La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

03/06/1993 | FRANCE | N°92-84929

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 03 juin 1993, 92-84929


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice, à PARIS, le trois juin mil neuf cent quatre vingt treize, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller BLIN, les observations de Me RYZIGER et de Me ODENT, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général PERFETTI ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Albert, contre l'arrêt de la cour d'appel de DOUAI, 6ème chambre, du 14 avril 1992, qui, pour homicide involontaire par conducteur sous l'empire d'un état

alcoolique, délit de fuite et contravention au Code de la route, l'a condamné à...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice, à PARIS, le trois juin mil neuf cent quatre vingt treize, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller BLIN, les observations de Me RYZIGER et de Me ODENT, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général PERFETTI ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Albert, contre l'arrêt de la cour d'appel de DOUAI, 6ème chambre, du 14 avril 1992, qui, pour homicide involontaire par conducteur sous l'empire d'un état alcoolique, délit de fuite et contravention au Code de la route, l'a condamné à 18 mois d'emprisonnement et 1 000 francs d'amende, a constaté l'annulation de son permis de conduire en lui faisant interdiction de solliciter la délivrance d'un nouveau permis avant l'expiration d'un délai de trois ans, et a prononcé sur les intérêts civils ; Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 427 et suivants du Code de procédure pénale, 485, 512, 593 du même Code, violation des droits de la défense ;

"en ce que la décision attaquée a statué au vu des pièces versées aux débats, sans qu'il soit possible de déterminer quelle partie a versé des pièces, dans quelles conditions et si ces pièces ont fait l'objet de communication et d'une libre discussion entre les parties ;

"alors que le juge ne peut fonder sa décision que sur des preuves qui lui sont apportées au cours des débats et contradictoirement discutées devant lui ; que normalement il se prononce au vu du dossier de l'information ; que l'affirmation que la Cour se serait prononcée (au vu des pièces versées aux débats) ne permet pas à la Cour de Cassation d'exercer son contrôle sur le point de savoir si des pièces autres que celles résultant du dossier d'information ont été versées aux débats, et si ces pièces ont été contradictoirement discutées" ;

Attendu qu'en fondant leur décision notamment sur "les pièces versées aux débats", les juges se sont nécessairement référés aux documents contradictoirement débattus à l'audience publique ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation de l'article 319 du Code pénal, violation des articles R. 11-1, R. 232-2°, R. 10 alinéa 6, R. 232, R. 266-4° du Code de la route, violation des articles 485, 593 du Code de procédure pénale ;

"en ce que la décision attaquée a déclaré le demandeur coupable d'homicide involontaire et de la contravention connexe d'avoir, à Laroullies, le 11 mars 1990, étant conducteur d'un véhicule, omis de rester maître de sa vitesse en ne réglant pas celle-ci en fonction de l'état de la chaussée, des difficultés de la circulation et des obstacles prévisibles ;

"aux motifs adoptés des premiers juges qu'en roulant de nuit, sans prêter toute l'attention nécessaire et prudente à sa conduite, Applaincourt a bien commis le délit d'homicide involontaire et la contravention connexe qui lui sont reprochés ; qu'il convient d'ailleurs de préciser que les dégradations occasionnées au véhicule, du fait que le cyclomoteur soit resté accroché dans le pare-choc, le fait que la victime ait été éjectée à 30 mètres du lieu présumé du point de choc sont des éléments qui permettent de dire que la conduite du prévenu, de surcroît de nuit, et au terme d'un tronçon à 4 oies, n'était absolument pas adaptée et compatible avec les obstacles prévisibles sur une route nationale très fréquentée ;

"alors, d'une part, que le simple fait d'affirmer que le demandeur "roulait de nuit sans prêter l'attention nécessaire et prudente à sa conduite", et d'en déduire que le délit d'homicide involontaire et la contravention connexe étaient constitués, sans énoncer aucun élément concret permettant d'affirmer que le demandeur n'aurait pas prêté l'attention nécessaire et prudente à sa conduite, ne caractérise pas les éléments de maladresse, imprudence, inattention, négligence ou inobservation des règlements, constitutifs du délit d'homicide involontaire ;

"alors, d'autre part, que les faits matériels constatés, fait que le cyclomoteur soit resté accroché dans le pare-choc, fait que la victime ait été éjectée à 30 mètres du lieu présumé du point de choc ne font que caractériser l'accident et ses conséquences sans établir que le demandeur se soit rendu coupable d'un des éléments prévus par l'article 319 du Code pénal ou ne soit pas resté maître de sa vitesse au sens des dispositions du Code de la route retenues pour qualifier la contravention prévue par la prévention, faute par l'arrêt d'avoir caractérisé la vitesse du demandeur ou les circonstances dans lesquelles l'accident s'est produit" ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation de l'article L. 2 du Code de la route, des articles 485, 593 du Code de procédure pénale ;

"en ce que la décision attaquée a déclaré le demandeur coupable de délit de fuite ;

"aux motifs adoptés des premiers juges qu'Applaincourt, après avoir provoqué l'accident et décroché le cyclomoteur de sa voiture, reprenait le volant du véhicule automobile avec son passager Briatte ; que tous les deux se rendaient au domicile familial d'Applaincourt où celui-ci avouait les faits à ses parents ; que, selon Briatte, Applaincourt s'était tout de suite mis à hurler "Je l'ai tué, je l'ai tué" et "avait piqué une crise" ; qu'Applaincourt reconnaissait lui-même qu'il avait entendu un grand bruit et qu'il avait tout de suite pensé à un cyclomotoriste ou à un piéton, qu'il avait roulé 500 ou 600 mètres en entendant un bruit de ferraille ; qu'en ne s'arrêtant pas, au moment de l'accident, mais surtout en ne laissant aucun élément permettant de l'identifier comme l'auteur de l'accident, susceptible de voir sa responsabilité engagée, Applaincourt a délibérément commis le délit de fuite reproché ;

