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17/11/1992 | FRANCE | N°91-82521

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 17 novembre 1992, 91-82521


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le dix-sept novembre mil neuf cent quatre vingt douze, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller MILLEVILLE, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN et de la société civile professionnelle MASSE-DESSEN, GEORGES et THOUVENIN , avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général ROBERT ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

PHILIPPE B...,

contre l'arrêt de la

cour d'appel de RENNES, chambre correctionnelle, en date du 4 mars 1991, qui, pour homi...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le dix-sept novembre mil neuf cent quatre vingt douze, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller MILLEVILLE, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN et de la société civile professionnelle MASSE-DESSEN, GEORGES et THOUVENIN , avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général ROBERT ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

PHILIPPE B...,

contre l'arrêt de la cour d'appel de RENNES, chambre correctionnelle, en date du 4 mars 1991, qui, pour homicide involontaire et infraction aux règles relatives à la sécurité des travailleurs, l'a condamné à 1 mois d'emprisonnement avec sursis et 10 000 francs d'amende, a ordonné la publication de la décision et a prononcé sur les intérêts civils ;

d Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et du procès-verbal de l'inspection du travail, base de la poursuite, que Daniel Y..., salarié de la société Sobrena et chargé des opérations de déchargement d'une génératrice se trouvant sur un pétrolier en cale sèche, est monté sur la rambarde du navire, se tenant en équilibre à vingt-trois mètres au-dessus du sol ; qu'un autre salarié de cette entreprise, Joseph Z..., qui guidait la grue, levant le câble tendu entre la génératrice et le quai, a donné l'ordre au grutier d'arrêter le levage mais qu'après l'exécution de cet ordre le câble trop tendu a fait basculer la génératrice contre la rambarde et que Daniel Y..., précipité dans le vide, a été tué ; que Paul C..., directeur technique de ladite société et titulaire d'une délégation de pouvoirs, a été poursuivi notamment pour homicide involontaire et pour avoir omis de donner à Joseph Z... la formation pratique prévue par l'article L. 231-3-1 du Code du travail ;

En cet état ;

Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles 319 du Code pénal et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, défaut de réponse à conclusions et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré C... coupable d'homicide involontaire sur la personne de son employé M. Y... ;

"aux motifs, d'une part, que "l'imprudence de Daniel Y... est manifeste et que le simple bon sens aurait dû le conduire à ne pas se placer en équilibre sur la batayole à 23 mètres au-dessus du sol ; que cependant, le délit d'homicide involontaire est constitué s'il est établi une faute quelconque qui ait concouru même de façon très minime à la réalisation de l'accident ; que la faute de la victime ne peut exonérer l'employeur de sa responsabilité si une négligence ou une imprudence est relevée à son encontre" ;

"alors que la seule constatation d'une faute imprévisible et irrésistible de la victime est de nature à exonérer le chef d'entreprise de sa responsabilité pénale ; que la cour d'appel qui a relevé l'imprudence manifeste et contraire au simple bon sens de M. Y... devait tirer de cette constatation les d conséquences légales qui s'imposaient, à savoir que la faute de la victime,

totalement imprévisible, constituait la cause déterminante et exclusive de l'accident de nature à exonérer le directeur de la Sobrena de toute responsabilité pénale ;

"et aux motifs, d'autre part, que bien que routinière, l'opération d'enlèvement de la génératrice comportait un danger du fait de la proximité du pont ; que constituait dès lors une négligence ou une imprudence de la part de l'employeur l'absence de consignes précises sur la technique de levage à utiliser, l'absence de vérification et d'essai préalable d'une grue qui n'était pas prévue pour le transport de charges peu lourdes, et enfin l'absence de coordination confiée à un chef d'équipe compte tenu de l'intervention de salariés de différentes entreprises ;

"alors, d'une part, que la manoeuvre de levage du câble de la génératrice normalement exécutée vers le centre du navire à l'intérieur de la protection des rambardes est une opération simple et routinière qui ne justifie pas la nécessité de consignes particulières ; ni l'intervention d'un chef d'équipe ; que par ailleurs, rien ne laissant prévoir que l'arrêt de levage du câble ne suivrait pas immédiatement l'ordre donné, ceci résultant d'une particularité insoupçonnée de la grue, une mesure d'essai, à la supposer réalisable et efficace, n'avait pas à être envisagée ;

"alors, d'autre part, que la cour d'appel ne constate aucune relation de cause à effet certaine entre les prétendues fautes retenues et l'accident, le décès de la victime ayant en réalité pour cause déterminante et unique l'initiative imprudente de celle-ci que "le simple bon sens" aurait dû écarter ;

