LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par M. Michel A..., demeurant Métairie Neuve à Saint-Hippolyte, Castres (Tarn),
en cassation d'un arrêt rendu le 18 décembre 1990 par la cour d'appel de Toulouse (1re Chambre), au profit de Mme Anne-Marie B..., demeurant à Castres (Tarn), ...,
défenderesse à la cassation ; Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ; LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 6 octobre 1992, où étaient présents :
M. de Bouillane de Lacoste, président, M. Z... de Saint-Affrique, conseiller rapporteur, M. Lemontey, conseiller, M. Gaunet, avocat général, Mlle Ydrac, greffier de chambre ; Sur le rapport de M. le conseiller Bernard de SaintAffrique, les observations de Me Pradon, avocat de M. A..., de la SCP Boré et Xavier, avocat de Mme B..., les conclusions de M. Gaunet, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ; Sur les deux moyens réunis, pris en leurs diverses branches :
Attendu que Jean Henri A..., qui avait épousé en 1928 Mme Anne-Marie X..., sous le régime dotal avec adjonction d'une société d'acquêts, est décédé le 23 février 1976 en laissant son épouse et son fils Michel ; que, saisie de difficultés relatives à la liquidation du régime matrimonial, la cour d'appel (Toulouse, 18 décembre 1990) a décidé que des actions de la société A..., dépendant de la succession du défunt ou ayant fait l'objet d'une donation de ce dernier à son fils et à sa veuve, devaient être réputées acquêts avec toutes conséquences quant à leur dévolution, et qu'il était dû récompense à Mme Y... par la succession de son époux, à concurrence de la moitié des titres transférés par celui-ci à leur fils en vertu d'un don manuel ; Attendu que M. Michel A... fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir ainsi statué, alors, de première part, qu'il ne pouvait, sans contradiction de motifs, constater que les parts et actions avaient été acquises avec des fonds personnels de Jean Henri A..., et dire que ces titres constituaient néanmoins des acquêts ; alors, de deuxième part, qu'il ne pouvait être décidé, sans violation des articles 1401, 1402, 1403, 1405 et 1498 anciens du Code civil, que constituaient également des acquêts les parts et actions dépendant de la succession de Jean A..., venues en accroissement de celles qu'il détenait, par suite d'investissements en capitaux
propres ou d'une augmentation de capital par incorporation des réserves ; alors, de troisième part, que ne pouvaient constituer des acquêts, les actions dépendant de la même succession, ou données à Mme Y... et à son fils Michel, et provenant d'apports de fonds personnels au défunt, d'investissements de capitaux lui étant propres, de biens reçus en héritage ou d'une augmentation de capital par incorporation de réserves, de sorte qu'en décidant le contraire, la cour d'appel aurait encore violé les mêmes textes ; alors, de quatrième part,
qu'en raison de l'origine des titres donnés par Jean A..., l'arrêt attaqué ne pouvait dire que sa succession "devait récompense" à Mme Y... de la moitié de la valeur de ces titres, en conséquence de l'existence entre eux d'une société d'acquêts ; et alors, enfin, que la cour d'appel s'est contredite en décidant que Jean A... avait fait don d'actions à son fils sans que son épouse ne soit intervenue et ait consenti donation de sa part, bien qu'ayant constaté que celle-ci avait eu connaissance des modalités de la libéralité dont elle avait accepté le principe sans aucune protestation ; Mais attendu, d'abord, sur les quatre premiers griefs, que la cour d'appel a énoncé qu'en application du contrat de mariage des époux B..., se trouvait constituée entre eux une société d'acquêts soumise à l'ancien article 1499 du Code civil dont il résultait qu'était réputé acquêt tout bien acquis au cours du mariage avec des fonds propres à un des époux, à moins que les formalités de remploi aient été accomplies, de sorte que, faute d'établir qu'il y avait eu remploi, l'époux ayant supporté la dépense ne disposait que d'un droit à récompense, dans les limites de sa participation à l'acquisition ; qu'elle en a déduit, sans contradiction, que, n'étant pas établi qu'il y ait eu remploi du chef des actions acquises avec des apports de Jean A..., ces titres étaient entrés dans la société d'acquêts ; qu'ayant estimé, par une appréciation souveraine, que, pour ce qui concernait les autres parts et actions litigieuses, les constatations et investigations de l'expert, commis au cours de l'instance, ne permettaient pas d'en déterminer le caractère propre ou commun, elle a encore admis à bon droit que ces titres devaient être présumés acquêts, de sorte que Mme Y... avait vocation à prétendre à la moitié de la valeur de ceux qui avaient été donnés à son fils, la succession de Jean A... devant récompense de ce chef à la société d'acquêts ; Et attendu, ensuite, sur le cinquième grief, que la femme appelée à donner son consentement à une donation du mari sur des biens communs ne devient pas, aux termes de l'article 1422 du Code civil, nécessairement codonatrice, en apportant à son conjoint le concours nécessaire à la régularité de la libéralité ; qu'il s'ensuit que c'est sans contradiction que la cour d'appel a admis que Mme Y... avait pu agréer, en son principe, le don
manuel fait par son mari à leur fils, de biens dépendant de leur société d'acquêts sans avoir personnellement fait abandon de sa part ; d'où il suit que les moyens ne peuvent être accueillis en aucune de leurs branches ; PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;