LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le quatorze avril mil neuf cent quatre ingt treize, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller HEBRARD, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN et de Me Le PRADO, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général ROBERT ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- MARTIN X..., contre l'arrêt de la cour d'appel de LYON, 7ème chambre, en date du 20 mai 1992, qui, pour infraction à l'article 8 de la loi du 28 décembre 1966, l'a condamné à 4 mois d'emprisonnement avec sursis et qui a prononcé sur les réparations civiles ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles 8 et 15 de la loi du 28 décembre 1966, 592 et 593 du Code de procédure pénale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a condamné le prévenu pour avoir, alors qu'il apportait son concours à l'obtention d'un prêt d'argent par Mme Z..., perçu de sa part une somme représentative de provision avant le versement effectif de fonds prêtés et avant la constatation de la réalisation de l'opération par un acte écrit, et omis de lui remettre une copie de cet acte ;
"alors, d'une part, que le prévenu était renvoyé devant la juridiction de jugement pour avoir "omis de remettre à l'emprunteur une copie de l'acte écrit constatant l'opération de prêt pour lequel il apportait son concours direct, et d'avoir reçu les fonds prêtés malgré cela" ; que, dès lors, la cour d'appel, qui, pour condamner le prévenu, retient le fait, non visé par la prévention, qu'il a perçu une provision de la part de l'emprunteuse, a excédé sa saisine et violé l'article 388 du Code de procédure pénale ;
"alors, d'autre part, que l'article 8 de la loi du 28 décembre 1966 réprime le fait, pour l'intermédiaire d'une opération de prêt, d'avoir perçu à raison de cette qualité une quelconque somme avant la remise effective de fonds prêtés ; qu'en revanche le fait, pour le vendeur d'un véhicule automobile , d'avoir perçu la partie du prix directement financée par l'acquéreur, avant remise de fonds prêtés pour le paiement du solde du prix, n'est pas pénalement punissable ; qu'en l'espèce il résulte, des propres constatations de l'arrêt, que la somme de 438 francs remise par Mme Z... à Gérard Y... était une partie du prix fixé à 34 638,50 francs pour le véhicule vendu par celui-ci à celle-là et financé à hauteur de 25 000 francs par un prêt et pour le reste par la somme susvisée de 438 francs et la reprise de l'ancien véhicule de Mme Z... ; que l'arrêt attaqué a ainsi violé, par fausse application, le texte susvisé ;
"alors, au surplus, que l'arrêt attaqué, qui ne précise pas si la "provision" versée par la partie civile au prévenu s'imputait sur le seul prix de vente du véhicule ou était destinée à rémunérer ou rembourser son entremise dans l'obtention du prêt, est dépourvu de base légale ;
"et alors, enfin, que le seul fait de ne pas remettre à l'emprunteur une copie de l'acte constatant la réalisation de l'opération n'est pas en soi constitutif d'une infraction" ;
Sur le second moyen de cassation pris de la violation des articles 2 du Code de procédure pénale, 592 et 593 du Code de procédure pénale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a condamné Gérard Y... à payer à Mme Z... la somme de 30 000 francs à titre de dommages et intérêts ;
"aux motifs que Mme Z... non seulement n'a pas reçu la livraison du véhicule qu'elle avait commandé, mais encore a perdu le montant de la reprise de son ancien véhicule et se voit contrainte à rembourser à la SOVAC le montant d'un emprunt dont elle n'a pas profité ;
"alors que ces préjudices, à les supposer établis, sont sans aucun lien avec le seul fait retenu à l'encontre du prévenu d'avoir perçu une "provision" avant la remise effective des fonds prêtés ; que l'arrêt attaqué a ainsi violé l'article 2 du Code de procédure pénale" ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué et de l'ordonnance de renvoi qui fait siens les motifs du réquisitoire définitif, qu'il est reproché à Gérard Y... une infraction aux articles 8 et 15 de la loi du 28 décembre 1966, pour avoir omis de remettre à l'emprunteur une copie de l'acte constatant un prêt d'argent pour lequel il apportait son concours direct, et pour en avoir perçu lui-même le montant ;
Attendu que, pour déclarer le prévenu coupable de cette infraction, l'arrêt attaqué relève, après avoir constaté qu'il ne contestait ni l'encaissement des fonds prêtés grâce à son concours par la société SOVAC ni la non-livraison du véhicule faisant l'objet de la vente dont le prêt était la condition, que Gérard Y... n'a pas remis à l'emprunteur l'exemplaire des documents valant attestation de livraison et ordre de paiement, et qu'il s'est fait remettre, antérieurement au déblocage des fonds, une certaine somme à titre de provision ; que les juges en concluent que, du fait de ces agissements, Lydia Z..., qui demeure tenue envers l'organisme de crédit, a subi un préjudice dont Gérard Y... doit réparation ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, dont il ressort que, faute de remise à l'emprunteur de l'acte écrit définissant les obligations respectives des parties, celui-ci n'était pas mis en mesure de s'assurer des droits qu'il tenait de la loi du 28 décembre 1966 et que celle-ci a pour objet de sauvegarder, la cour d'appel a, sans excéder sa saisine, caractérisé en tous ses éléments constitutifs le délit retenu contre le prévenu, et justifié l'allocation à la victime de cette infraction de l'indemnité propre à réparer tous les chefs de dommages découlant des faits, objet de la poursuite ;
Qu'ainsi les moyens ne sont pas fondés ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Où étaient présents : M. Gondre conseiller le plus ancien faisant fonctions de président en remplacement du président empêché, M. Hébrard conseiller rapporteur, MM. Jean Simon, Hecquard, Blin, Carlioz, Jorda conseillers de la chambre, M. Robert avocat général, Mme Mazard greffier de chambre ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;