REJET des pourvois formé par :
- X... Patrick,
- Y... Jean-Claude,
contre l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel d'Angers, en date du 3 février 1993, qui, dans l'information suivie contre eux et d'autres des chefs d'escroqueries et d'abus de biens sociaux, a déclaré régulières une perquisition et une saisie de documents.
LA COUR,
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu l'ordonnance de M. le président de la chambre criminelle, en date du 10 mai 1993, prescrivant l'examen immédiat des pourvois ;
Vu les mémoires produits ;
Sur le moyen unique de cassation, proposé au nom de Jean-Claude Y... et pris de la violation des articles 378 du Code pénal, 92, 94, 96, 97, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt a déclaré régulière la perquisition et la saisie de documents, objet des scellés n° 1 et 2, opérées le 15 septembre 1992 dans le cabinet de Me Eric Z..., avocat au barreau du Mans et membre de la société Fidal ;
" aux motifs que si les confidences reçues par l'avocat lors d'une activité de consultation, de rédaction d'actes, ou de conclusions sont couvertes par le secret professionnel, et que ces activités ont pour objet de protéger ou de défendre les intérêts du client, elles sont d'une essence différente de l'exercice des droits de la défense qui est le corollaire du principe fondamental en procédure pénale de la libre défense, et qui ne se conçoit que devant les juridictions de l'ordre judiciaire ou de l'ordre administratif qui se sont vues confier, dans les cadres législatifs et réglementaires fixés par les articles 34, 38, et 37 de la Constitution, la mission de prononcer des peines ou des sanctions administratives, fiscales ou disciplinaires ; que Fidal et l'auteur de l'audit ne possédant pas encore la qualité d'avocat au cours des mois de septembre et octobre 1991 durant lesquels l'audit a été réalisé, le rapport dressé et envoyé au client, les moyens concernant le secret professionnel de l'avocat qui sont développés dans les mémoires sont étrangers à la présente affaire ; qu'enfin à supposer que le secret professionnel de l'avocat puisse être étendu au conseil juridique, cette extension serait sans effet sur la question soumise à la Cour, le rapport d'audit demeurant appréhendable et saisissable, puisqu'il n'avait pas été adressé à X... à l'occasion de l'exercice des droits de la défense ;
" alors, d'une part, que le principe de la confidentialité des correspondances échangées entre les conseils juridiques, devenus avocats aux termes des lois du 31 décembre 1990, portant création et organisation de la nouvelle profession d'avocat, et leurs clients, absolu et d'ordre public, couvre toutes correspondances, qu'elles aient été réalisées par l'avocat dans le cadre d'une mission juridique ou judiciaire ; pour avoir méconnu ce principe, la Cour n'a pas donné de base légale à sa décision ;
" alors, d'autre part, que la saisie opérée a donné lieu à la mise sous scellés d'un document constitué de 22 feuillets de travail (scellé n° 1) ; qu'en l'espèce, la Cour qui ne s'est pas expliquée sur l'apport de ce document, personnel à l'avocat, dans le cadre de l'information en cours, n'a pas légalement motivé sa décision ;
" alors, enfin, que la saisie opérée a donné lieu à la mise sous scellés d'un document dénommé " Audit fiscal de la société Prolig " (scellé n° 2) ; que la Cour a estimé cette saisie nécessaire, sans s'expliquer plus avant sur l'intérêt et l'apport de ce document à l'information en cours ; qu'ainsi, en se bornant à énoncer que la saisie était nécessaire et régulière, la Cour n'a pas donné de base légale à sa décision " ;
Attendu que Jean-Claude Y... est sans qualité pour contester la régularité de la perquisition effectuée au siège de la société anonyme Fidal et la validité de la saisie de documents concernant la gestion de la société à responsabilité limitée Prolig, sociétés auxquelles il est étranger, n'en étant pas le mandataire ;
Que, dès lors, le moyen ne saurait être admis ;
Sur le moyen unique de cassation, proposé au nom de Patrick X... et pris de la violation de l'article 378 du Code pénal, de l'article 58 du décret du13 juillet 1972, de l'article 89 du décret du 9 juin 1972, des articles 56, 57 et 96 du Code de procédure pénale, de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales, défaut de motif et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a dit que le juge d'instruction était fondé à appréhender les documents constituant les scellés n° 1 et n° 2 et que leur saisie était régulière ;
