LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
I Sur le pourvoi n8 K/92-60.269 formé par la société anonyme Financièreravograph, dont le siège social est à Paris (8e), ..., agissant poursuites et diligences de son représentant légal, demeurant en cette qualité audit siège,
contre :
le comité d'entreprise de la société Gravograph industrie, dont le siège est situé au siège de ladite société à La Chapelle Saint-Luc (Aube), ..., pris en la personne de son représentant légal domicilié audit siège,
EN PRESENCE :
18/ de la SNCravograph industrie,
28/ de la société anonymeravograph industrie international,
38/ de la société anonymeravograph,
lesdites sociétés ayant leur siège social à La Chapelle Saint-Luc (Aube), ..., agissant poursuites et diligences de leur représentant légal, demeurant en cette qualité audit siège,
II Sur le pourvoi n8 M/92-60.270 formé par la SNCravograph industrie,
contre :
le comité d'entreprise de la société Gravograph industrie,
EN PRESENCE :
18/ de la société anonymeravograph industrie international,
28/ de la société anonymeravograph,
38/ de la société anonyme Financière Gravograph,
III Sur le pourvoi n8 N/92-60.271 formé par la société anonymeravograph,
contre :
Le comité d'entreprise de la société Gravograph industrie,
EN PRESENCE :
18/ de la SNCravograph industrie,
28/ de la société anonymeravograph industrie international,
38/ de la société anonyme Financière Gravograph,
IV Sur le pourvoi n8 P/92-60.272 formé par la société anonymeravograph industrie international,
contre :
le comité d'entreprise de la société Gravograph industrie,
EN PRESENCE :
18/ de la SNCravograph industrie,
28/ de la société anonymeravograph,
38/ de la société anonyme Financière Gravograph,
en cassation d'un même arrêt rendu le 24 mars 1992 par le tribunal d'instance de Troyes,
LA COUR, en l'audience publique du 16 décembre 1992, où étaient
présents :
M. Kuhnmunch, président, Mme Pams-Tatu, conseiller référendaire rapporteur, MM. B..., A..., C..., Y..., Z..., Pierre, Boubli, Le Roux-Cocheril, conseillers, Mme X..., MM. Bonnet, Laurent-Atthalin, conseillers référendaires, M. Chambeyron, avocat général, Mme Ferré, greffier de chambre ; Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire Pams-Tatu, les observations de la SCP Desaché etatineau, avocat de la société Financièreravograph, de la SNCravograph industrie, de la sociétéravograph et de la sociétéravograph industrie international, les conclusions de M. Chambeyron, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ; Vu leur connexité, joint les pourvois n8 K/92-60.269 au n8 P/92-60.272 ; Sur le premier moyen :
Attendu qu'il est fait grief au jugement attaqué (tribunal d'instance de Troyes, 24 mars 1992) d'avoir déclaré recevable la demande formée par le comité d'entreprise de la sociétéravograph industrie tendant à la reconnaissance d'une unité économique et sociale entre les sociétés Financièreravograph, Gravograph industrie international ravograph industrie etravograph, alors, selon le moyen, que la demande du comité d'entreprise de la société Gravograph industrie, élu les 3 et 4 juillet 1991, tendait à voir reconnaître entre les quatre sociétés une unité économique et sociale en vue de l'élection d'un comité d'entreprise commun ; que dans ces conditions, la demande formée dix-huit mois avant le renouvellement du comité d'entreprise, et alors que les relations entre les quatre sociétés étaient susceptibles d'évoluer dans le temps, n'était pas recevable ; qu'en décidant le contraire, le tribunal d'instance a violé l'article L. 431-1, alinéa 6, du Code du travail ; Mais attendu que le tribunal d'instance a décidé, à bon droit, que l'existence d'une unité économique et sociale devait être appréciée à la date de la requête introductive d'instance, peu important la date des élections ; que le moyen n'est pas fondé ; Sur le deuxième moyen :
Attendu qu'il est encore fait grief au jugement d'avoir reconnu l'existence d'une unité économique et sociale entre les quatre sociétés alors, selon le moyen, d'une part, que la reconnaissance d'une unité économique entre des sociétés distinctes suppose l'existence d'une imbrication de leurs activités et de leurs moyens de production de telle sorte que les sociétés forment ensemble une seule et même entreprise ; qu'en l'espèce, il n'existait pas entre les sociétés concernées de communauté d'intérêt économique, dès lors que la sociétéravograph commercialisait librement les produits de la société Gravograph industrie choisis par elle, réalisait une part croissante de son chiffre d'affaires avec des produits achetés en dehors deravograph
