pourvoi n°93-83588


Composition du Tribunal
Président : Président : M. Le GUNEHEC

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1993:93.83588
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