" aux motifs que les pièces du dossier démontrent que la perquisition a été conduite dans le strict respect des règles édictées par les articles 56-1, 57, 59, 92 et 96 du Code de procédure pénale ; que si les confidences reçues par l'avocat lors d'une activité de consultation, de rédaction d'acte ou de conclusions sont couvertes par le secret professionnel et que ces activités ont pour objet de protéger ou de défendre les intérêts du client, elles sont d'une essence différente de l'exercice des droits de la défense qui ne se conçoit que devant les juridictions judiciaires ou administratives ; que Fidal et l'auteur de l'audit ne possédant pas encore la qualité d'avocat au cours des mois de septembre et d'octobre 1991 durant lesquels l'audit a été réalisé, le rapport dressé et envoyé au client, les moyens concernant le secret professionnel de l'avocat sont étrangers à la présente affaire ; qu'enfin à supposer le secret professionnel de l'avocat applicable aux conseils juridiques, le rapport d'audit demeurerait appréhendable et saisissable puisqu'il n'avait pas été adressé à X... à l'occasion de l'exercice des droits de la défense (arrêt attaqué p. 12, al. 6 ; p. 13, al. 1er) ;
1) alors qu'en vertu du principe de la libre défense qui domine la procédure pénale, les correspondances entre l'avocat et son client qui sont couvertes par le secret professionnel sont inviolables et ne peuvent donc être saisies ; que ce principe s'applique à toutes les correspondances y compris celles antérieures à l'inculpation du client dès lors qu'elles concernent les faits visés à la prévention ; qu'en énonçant que l'activité de consultation et de rédaction d'actes était " d'une essence différente de l'exercice des droits de la défense " et que le rapport d'audit saisi n'avait pas été adressé à l'inculpé par la société Fidal à l'occasion de l'exercice des droits de la défense pour en déduire que celui-ci pouvait être saisi par le juge d'instruction, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
2) alors que les conseils juridiques étaient soumis, selon l'article 58 du décret du 13 juillet 1972, rédigé dans les mêmes termes que l'article 89 du décret du 9 juin 1972 applicable aux avocats, au respect du secret professionnel et par conséquent à la confidentialité des communications avec leurs clients ; qu'en énonçant que la société Fidal et l'auteur du rapport d'audit ne possédaient pas encore la qualité d'avocat lorsque cet audit avait été réalisé et en en déduisant que les moyens de défense concernant le secret professionnel des avocats étaient donc inopérants, la cour d'appel a entaché sa décision d'une violation des textes susvisés " ;
Attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué et de l'examen des pièces de la procédure que Patrick X..., gérant de la société à responsabilité limitée Prolig, avait donné mission à la société anonyme Fidal, société de conseil juridique et fiscal devenue société d'avocats le 1er janvier 1992, d'assurer le suivi de son dossier fiscal personnel et de celui de sa société ; que le juge d'instruction, chargé d'informer contre l'intéressé et tous autres des chefs d'escroqueries et d'abus de biens sociaux, s'est transporté le 15 septembre 1992, accompagné du bâtonnier, dans les locaux de la société Fidal et s'est fait remettre un rapport d'audit en date du 25 octobre 1991 ainsi que des notes de travail qu'il a placés sous scellés ; que ce magistrat, saisi par le conseil de X... d'une demande d'annulation de ces opérations, a transmis la procédure à la chambre d'accusation en application de l'article 171 du Code de procédure pénale ;
Attendu que pour refuser de prononcer l'annulation de pièces de la procédure la chambre d'accusation énonce notamment que la perquisition a été effectuée dans le strict respect des règles édictées par les articles 56-1, 57, 59, 92 et 96 du Code précité ; qu'elle relève que le représentant de la société Fidal ne possédait pas encore la qualité d'avocat à l'époque où l'audit a été réalisé et que celui-ci, depuis qu'il a acquis cette qualité, n'est pas intervenu pour assurer en justice la défense des intérêts de X... ; qu'elle ajoute que les arguments tirés du secret professionnel sont étrangers au cas d'espèce puisque le rapport d'audit n'a pas été établi à l'occasion de l'exercice des droits de la défense ;
Attendu qu'en cet état la chambre d'accusation a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués ;
Qu'en effet le secret professionnel du conseil juridique et fiscal, devenu avocat, ne met pas obstacle à la saisie de documents lorsque ceux-ci sont étrangers à l'exercice des droits de la défense ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE les pourvois.