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11/10/1993 | FRANCE | N°92-84625

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 11 octobre 1993, 92-84625


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le onze octobre mil neuf cent quatre vingt treize, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller HECQUARD, les observations de la société civile professionnelle DELAPORTE et BRIARD, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général MONESTIE ;

Statuant sur les pourvois formés par :

- X... Jean-Marie,

- Y... Catherine, contre l'arrêt de la cour d'appel de ROUEN, chambre correctionnelle, en date du 8 j

uillet 1992, qui, pour escroquerie, les a respectivement condamnés à 2 ans et 8 mois ...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le onze octobre mil neuf cent quatre vingt treize, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller HECQUARD, les observations de la société civile professionnelle DELAPORTE et BRIARD, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général MONESTIE ;

Statuant sur les pourvois formés par :

- X... Jean-Marie,

- Y... Catherine, contre l'arrêt de la cour d'appel de ROUEN, chambre correctionnelle, en date du 8 juillet 1992, qui, pour escroquerie, les a respectivement condamnés à 2 ans et 8 mois d'emprisonnement avec sursis et a prononcé sur les intérêts civils ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Vu le mémoire personnel produit par X... ;

Vu le mémoire ampliatif produit pour Catherine Y... ;

Sur le moyen unique de cassation proposé par Jean-Marie X... et pris de la violation des articles 405 du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

Sur le moyen unique de cassation proposé en faveur de Catherine Y... et pris de la violation des articles 405, 60 du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a reconnu Mme Y... coupable d'escroquerie au préjudice de Mme Z... et, en conséquence, l'a condamnée à une peine d'emprisonnement de huit mois avec sursis et a statué sur les intérêts civils ;

"aux motifs adoptés qu'il ressort de l'exposé des faits que X... a commis une série de manoeuvres frauduleuses extrêmement complexes, dont l'obtention d'un reçu ne correspondant à aucune remise, manoeuvres qui ont abouti à un appauvrissement important de Mme Z... au profit de la SCI Genèse 3000 ; que Mme Z... a perdu la propriété de son immeuble pour une somme théorique de 300 000 francs, mais en réalité pour moins de 200 000 francs, alors qu'il n'est pas contesté que le bien était évalué à la somme de 500 000 francs ; que s'il lui reste un quart de parts de la SCI, elle a cependant contribué à rembourser le crédit contracté par la SCI en payant un loyer de 2 000 francs par mois pour pouvoir occuper son propre appartement ; qu'à l'inverse, la SCI a acquis, pour un prix très inférieur à l'évaluation, un immeuble dans lequel elle n'a pas financé les travaux et pour lequel elle n'a remboursé qu'une faible partie des mensualités d'emprunts, que Mme Y... ne saurait arguer de sa bonne foi ; qu'elle s'est nécessairement rendu compte du caractère frauduleux des manoeuvres de X... ;

que les mentionsapposées sur le bail ont été faites en sa présence ; qu'elle savait pertinemment, quand elle a fait signer le reçu de 100 000 francs, que cette somme n'avait jamais été remise ;

"aux motifs adoptés que Mme Y... nécessairement alertée dès avril 1986 du comportement suspect de X... (épisode des deux reconnaissances de dette successives) a néanmoins continué à donner son concours à l'intéressé et a ainsi joué un rôle de coauteur auquel sa qualité de professionnel averti en matière de négociations aurait dû lui faire renoncer ;

"alors, d'une part, que pour que soit constitué le délit d'escroquerie, les manoeuvres frauduleuses tendant à persuader de l'existence d'une fausse entreprise doivent avoir été déterminantes de la remise ; qu'en l'espèce, les juges du fond, qui n'ont pas caractérisé en quoi les prétendues manoeuvres frauduleuses de Mme Y... ont pu déterminer la victime à effectuer des remises, ont privé leur décision de base légale ;

"alors, d'autre part, que l'article 405 du Code pénal dispose que les moyens frauduleux doivent tendre à la remise de fonds, meubles ou obligations, dispositions, billets, promesses, quittances ou décharges ; qu'en l'espèce, ni les énonciations du jugement ni celle de l'arrêt n'ont spécifié en quoi consistait la remise prévue à l'article 405 du Code pénal ; qu'ainsi, à défaut d'avoir procédé à cette constatation, la Cour n'a pas donné de base légale à sa décision ;

"alors, enfin, que le coauteur d'une infraction se définit comme celui qui assiste l'auteur dans les faits de consommation de l'infraction ; qu'en l'espèce, les juges du fond qui n'ont pas constaté que Mme Y... avait assisté X... dans les faits de consommation de l'infraction mais qu'elle devait avoir eu connaissance des manoeuvres frauduleuses de ce dernier et qu'elle avait facilité l'accomplissement de l'infraction, ne pouvaient la tenir dans les liens de la prévention en qualité de coauteur, mais seulement en qualité de complice ; pour avoir néanmoins déclaré Mme Y... coauteur de l'infraction, la Cour a privé sa décision de base légale" ;

Les moyens étant réunis ;

Vu lesdits articles ;

Attendu que tout jugement ou arrêt doit contenir les motifs propres à justifier sa décision ;

que l'insuffisance des motifséquivaut à leur absence ;

Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué et du jugement qu'il confirme que Catherine Y... et Jean-Marie X... sont poursuivis en termes identiques du chef d'escroquerie pour avoir "au moyen de manoeuvres frauduleuses, en l'espèce en établissant de faux documents ou rajouts de mentions erronées sur des actes signés préalablement par la victime, en obtenant une reconnaissance de dette non justifiée et par la création de la société civile immobilière Genèse 3000 destinée à racheter l'immeuble appartenant à la dame Z..., laissant espèrer à cette dernière qu'elle va toucher le produit de la vente, obtenu des fonds, des quittances ou décharges, obligations et dispositions, escroquant par ce moyen partie de la fortune de la dame Z..." ;

Attendu que, pour les déclarer coupables d'escroquerie, la cour d'appel se borne à énoncer que X..., avec le concours de Catherine Y..., a commis des manoeuvres extrêmement complexes qui ont fait subir à la dame Z... un important appauvrissement résultant de la vente de son immeuble à un prix dévalué ;

Mais attendu qu'en statuant ainsi sans préciser en quoi les manoeuvres effectuées avaient été déterminantes ni en quoi avait consisté la remise prévue par l'article 405 du Code pénal, la cour d'appel n'a pas mis la Cour de Cassation en mesure de contrôler la légalité de la décision ;

D'où il suit que la cassation est encourue ;

Par ces motifs,

CASSE et ANNULE l'arrêt de la cour d'appel de Rouen, en date du 8 juillet 1992, en toutes ses dispositions, et pour qu'il soit jugé à nouveau conformément à la loi,

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Caen, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Rouen, sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Où étaient présents : M. Tacchella conseiller doyen faisant fonctions de président en remplacement du président empêché, M. Hecquard conseiller rapporteur, MM. Gondre, Roman, Joly conseillers de la chambre, M. de Mordant de Massiac, Mme Mouillard, M. Poisot conseillers référendaires, M. Monestié avocat général, Mme Mazard greffier de chambre ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 92-84625
Date de la décision : 11/10/1993
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

ESCROQUERIE - Manoeuvres frauduleuses - Nature des manoeuvres - Constatations insuffisantes.


Références :

Code de procédure pénale 593
Code pénal 405, 60

Décision attaquée : Cour d'appel de Rouen, 08 juillet 1992


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 11 oct. 1993, pourvoi n°92-84625


Composition du Tribunal
Président : Président : M. TACCHELLA conseiller

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1993:92.84625
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