AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, DEUXIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par Mme Nicole, Monique Z..., demeurant ... (1er),
en cassation d'un arrêt rendu le 27 novembre 1989 par la cour d'appel de Paris (2e chambre, section A), au profit de :
18/ La Caisse des dépôts et consignations, dont le siège social est ... (7e),
28/ M. Charles-Henri Y..., administrateur judiciaire, demeurant ... (Val-d'Oise), pris en sa qualité de syndic de la liquidation des biens de Mme Catherine X..., épouse de M. Patrice Z..., et de M. Patrice Z...,
défendeurs à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
! ! d LA COUR, en l'audience publique du 10 février 1993, où étaient présents : M. Dutheillet-Lamonthézie, président, M. Delattre, conseiller rapporteur, MM. Burgelin, Laplace, Chartier, Mme Vigroux, M. Buffet, conseillers, M. Bonnet, conseiller référendaire, M. Tatu, avocat général, Mme Lagardère, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. le conseiller Delattre, les observations de la SCP Matteï-Dawance, avocat de Mme Z..., de la SCP Gauzès ethestin, avocat de la Caisse des dépôts et consignations, les conclusions de M. Tatu, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique, pris en ses diverses branches :
Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué (Paris, 27 novembre 1989), que Mme Nicole Z... et son frère, M. Patrice Z..., ont reçu en donation de leur père un appartement ; que, par la suite, Mme Nicole Z... s'est portée caution de dettes contractées par M. Patrice Z... et l'épouse de celui-ci (les époux Z...) ; que, les époux Z... ayant été déclarés en liquidation des biens, les créanciers ont poursuivi la vente sur adjudication de l'appartement objet de la donation, sur le prix duquel, après distribution entre les créanciers hypothécaires, est restée disponible une certaine somme ; qu'après clôture de la liquidation des biens des époux Z... pour insuffisance d'actif et décès du donateur de l'appartement saisi, à la succession duquel Mme Nicole Z... a renoncé, celle-ci, se prévalant des dispositions de l'article 845 du Code civil, a déclaré retenir la donation entre vifs qui lui avait été consentie sur cet appartement et a réclamé à la Caisse des dépôts et consignations le solde du prix d'adjudication, resté disponible après collocation des créanciers ; que Mme Nicole Z... a été déboutée de cette demande par un jugement dont elle a relevé appel ;
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté la demande de Mme Nicole Z..., alors que, d'une part, les intimés s'étant bornés à déposer des conclusions de rapport à justice sur la demande de celle-ci et n'ayant nullement soutenu que cette réclamation ne pourrait être satisfaite en raison d'éventuelles poursuites dont
elle-même, en sa qualité de caution, et son frère Patrice, en sa qualité de débiteur principal, pourraient, le cas échéant, faire l'objet de la part de créanciers chirographaires non encore désintéressés, la cour d'appel, en se déterminant par cette seule circonstance, sans inviter les parties à présenter sur ce point leurs observations, aurait violé les articles 7 et 16 du nouveau Code de procédure civile, alors que, d'autre part, aucun créancier des époux Z... n'étant intervenu volontairement en la cause, dans le cadre du présent litige, pour s'opposer, en vue de la présentation de ses droits, à la réclamation de Mme Nicole Z..., la cour d'appel, à défaut de contestation du bien-fondé de cette demande, n'aurait pu qu'y faire droit ou, à tout le moins, ordonner la mise en cause des créanciers susceptibles d'avoir des droits sur la somme litigieuse, et que, dès lors, en déboutant purement et simplement Mme Nicole Z... de sa demande, elle aurait violé l'article 4 du nouveau Code de procédure civile, alors qu'enfin les juges du fond ne peuvent se fonder sur des considérations hypothétiques ou dubitatives, et qu'en se déterminant par la seule circonstance que d'éventuels créanciers pourraient être amenés à poursuivre le remboursement de sommes d'argent auprès de Mme Nicole Z... ou de son frère, pour en déduire que celle-ci n'était pas fondée, dans ces conditions, à réclamer le solde disponible du prix de vente de l'immeuble lui appartenant, la cour d'appel aurait violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que la cour d'appel, qui était saisie d'une demande tendant à la remise d'un solde disponible sur le prix d'une adjudication, dont elle devait apprécier le bien-fondé, même en l'absence de contestation précise, a rejeté cette demande en retenant que le jugement de clôture pour insuffisance d'actif laissait la possibilité aux titulaires de créances non admises de les réclamer à Mme Nicole Z... du fait de son engagement solidaire ; qu'ainsi la cour d'appel, qui n'a fait que constater les effets de la
clôture pour insuffisance d'actif, ne s'est nullement déterminée par des motifs hypothétiques et a statué dans la limite de l'objet du litige, tel que soumis à la contradiction des parties ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
! Condamne Mme Z..., envers la Caisse des dépôts et consignations, aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Deuxième chambre civile, et prononcé par M. le président en son audience publique du dix mars mil neuf cent quatre vingt treize.