"alors, enfin, que, délaissant les conclusions de C... faisant valoir qu'aucune faute personnelle de nature à engager sa responsabilité pénale ne pouvait être retenue à son encontre, la cour d'appel procédant par voie d'affirmation retient cette responsabilité faisant ainsi peser sur l'employeur une présomption de responsabilité pénale que ni la loi, ni la jurisprudence ne prévoient" ;

Attendu que, pour retenir la culpabilité du prévenu du chef d'homicide involontaire, la cour d'appel rappelle tout d'abord que, si la victime a commis une imprudence manifeste en montant sur la rambarde, "cette faute ne peut exonérer l'employeur de sa responsabilité d si une imprudence ou une négligence est relevée à son encontre" ; qu'elle énonce ensuite "qu'aucune consigne précise n'avait été donnée concernant la technique de levage, laissant ainsi toute initiative aux ouvriers concernés" et que, l'opération d'enlèvement amenant l'intervention de plusieurs entreprises, "une coordination aurait dû être mise en place et confiée à un ouvrier ou à un chef d'équipe compétent" ; qu'elle en déduit que ces négligences "constituent une faute qui a concouru à la réalisation de l'accident" ;

Attendu qu'en l'état de ces motifs, qui ne font nullement état d'une faute exclusive de la victime et qui caractérisent l'existence d'une faute personnelle du prévenu en relation avec la réalisation du dommage, les juges ont justifié leur décision sans encourir les griefs du moyen, lequel ne peut donc qu'être écarté ;

Sur le second moyen de cassation pris de la violation des articles L. 231-3-1, R. 231-36, R. 231-38, L. 263-2 du Code du travail, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque

de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré C..., directeur de la Sobrena, coupable d'infraction à la formation de M. Z..., salarié à la sécurité ;

"alors, d'une part, que l'article L. 231-3-1 n'impose à l'entreprise l'obligation d'organiser une formation pratique et appropriée en matière de sécurité qu'au bénéfice des travailleurs qu'elle embauche ou de ceux qui changent de poste de travail ou de technique ; que la cour d'appel qui relève que "M. Z... qui avait la qualification de charpentier fer et de pontier, a suivi une formation de sécurité en 1981, un stage de connaissance sécurité en avril et un recyclage en 1988, devait nécessairement déduire de ces constatations que le prévenu avait ainsi largement satisfait à ses obligations légales qu'en fondant cependant sa décision de retenir C... dans les liens de la prévention au motif que si le stage de 1984 comportait une partie "ordres de manoeuvre de grues", M. Z..., dont l'activité principale était celle de charpentier, n'avait pas depuis cette date suivi de recyclage concernant le guidage des grues, la cour d'appel a ajouté aux textes légaux une condition qu'ils ne comportaient pas ;

"alors, d'autre part, que l'article L. 263-2 tel qu'il résulte de la loi du 6 décembre 1976 subordonne expressément l'imputation de la responsabilité des infractions qu'il vise à la d constatation d'une faute personnelle de leur auteur ; qu'en retenant la responsabilité pénale de C..., directeur technique et commercial de la Sobrena, sans rechercher en quoi l'obligation d'un prétendu défaut de formation de M. Z... à la sécurité lui incombait personnellement, la cour d'appel n'a pas justifié légalement sa décision" ;

Attendu que, pour déclarer également le prévenu coupable d'avoir omis de donner à M. Z... une formation pratique et appropriée en matière de sécurité, la cour d'appel, après avoir relevé qu'au moment de l'accident, ce salarié était affecté à un poste de guideur de grue, énonce qu'il avait la qualification de charpentier-fer et de pontier et "qu'il n'apparaît nullement des pièces versées qu'il avait reçu une formation spécifique à la sécurité en matière de conduite de grues" ;

Attendu qu'en cet état, les juges n'ont pas encouru les griefs du moyen ; que l'obligation mise à la charge de l'employeur par l'article L. 231-3-1 du Code du travail concerne notamment les salariés qui, comme en l'espèce, changent de postes de travail ; que, par ailleurs, le prévenu ayant reçu délégation de pouvoirs en matière de sécurité, le fait de n'avoir pas donné au salarié
Z...
une formation en cette matière caractérise, à sa charge, la faute personnelle ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Condamne le demandeur aux dépens ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Où étaient présents : M. Zambeaux conseiller le plus ancien faisant fonctions de président en remplacement du président empêché, M. Milleville conseiller rapporteur, MM. Dardel, Dumont, Fontaine, Z

Alphand, Guerder, Mme Baillot conseillers de la chambre, Mmes X..., A..., Verdun conseillers référendaires, M. Robert avocat général, Mme Gautier greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 91-82521
Date de la décision : 17/11/1992
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Rennes, chambre correctionnelle, 04 mars 1991


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 17 nov. 1992, pourvoi n°91-82521


Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1992:91.82521
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