industrie et deravograph international industrie (42 % en 1991) et exerçait une activité en partie concurrente de celle deravograph industrie ; que, de plus, malgré l'existence d'un dirigeant commun, les sociétésravograph industrie et la sociétéravograph avaient chacune leur directeur détenant des pouvoirs étendus en matière d'organisation et de fonctionnement de chaque société ; qu'en décidant, en l'absence d'objectif commun, d'imbrication des moyens de production et de concentration des pouvoirs de direction, de reconnaître l'existence entre les quatre sociétés d'une unité économique et sociale, le tribunal a violé l'article L. 431-1 du Code du travail ; alors, d'autre part, que l'imbrication des liens financiers et l'appartenance au même secteur d'activité pouvait justifier la reconnaissance d'un groupe, mais non celle d'une unité économique et sociale ; qu'en décidant le contraire, le tribunal, qui n'a pas recherché en quoi les relations entre les quatre sociétés étaient différentes de celles existant avec les autres sociétés du groupe non concernées par l'unité économique et sociale, n'a pas justifié légalement sa décision au regard de l'article L. 431-1 du Code du travail ; alors, encore, que la sociétéravograph soulignait qu'en raison de l'exercice d'activités directement concurrentes à celles deravograph industrie, il serait dommageable tant pour la sociétéravograph que pour la société Gravograph industrie que ces activités soient évoquées dans le cadre des attributions économiques d'un comité d'entreprise commun ; qu'en s'abstenant de rechercher si cette situation de concurrence ne constituait pas un obstacle à la mise en place d'un comité d'entreprise commun, le tribunal, qui s'est contenté de relever que le comité d'entreprise
n'a qu'un rôle consultatif, a déduit un motif inopérant et n'a pas justifié légalement sa décison au regard de l'article L. 431-1 du Code du travail ; alors, en outre, que l'existence d'une collectivité des travailleurs caractérisant l'unité sociale suppose que l'ensemble du personnel est régi par un même statut et soumis à la même gestion des situations individuelles ; qu'en l'espèce, les salariés deravograph industrie et ceux de la sociétéravograph étaient soumis à des conventions collectives différentes (convention de la métallurgie dans un cas et de l'industrie textile dans l'autre) ; que la société de fabricationravograph industrie employait en majorité du personnel ouvrier et la sociétéravograph du personnel commercial souvent en déplacement à l'extérieur ; que les conditions de travail (horaires, congés) ainsi que la politique salariale des deux sociétés étaient différentes ; que les salariés de la sociétéravograph se sont opposés dans une pétition à la reconnaissance d'une unité économique et sociale et à la mise en place d'un comité commun ; qu'en retenant cependant l'existence d'une collectivité formée par les salariés des sociétés concernées en l'absence de communauté de
travail du personnel des quatre sociétés, le jugement a violé l'article L. 431-1 du Code du travail ; alors, enfin, que le seul fait que certains salariés aient été affectés définitivement d'une société à l'autre n'est pas susceptible d'établir le caractère interchangeable du personnel ; que, par ces seules constatations, le tribunal, qui n'a pas tenu compte des difficultés d'intégration des salariés deravograph industrie, au sein de la sociétéravograph, n'a pas caractérisé la permutabilité des salariés des sociétés en cause et n'a pas, là encore, justifié sa décision au regard de l'article L. 431-1 du Code du travail ; Mais attendu que le tribunal d'instance, qui a constaté qu'il existait une unité de direction, une dépendance financière entre les sociétés, des activités complémentaires et interdépendantes ainsi qu'une communauté de travailleurs manifestée par des oeuvres sociales communes, des avantages sociaux identiques ou similaires, les mêmes accords de participation, une permutabilité des salariés et une unité de lieu de travail, a ainsi caractérisé l'unité économique et sociale ; que le moyen n'est pas fondé ; Et sur le troisième moyen :
Attendu qu'il est enfin reproché au jugement d'avoir condamné les sociétés à payer la somme de 8 000 francs au titre de l'article 700 du nouveau Code
de procédure civile, alors, selon le moyen, que l'application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile suppose qu'une condamnation préalable aux dépens ait été prononcée ; qu'une telle condamnation est impossible en matière électorale où la procédure est gratuite ; qu'en prononçant néanmoins une condamnation des sociétés défenderesses aux frais non compris dans les dépens, le tribunal a violé l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; Mais attendu que les textes relatifs au contentieux des élections professionnelles ne comportant aucune dérogation à l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, celui-ci s'applique aux sommes engagées par une partie pour la défense de ses intérêts, peu important qu'il ne puisse y avoir de condamnation aux dépens ; que le moyen n'est pas fondé ; PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois ; Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par M. le président en son audience publique du trois février mil neuf cent quatre vingt treize.