"alors que le délit de fuite suppose non seulement que le conducteur du véhicule sache que ce véhicule vient de causer ou d'occasionner un accident et ne se soit pas arrêté, mais également qu'il ait tenté d'échapper à la responsabilité pénale ou civile qu'il peut avoir encourue ; que la décision attaquée, qui constate du reste que le demandeur s'est livré spontanément à la gendarmerie, ne constate pas qu'il ait voulu échapper à sa responsabilité civile ou pénale" ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué et du jugement dont il adopte les motifs mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel, qui n'était saisie d'aucunes conclusions du prévenu, a, par des motifs exempts d'insuffisance ou de contradiction, caractérisé en tous leurs éléments constitutifs le délit d'homicide involontaire, le délit de fuite et la contravention de défaut de maîtrise dont elle a déclaré le prévenu coupable ;

D'où il suit que les moyens, qui se bornent à remettre en discussion l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause contradictoirement débattus devant eux, ne sauraient être accueillis ;

Sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation de l'article L. 1 du Code de la route, de l'article L. 5 du Code des débits de boissons, des articles 485, 593 du Code de procédure pénale ;

"en ce que la décision attaquée a déclaré le demandeur coupable de conduite sous l'empire d'un état alcoolique ;

"aux motifs adoptés des premiers juges qu'en ce qui concerne l'alcoolémie, il y a lieu de rappeler les éléments constants de celle-ci ; qu'en effet, Applaincourt a maintenu avoir bu le 11 mars 1990, à 12 heures, un martini, à 16 heures 30 une vodka, à 19 heures 30 deux vodka-orange et vers 21 heures une bière ; qu'il affirme ne plus avoir bu d'alcool entre le moment de l'accident et la prise de sang du lendemain, soit 10 heures d'écart ; qu'à 8 heures 10 le lendemain, il présentait un taux de 0,40 gramme soit 11 heures après la dernière prise d'alcool... que le tribunal estime probantes les expertises diligentées établissant qu'Applaincourt avait, au moment de l'accident, un taux de 0,96 gramme d'alcool ; que les expertises qui ont intégré tous les paramètres ont retenu ce taux comme étant le plus favorable au prévenu ;

"alors, d'une part, qu'il résulte de l'article L. 5 du Code des débits de boissons que les boissons apéritifs à base de vin fabriquées en France en vue de leur commercialisation ne peuvent titrer plus de 18° ; que, dès lors, l'expert, dont les juges du fond se sont approprié les motifs, a assimilé le martini à une liqueur titrant 40° ; qu'il a, dès lors, nécessairement entaché son rapport d'une erreur manifeste consistant à ne pas avoir tenu compte de la législation en vigueur sur les boissons alcooliques, de telle sorte que les juges du fond, qui se sont approprié un raisonnement qui repose sur une violation de l'article 5 du Code des débits de boissons, ont entaché leur décision d'une violation de ce texte en même temps que de l'article L. 1 du Code de la route ;

"alors, d'autre part, qu'il résulte du rapport d'expertise dressé par l'expert Z... qui a pris en compte, pour évaluer l'alcoolémie, l'absorption de trois vodkas plus une liqueur, soit 48 grammes d'alcool pur, plus un verre de bière, et a raisonné pour le calcul du pic d'alcoolémie comme si l'ensemble des boissons avait été absorbé en une fois ; que, dès lors, les juges du fond, qui, en adoptant les conclusions de l'expertise sont réputés avoir intégré le rapport dans leurs motifs n'ont pas légalement justifié leur décision puisqu'aussi bien il résulte de leurs propres constatations que le demandeur a bu à des heures différentes, un martini, une vodka, deux vodkas-orange et une bière" ;

Attendu que le moyen, nouveau et mélangé de fait en sa première branche, se borne pour le surplus à remettre en discussion l'appréciation souveraine par les juges du fond des faits et circonstances de la cause contradictoirement débattus d'où ils ont retiré la conviction que le prévenu avait commis le délit de conduite de son automobile sous l'empire d'un état alcoolique ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Sur le cinquième moyen de cassation en ce qu'il est rédigé :

"le pourvoi reproche à l'arrêt attaqué d'avoir constaté à l'encontre d'Applaincourt l'annulation de son permis de conduire ;

"alors que si les cours et tribunaux peuvent prononcer l'annulation du permis de conduire en cas de condamnation soit pour l'une des infractions prévues par les articles L. 1 et L. 2 du Code de la route, soit par les articles 319 et 320 du Code pénal lorsque l'homicide ou les blessures involontaires auront été commis à l'occasion de la conduite d'un véhicule, il s'agit là d'une peine complémentaire qui doit être prononcée par le tribunal et non d'une peine accessoire constituant une conséquence automatique d'une condamnation ; que, dès lors, la décision attaquée, qui constate "l'annulation du permis de conduire d'Applaincourt sans qu'il résulte de ses motifs que les juges du fond aient entendu prononcer une condamnation et une peine complémentaire", est entachée d'une violation de l'article L 15 du Code de la route ;

Attendu que les deuxième et quatrième moyens ayant été écartés, le cinquième est sans objet ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Où étaient présents : M. Le Gunehec président, M. Blin conseiller rapporteur, MM. Jean B..., Carlioz, Jorda conseillers de la chambre, M. A..., Mmes Y..., Verdun conseillers référendaires, M. Perfetti avocat général, Mme Mazard greffier de chambre ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 92-84929
Date de la décision : 03/06/1993
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de DOUAI, 6ème chambre, 14 avril 1992


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 03 jui. 1993, pourvoi n°92-84929


Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1993:92.84929
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award