AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le neuf juin mil neuf cent quatre vingt treize, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire FERRARI, les observations de Me HENRY, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LIBOUBAN ;
Statuant sur les pourvois formés par :
- BOURBON Jannick,
- la société B.C., civilement responsable, contre l'arrêt de la cour d'appel de BORDEAUX, 3ème chambre, en date du 20 juin 1990, qui, dans une procédure suivie contre le premier du chef d'infractions à la législation relative au service des pompes funèbres, a prononcé sur les intérêts civils après avoir constaté l'extinction de l'action publique par amnistie ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, des articles 34 et 37 de la Constitution, 4 du Code pénal, fausse application de l'article R. 362-4-1 et L. 361-1 du Code des communes ;
"en ce que l'arrêt attaqué, après avoir constaté des contraventions commises par les demandeurs, a condamné l'exploitant d'une entreprise de pompes funèbres sur le fondement de l'article L. 462-4 du Code des communes ;
"au motif qu'il avait organisé des obsèques sans être concessionnaire dans les conditions de l'article L. 362-1 du Code des communes ;
"alors que toute infraction doit être définie en termes clairs et précis pour exclure l'arbitraire et permettre au prévenu de connaître exactement la nature et la cause de l'accusation portée contre lui et que l'article R. 362-4 du Code des communes sanctionnant toutes infractions aux dispositions de l'article L. 362-1, texte prévoyant seulement que le service extérieur des pompes funèbres, à titre de service public, appartient aux communes, ne définit aucune incrimination, de sorte que l'article R. 362-4 du Code des communes ne met pas le juge pénal en mesure de s'assurer que les faits poursuivis sont de ceux que l'arrêté réglementaire entend réprimer ; qu'il est, en conséquence, entaché d'illégalité au regard des principes rappelés et ne saurait servir de base à une condamnation pénale" ;
Vu lesdits articles ;
Attendu que toute infraction doit être définie en des termes clairs et précis pour exclure l'arbitraire et permettre au prévenu de connaître exactement la nature et la cause de l'accusation portée contre lui ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que Jannick Bourbon, qui exploite une entreprise de pompes funèbres, a été poursuivi sur le fondement de l'article R. 362-4 du Code des communes, alors applicable, pour avoir, à Bordeaux, courant 1987, organisé des obsèques sans être attributaire de la concession définie à l'article L. 362-1 du même Code ; qu'après avoir constaté l'amnistie des contraventions poursuvies et relevé que les faits n'étaient pas contestés, la cour d'appel a accordé des dommages-intérêts à la ville de Bordeaux ;
Mais attendu que l'article R. 362-4 du Code des communes, fondement de la poursuite, punit des peines d'amende prévues pour les contraventions de cinquième classe "toute infraction" aux dispositions de l'article L. 362-1, lequel, en prévoyant seulement que le service extérieur des pompes funèbres appartient, à titre de service public, aux communes qui peuvent l'assurer soit directement, soit par entreprise, ne définit aucune incrimination ; que, dès lors, ledit article R. 362-4 ne met pas le juge pénal en mesure de s'assurer que les faits poursuivis sont de ceux que l'autorité réglementaire a entendu réprimer ; qu'il est en conséquence entaché d'illégalité au regard du principe ci-dessus rappelé et ne saurait servir de base à une poursuite pénale ; qu'ainsi la cassation est encourue ;
Par ces motifs ;
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Bordeaux, en date du 20 juin 1990 ;
Et attendu qu'il ne reste rien à juger ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Bordeaux, sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Où étaient présents : M. Souppe conseiller le plus ancien, faisant fonctions de président en remplacement du président empêché, Mme Ferrari conseiller rapporteur, MM. Jean Simon, Blin, Carlioz, Jorda conseillers de la chambre, M. Louise, Mme Verdun conseillers référendaires, M. Libouban avocat général, Mme Nicolas greffier de chambre ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;