AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par M. Michel Y..., demeurant ... Saint-Nicolas (Eure),
en cassation d'un arrêt rendu le 30 mai 1991 par la cour d'appel de Rouen (chambre sociale), au profit :
18) de M. X..., ès qualités de mandataire liquidateur de la société RTCM, demeurant ... (Seine-Maritime),
28) de l'Assedic de Haute-Normandie, mandataire de l'AGS, dont le siège est à Rouen (Seine-Maritime),
défendeurs à la cassation ;
LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 19 novembre 1992, où étaient présents : M. Kuhnmunch, président, M. Boittiaux, conseiller rapporteur, M. Bèque, conseiller, Mmes Beraudo, Pams-Tatu, conseillers référendaires, M. Picca, avocat général, M. Richard, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. le conseiller Boittiaux, les observations de la SCP Lesourd et Baudin, avocat de M. Y..., de la SCP Delaporte et Briard, avocat de M. X... ès qualités, de Me Boullez, avocat de l'Assedic de Haute-Normandie, les conclusions de M. Picca, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique :
Attendu que, selon l'arrêt attaqué (Rouen, 30 mai 1991), M. Y... a créé la société RTCM dont il était gérant minoritaire ; qu'il a été engagé en qualité de directeur commercial ; qu'après la mise en liquidation judiciaire de la société, il a été licencié le 12 juillet 1989 ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale pour obtenir le paiement de ses salaires et des indemnités de rupture ;
Attendu que M. Y... fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué de l'avoir débouté de ses demandes en déniant l'existence d'un contrat de travail, alors que, selon le moyen, d'une part, le fait que l'associé minoritaire d'une société à responsabilité limitée ait été nommé gérant de cette personne morale n'excluant nullement qu'il ait pu se trouver dans un lien de subordination vis-à-vis de l'ensemble des actionnaires dans l'exercice de ses fonctions salariées, en raisonnant comme s'il existait une incompatibilité entre un mandat de gérant minoritaire et des fonctions salariées exercées au sein de la même société, les juges du fond ont violé l'article L. 121-1 du Code du travail ; et alors que, d'autre part, en présence d'un contrat de travail apparent, il appartient à celui qui invoque son caractère fictif d'en rapporter la preuve et non à celui qui s'en prévaut de prouver sa sincérité, que dès lors, en l'espèce, les juges du fond ont renversé illégalement la charge de la preuve et violé l'article 1315 du Code civil, en déboutant M. Y..., titulaire d'un contrat de travail écrit parfaitement régulier en la forme, de ses demandes de salaires et d'indemnités de rupture, sous prétexte qu'il ne démontrait pas qu'il existait une nette distinction entre ses fonctions de gérant et ses fonctions de directeur salarié de la société à responsabilité limitée ;
Mais attendu que la cour d'appel, par motifs propres et adoptés des premiers juges, sans inverser la charge de la preuve, a constaté que
M. Y... n'avait pas exercé de fonctions distinctes du mandat social dans un lien de subordination vis-à-vis de la société ; qu'elle a pu décider qu'il n'était pas lié à la société par un contrat de travail ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur la demande présentée au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, par l'Assedic de Haute-Normandie et l'AGS :
Attendu que l'Assedic de Haute-Normandie et l'AGS sollicitent sur le fondement de ce texte l'allocation d'une somme de 8 000 francs ;
Attendu qu'il n'y a lieu d'accueillir cette demande ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
REJETTE également la demande présentée par l'Assedic de Haute-Normandie et l'AGS sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
Condamne M. Y..., envers M. X..., ès qualités, et l'Assedic de Haute-Normandie, aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par M. le président en son audience publique du douze janvier mil neuf cent quatre vingt treize.