AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par M. Daniel A..., ès qualités de directeur général de la "Coopérative laitière ardennaise du Nord-Est", dont le siège social est à Rouvroy-sur-Audry (Ardennes),
en cassation d'un jugement rendu le 25 novembre 1991 par le tribunal d'instance de Charleville Mézières, au profit :
18/ de Mme Eliane Z..., demeurant à Floing (Ardennes), ...,
28/ de M. Jean-Pierre X..., demeurant à Sapogne Feuchères (Ardennes), rue du Tambour,
38/ de M. Francis Y..., demeurant à Nouvion-sur-Meuse (Ardennes), Hameau de Manicourt,
défendeurs à la cassation ;
LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 18 mai 1993, où étaient présents : M. Lecante, conseiller le plus ancien faisant fonctions de président, Mme Pams-Tatu, conseiller référendaire rapporteur, MM. Boittiaux, Le Roux-Cocheril, conseillers, M. Bonnet, conseiller référendaire, M. Picca, avocat général, Mme Ferré, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire Pams-Tatu, les observations de Me Boullez, avocat de M. A... ès qualités, les conclusions de M. Picca, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique :
Attendu que le jugement attaqué (tribunal d'instance de Charleville-Mezières, 19 novembre 1991), a débouté la coopérative Laitière Ardennaise du Nord-Est de sa demande d'annulation de la désignation de Mme Z..., en qualité de déléguée syndicale au sein de cette entreprise ;
Attendu que l'employeur fait grief au jugement d'avoir ainsi statué, alors, selon le moyen, que, d'une part, le fait que Mme Z... soit déjà salariée protégée au moment de la désignation contestée est inopérante pour écarter l'existence d'un intérêt personnel de Mme Z... à se faire désigner comme déléguée syndicale pour conserver son statut de salariée protégée dans l'hypothèse où elle perdrait son mandat de membre du comité d'entreprise ; que le tribunal, en écartant l'existence d'une fraude au motif que Mme Z... bénéficiait déjà, du fait de ses fonctions de membre du comité d'entreprise du statut de salariée protégée n'a pas suffisamment motivé sa décision au regard de l'article L. 412-15 du Code du travail ; alors que, d'autre part, la fraude s'entend de toute candidature inspirée par le désir particulier d'un individu de bénéficier de la protection accordée par la loi aux élus et candidats ; que tel est le cas d'un salarié menacé de licenciement et n'ayant jamais eu d'activité syndicale antérieurement à sa désignation ; qu'en l'espèce, le tribunal, qui constate que Mme Z... n'a eu aucune activité syndicale antérieurement à sa désignation et qu'une procédure de restructuration de l'entreprise et de licenciement collectif est en cours, éléments établissant le caractère frauduleux de la désignation, n'a pas déduit
de ses constatations les conséquences légales au regard de
l'article L. 412-15 du Code du travail ; alors qu'enfin, aux termes de l'article L. 412-11 du Code du travail, le rôle des délégués syndicaux est de représenter leur syndicat auprès du chef d'entreprise, ce qui implique une présence dans l'entreprise ; qu'en l'espèce, le tribunal qui constate que Mme Z... sera absente de l'entreprise jusqu'en mai 1992, ce qui mettait obstacle à la défense des intérêts des salariés dans l'entreprise et établissait ainsi la fraude de la désignation de Mme Z... en tant que déléguée syndicale, n'a pas déduit de ses constatations les conséquences légales au regard de l'article L. 412-15 du Code du travail ;
Mais attendu que le tribunal d'instance a estimé, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation, par décision motivée, que la désignation n'était pas frauduleuse ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par M. le président en son audience publique du vingt-trois juin mil neuf cent quatre vingt treize.