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10/08/1993 | FRANCE | N°92-86251

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 10 août 1993, 92-86251


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le dix août mil neuf cent quatre vingt treize, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire FERRARI, les observations de Me Z... et de la société civile professionnelle ROUVIERE et BOUTET, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général AMIEL ;

Statuant sur les pourvois formés par :

- Y... Bernard, prévenu,

- LA SARL SCREL, civilement responsable,

- F... Philippe,

- F... Christian,

- DELMAS X..., épouse F..., D- D... Rose Marie, veuve F...,

- F... Nicolas, - F...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le dix août mil neuf cent quatre vingt treize, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire FERRARI, les observations de Me Z... et de la société civile professionnelle ROUVIERE et BOUTET, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général AMIEL ;

Statuant sur les pourvois formés par :

- Y... Bernard, prévenu,

- LA SARL SCREL, civilement responsable,

- F... Philippe,

- F... Christian,

- DELMAS X..., épouse F..., D- D... Rose Marie, veuve F...,

- F... Nicolas, - FILIPE B... Jocelyne, épouse E..., parties civiles, contre l'arrêt de la cour d'appel d'AMIENS, chambre correctionnelle, du 13 novembre 1992, qui a condamné Bernard Y..., pour homicide et blessures involontaires et pour contraventions connexes au Code de la route, à 3 mois d'emprisonnement avec sursis et à 2 amendes de 500 francs et 800 francs, a ordonné la suspension de son permis de conduire pendant un an et a renvoyé les parties civiles à se pourvoir devant la juridiction compétente pour la liquidation de leurs préjudices ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

I) Sur le pourvoi de Bernard Y... et de la SARL SCREL ;

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Sur le premier moyen de cassation proposé et pris de la violation des articles 319, R. 40-4° du Code pénal, L. 14 alinéa 1-2°, L. 15 I, R. 11-1, R. 5, R. 232-1° du Code de la route, 1382 du Code civil, 6-2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 2, 3, 427, 512, 536, 485, 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale, violation des droits de la défense ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Y... coupable des faits qui lui étaient reprochés et l'a en répression condamné à 3 mois d'emprisonnement avec sursis, deux amendes de 500 francs et 800 francs ainsi qu'à une suspension de permis de conduire pour une durée de 12 mois, tout en déclarant la société SCREL civilement responsable de Blondet ;

"aux motifs que le prévenu ne conteste pas que son véhicule se soit trouvé dans le couloir de circulation du véhicule Rivière mais précise que, surpris par l'arrivée de ce dernier dans son couloir, il a brusquement freiné et a déporté son véhicule sur la partie gauche de la chaussée ; que si cette version des faits est confirmée par l'épouse du prévenu et le témoin Régis H..., conducteur d'un poids lourd circulant derrière le véhicule Y..., elle est contredite par Jocelyne Page, victime, ainsi que par M. A... correspondant de presse, lequel avait recueilli les déclarations non seulement de Régis H... mais également celles d'un autre automobiliste qui confirmaient que le prévenu circulait à vive allure en les dépassant et avait franchi la ligne médiane continue ; qu'il sera en tout cas observé que le témoignage tardif de Régis H... a, semble-t-il, subi des variations qui en appauvrissent la

véracité ; qu'en conséquence, il convient de s'attacher exclusivement aux constatations matérielles faites par les enquêteurs ; que sans revenir sur le fait que le choc se soit intégralement produit à l'intérieur du couloir de circulation de Didier G..., il apparaît que ce dernier n'a pas utilisé ses freins, ce qui laisse supposer qu'il ne se sentait pas en position de danger dans son couloir, que, par ailleurs, il est pour le moins surprenant que les traces de freinage du véhicule du prévenu débutent sur la ligne médiane et non dans la partie droite de la chaussée dans laquelle Bernard Y... était censé circuler en toute sérénité ; qu'en tout cas, on ne s'explique pas que le prévenu, si l'on retient sa version des faits, n'ait pas choisi naturellement de déporter son véhicule par la droite, alors qu'il y avait une voie d'accélération qui l'aurait mis à l'abri ; qu'il apparaît, au vu de ces éléments, que Bernard Y... a commis deux fautes d'imprudence, d'une part en ne réglant pas sa vitesse en fonction d'une courbe qu'il devait négocier, d'autre part, en franchissant une ligne médiane continue ; qu'il y a lieu de confirmer le jugement sur la culpabilité ; que sur la répression il y a lieu d'aggraver les peines prononcées compte tenu de la gravité des fautes commises et du trouble causé aux victimes et à leurs familles ;

"alors, d'une part, que si les juges du fond décident en fonction de leur intime conviction, c'est à la condition que la culpabilité retenue du prévenu soit déduite, en termes non équivoques, de motifs non entachés d'erreur, d'insuffisance ou de contradiction et dans le strict respect des règles de la preuve ; qu'en l'espèce la cour d'appel ne pouvait retenir la culpabilité du prévenu en s'attachant aux seules constatations matérielles, celles-ci dépendant directement du fait de savoir si le déport sur la gauche du véhicule de Y... était dû ou non à la présence, à l'origine, du véhicule Rivière, dans son propre couloir de circulation ; que dès lors, la cour d'appel ne pouvait, sans contradiction, écarter les témoignages notamment ceux favorables au prévenu, tout en retenant les constatations matérielles insusceptibles de prouver sa culpabilité ; qu'ainsi la cour d'appel a violé les textes visés au moyen, les règles de la preuve et les droits de la défense ;

"alors, d'autre part, qu'en toute hypothèse le doute résultant des témoignages contradictoires devait nécessairement profiter au prévenu" ;

Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué reproduites au moyen mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que les juges du second degré ont sans insuffisance ni contradiction caractérisé en tous leurs éléments constitutifs les délits et contravention qu'ils ont retenus à la charge du prévenu ;

Que le moyen, qui se borne à remettre en question l'appréciation souveraine par les juges du fond des faits et circonstances de la cause contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 1382 du Code civil, 4 de la loi du 5 juillet 1985, 2, 3, 485, 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale,

"en ce que l'arrêt attaqué a donné acte aux consorts G... et à Page de leur constitution de partie civile tout en les renvoyant à se pourvoir le cas échéant devant la juridiction compétente pour la liquidation de leurs préjudices et a ainsi, au moins implicitement, admis la seule responsabilité de Y... dont la société Screl a été déclaré civilement responsable dans la survenance de l'accident ;

"alors qu'en admettant même que Y... se soit rendu coupable des faits qui lui étaient reprochés, la cour d'appel ne pouvait, sur l'action civile, sans aucune motivation, retenir la seule responsabilité du prévenu, sans rechercher si Rivière, conducteur du véhicule circulant en sens inverse, aurait pu prévoir et éviter l'accident ; qu'ainsi l'arrêt est entaché d'une violation de l'article 4 de la loi du 5 juillet 1985" ;

Attendu que, contrairement à ce qui est soutenu au moyen, la cour d'appel, en renvoyant les parties civiles à se pourvoir devant la juridiction compétente, n'a nullement reconnu le prévenu entièrement responsable des conséquences dommageables des infractions dont elle l'a déclaré coupable ;

Que dès lors le moyen, inopérant, ne peut qu'être écarté ;

II) Sur le pourvoi des parties civiles ;

Vu le mémoire produit commun aux six demandeurs ;

Sur le premier moyen de cassation proposé et pris de la violation des articles 1382 du Code civil, L. 454-1 du Code de la sécurité sociale et 2 et 591 du Code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a, tout en reconnaissant l'entière responsabilité de Y... dans l'accident de la circulation qui avait coûté la vie à Rivière et causé des blessures à Page, infirmé le jugement "en toutes ses dispositions civiles et renvoyé les parties civiles à se pourvoir, le cas échéant, devant la juridiction compétente pour la liquidation de leurs préjudices ;

"au motif que, s'agissant d'un accident du travail, la réparation (en) est exclusivement prévue par les dispositions de l'article L. 451-1 du Code de la sécurité sociale, excluant tout recours de droit commun ;

"alors qu'au cas où l'accident est imputable, en tout ou partie, à une personne autre que l'employeur ou un copréposé, la victime ou ses ayants droit conserve, contre ce tiers responsable, le droit de demander la réparation du préjudice causé, conformément aux règles de droit commun, dans la mesure où ce préjudice n'est pas réparé par application de la législation des accidents du travail ; qu'il en va, notamment, ainsi de la part d'indemnité, de caractère personnel, correspondant aux souffrances physiques ou morales endurées par la victime, au préjudice esthétique et d'agrément, et au préjudice moral des ayants droit, en cas d'accident suivi de mort ; qu'ainsi la juridiction de droit commun du second degré a méconnu l'étendue de ses pouvoirs" ;

Vu lesdits articles ;

Attendu qu'aux termes de l'article L. 454-1 du Code de la sécurité sociale, si la lésion dont est atteint l'assuré social est imputable à une personne autre que l'employeur ou ses préposés, la victime ou ses ayants droit conserve contre l'auteur de l'accident le droit de demander la réparation du préjudice causé conformément aux règles de droit commun dans la mesure où ce préjudice n'est pas réparé en vertu de la législation sur les accidents du travail ;

Attendu qu'après avoir déclaré Bernard Y... coupable notamment d'avoir involontairement causé la mort de Didier G... et occasionné à Jocelyne Filipe C..., épouse Page, des blessures ayant entraîné une incapacité de travail inférieure à 3 mois, les juges du second degré, pour renvoyer les parties civiles à se pourvoir devant la juridiction compétente pour la liquidation de leurs préjudices, relèvent que l'accident à l'origine des poursuites "rentre dans la catégorie des accidents de travail tels que définis par l'article L. 415 du Code de la sécurité sociale et que sa réparation est exclusivement prévue par les dispositions de l'article L. 451-1 dudit Code, excluant tout recours de droit commun" ;

Mais attendu qu'en se déterminant de la sorte, alors qu'il résultait de ses propres constatations que le prévenu Y..., reconnu coupable de l'accident, lui-même préposé de la SARL SCREL, n'était ni l'employeur ni le copréposé des victimes, employées l'une et l'autre de la société "Les Coopératives de Normandie Picardie", la cour d'appel a méconnu le texte susvisé ;

D'où il suit que la cassation est encourue ;

Par ces motifs ;

1) Sur le pourvoi de Bernard Y... et de la SARL SCREL ;

Le REJETTE ;

2) Sur le pourvoi des parties civiles ;

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vCASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel d'Amiens, en date du 13 novembre 1992 mais seulement en ses dispositions par lesquelles il a renvoyé les parties civiles demanderesses à se pourvoir devant la juridiction compétente pour la liquidation de leur préjudice, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 92-86251
Date de la décision : 10/08/1993
Sens de l'arrêt : Rejet et cassation
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

ACCIDENT DE LA CIRCULATION - Tiers payeur - Recours - Accident du travail - Auteur de l'accident autre que l'employeur ou un de ses préposés - Règles de droit commun.


Références :

Code de la sécurité sociale L454-1

Décision attaquée : Cour d'appel d'Amiens, 13 novembre 1992


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 10 aoû. 1993, pourvoi n°92-86251


Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1993:92.86251
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