LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par :
18) la société Elizabeth Y... France, société anonyme, dont le siège social est sis 318, bureaux de la Colline, à Saint-Cloud (Hauts-de-Seine),
28) de la société Elizabeth Y... Incorporated, dont le siège social est sis ...,
en cassation d'un arrêt rendu le 20 septembre 1988 par la cour d'appel de Versailles (11ème chambre sociale), au profit de M. Hélios E..., demeurant à Paris (10ème), ... sans domicile connu,
défendeur à la cassation ; LA COUR, en l'audience publique du 3 février 1993, où étaient présents :
M. Kuhnmunch, président, Mme Blohorn-Brenneur, conseiller référendaire rapporteur, MM. A..., H..., Z..., D..., C...
F..., M. Merlin, conseillers, M. X..., Mlle G..., M. Choppin B... de Janvry, conseillers référendaires, M. Chambeyron, avocat général, Mme Collet, greffier de chambre ; Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire Blohorn-Brenneur, les observations de Me Choucroy, avocat de la société Elizabeth Y... France et de la société Elizabeth Y... Incorporated, de la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat de M. E..., les conclusions de M. Chambeyron, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ; Attendu que, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 20 septembre 1988), M. E... a été engagé par la société Elizabeth Y... France le 6 mai 1976, en qualité d'agent de maîtrise ; qu'il a été transféré, le 15 février 1980, à la société Elizabeth Y... INC, basée à New-York, autre filiale d'un même groupe de sociétés ; qu'il était précisé qu'il continuait à faire partie de la société Elizabeth Y... France, qui a continué à lui établir ses bulletins de salaires jusqu'au 30 juin 1982 ; qu'à cette date, M. E... a été transféré des livres de paye de la société française à ceux de la société américaine ; qu'il a été licencié le 14 janvier 1983 par la société américaine, au motif que son "style de management" n'était pas compatible avec celui d'Elizabeth Y... INC ; qu'il a, alors, demandé à la société Elizabeth Y... France à être rapatrié en France le plus rapidement possible ; que cette dernière lui a répondu, le 28 février 1983, qu'elle n'avait plus la qualité d'employeur à son égard ; Sur le premier moyen :
Attendu que les sociétés Elizabeth Y... France et
Elizabeth Y... INC reprochent à l'arrêt attaqué d'avoir constaté que la juridiction prud'homale française était compétente pour connaître du litige et de les avoir condamnées conjointement et solidairement à verser au salarié des indemnités de rupture, alors selon le moyen, d'une part, que, viole les dispositions de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile, pour défaut de motifs, l'arrêt attaqué qui affirme que la société française Elizabeth Y... et la société américaine Elizabeth Y... INC, sociétés distinctes, constitueraient une seule et même entreprise, sans la moindre justification ; alors, d'autre part, que, ayant constaté, sur le fondement d'une attestation du 30 juin 1982 du chef du personnel de la société Elizabeth Y... France, que M. E... avait été transféré, à cette même date, de la société Elizabeth Y... France à la société Elizabeth Y... INC avec reprise de ses éléments de rémunération, ne tire pas les conséquences légales de ses propres constatations et manque de base légale au regard des dispositions de l'article 1134 du Code civil, l'arrêt attaqué qui déclare, sur le fondement de cette attestation, qu'il résulterait de la volonté des parties que le lien originaire de M. E... avec la société Elizabeth Y... France aurait été maintenu :
Mais attendu que la cour d'appel, interprétant leur commune intention, a décidé que les parties avaient voulu maintenir des liens entre le salarié et l'employeur d'origine ; que le moyen n'est pas fondé ; Mais sur le second moyen :
Vu l'article L. 122-14-2 du Code du travail dans sa rédaction alors applicable ; Attendu que, selon ce texte, lorsque le salarié n'a pas demandé communication écrite des motifs du licenciement, l'employeur peut énoncer, en cours d'instance, d'autres griefs que ceux mentionnés dans la lettre de licenciement ; Attendu que, pour condamner les sociétés à verser à M. E... des sommes à titre d'indemnités de préavis, de licenciement et pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a énoncé que les actes de concurrence déloyale reprochés au salarié devant la cour d'appel, n'ayant pas été invoqués dans la lettre de licenciement, sont étrangers aux débats ; Qu'en statuant comme elle l'a fait, sans rechercher si M. E... avait demandé par écrit que lui soient énoncées les causes de son licenciement, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ; PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qui concerne les indemnités de
rupture et pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt rendu le 20 septembre 1988, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris ; Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens ; Ordonne qu'à la diligence de M. le procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit sur les registres de la cour d'appel de Versailles, en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par M. le président en son audience publique du trois mars mil neuf cent quatre vingt treize.