Sur le moyen unique, pris en ses trois branches :
Attendu qu'il résulte de l'arrêt déféré (Paris, 16 novembre 1990) que la société Tengor, chargée de commercialiser les billets des représentations d'un opéra à Jérusalem, a accordé à la société Melair prestige (la société Melair), le droit exclusif de vendre des billets en France ; que la société Melair s'est engagée à en vendre un nombre déterminé et à en verser le prix, également convenu, avant le 28 février 1988, la société Tengor s'obligeant, quant à elle, à souscrire une assurance garantissant le remboursement éventuel de ce prix et à ouvrir un compte sur lequel celui-ci serait bloqué ; que la société Melair a donné l'ordre à la banque Leumi Le Israël (la banque Leumi) de fournir, au bénéfice de la société Tengor, une garantie à première demande, inconditionnelle et irrévocable, pour le paiement du prix des billets à la date prévue ; que la société Melair n'ayant pas exécuté son obligation à cette date, la société Tengor a appelé la garantie ; qu'ultérieurement, la société AWT Internationale Handels und Finanzierungs (la société AWT) a fait signifier à la banque Leumi un acte sous seing privé en date du 21 décembre 1987, aux termes duquel la société Tengor lui avait cédé toutes ses créances et droits à provenir de la garantie à première demande ; que la cour d'appel a décidé que l'appel de la garantie était manifestement frauduleux et a, en conséquence, rejeté la demande de paiement formée par la société AWT contre la banque Leumi ;
Attendu qu'il est reproché à l'arrêt d'avoir statué comme il a fait, alors, selon le pourvoi, d'une part, que la banque, qui a souscrit une garantie à première demande, doit verser la garantie dès l'appel de la garantie dans les conditions prévues à la lettre d'engagement, sans que puissent être opposées au bénéficiaire de la garantie les exceptions inhérentes au contrat, et notamment les manquements du bénéficiaire aux obligations du contrat ; qu'en faisant état, pour justifier le défaut d'acquittement de la garantie, de la non-réalisation du spectacle prévu et de prétendus manquements de l'appelant en garantie aux obligations du contrat tenant à la souscription d'une assurance et à l'ouverture d'un compte bloqué pour les sommes versées par son cocontractant, l'arrêt attaqué, qui constate que le donneur d'ordre n'avait pas payé le prix convenu à la date limite fixée par le contrat, paiement pour lequel la garantie à première demande de la banque avait été donnée et donc que les conditions de l'appel de la garantie étaient remplies, a violé l'article 1134 du Code civil ; alors, d'autre part, que la fraude suppose nécessairement l'absence de droit manifeste de l'appelant de sa garantie et le détournement par celui-ci de la finalité de la garantie ; qu'en l'espèce, il est constaté par l'arrêt attaqué que l'obligation garantie n'avait pas été exécutée par le donneur d'ordre à la date limite prévue ; qu'en déduisant la fraude de l'appelant en garantie de l'imminence notoire de l'annulation du spectacle dont la certitude aurait découlé d'articles de presse, mentionnés dans une ordonnance de référé du 4 mars 1988, bien qu'aucune précision ne soit donnée sur la date de ces articles et qu'il soit constaté par l'arrêt attaqué lui-même que la décision d'annulation prise par le Festival d'Israël était postérieure à l'appel de la garantie, et qu'aucune faute ne pouvait être reprochée à l'appelant en garantie quant à la non-réalisation du spectacle, l'arrêt attaqué n'a pas caractérisé la fraude qu'il affirme et a encore violé l'article 1134 du Code civil ; alors, enfin, que se contredit l'arrêt attaqué qui affirme qu'il aurait été " manifeste pour la banque Leumi que la société Tengor agissait en fraude de la société Melair en appelant sa garantie, alors que l'imminence de l'annulation du spectacle était notoire ", après avoir constaté qu'au jour de l'appel de la garantie, " le spectacle n'avait pas encore été annulé et la simple éventualité de son annulation, qui était prévue au contrat, ne devait pas faire obstacle à l'exécution des obligations de l'une et l'autre des parties " ; qu'ainsi, l'arrêt attaqué a encore violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu, en premier lieu, que la cour d'appel n'a pas fondé sa décision sur l'inexécution, par le bénéficiaire de la garantie, de ses obligations envers le donneur d'ordre, au nombre desquelles ne figurait d'ailleurs pas la réalisation du spectacle prévu, confiée à la société Opera on original site (OOS), mais sur la fraude ; qu'à cet égard, après avoir relevé " qu'il était d'ores et déjà certain que les représentations n'auraient pas lieu " et que " la société Tengor n'avait pas mis en place le dispositif contractuel prévu pour garantir le remboursement du prix des billets ", ce dont il résultait que le bénéficiaire avait appelé la garantie d'un paiement dont il savait qu'il devrait nécessairement être remboursé, la cour d'appel a pu décider, en présence des éléments précités, que la société Tengor agissait en fraude aux droits de la société Melair " en appelant sa garantie, alors que l'imminence de l'annulation du spectacle était notoire, pour le paiement du prix des billets dont le remboursement inévitable n'était pas garanti " ;
Attendu, en second lieu, que l'arrêt ne s'est pas contredit en opposant la " simple éventualité ", contractuellement prévue, d'une annulation du spectacle, à " l'imminence " notoire de cette annulation ;
D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.