LA COUR DE CASSATION, TROISIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la commune de Montlignon, représentée par son maire en exercice domicilié en cette qualité à l'hôtel de ville de Montlignon (Val d'Oise),
en cassation d'un arrêt rendu le 21 mai 1990 par la cour d'appel de Versailles (1e chambre, 1e section), au profit de :
1°) la SCI le Clos Tilleul, société civile immobilière, dont le siège social est sis à Paris (16ème), ..., prise en la personne de ses représentants légaux en exercice domiciliés audit siège,
2°) M. Olivier I..., demeurant à Paris (16ème), ...,
3°) M. Jérôme Victor I..., demeurant à Paris (11ème), ...,
4°) M. Nicolas Victor I..., demeurant à Neuilly-Sur-Seine (Hauts-de-Seine), ...,
5°) M. Yves Victor I..., demeurant à Paris (9ème), ...,
6°) M. Stéphane Victor B..., Antoine I..., demeurant à la Garde Sainte-Marguerite (Var), ...,
7°) Mlle Laurence I..., demeurant à la Garde Sainte-Marguerite (Var), ...,
Les consorts I..., pris tant en leur nom personnel qu'en leur qualité d'héritiers de Mme Delphine, Marie, Geneviève Quentin Y..., veuve de M. Edmond Victor I...,
défendeurs à la cassation ; La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ; LA COUR, en l'audience publique du 30 juin 1992, où étaient présents :
M. Senselme, président, M. Cathala, conseiller rapporteur, MM. K..., L..., E..., Z..., D..., C..., J...
G..., M. X..., Mlle F..., M. Chemin, conseillers, Mme A..., M. Chapron, conseillers référendaires, M. Dubois de Prisque, avocat général, Mme Pacanowski, greffier de chambre ; Sur le rapport de M. le conseiller Cathala, les observations de Me Choucroy, avocat de la commune de Montlignon, de la SCP Delaporte et Briard, avocat de la SCI le Clos Tilleul et des consorts I..., les conclusions de M. Dubois de Prisque, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ; ! Sur le premier moyen :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, (Versailles, 21 mai 1990), qu'après avoir acquis de la société civile immobilière le Clos Tilleul et des Consorts I... une propriété pour le prix de 900 000 francs,
suivant acte authentique du 15 décembre 1985, faisant suite à une levée d'option du 15 novembre précédent, la commune de Montlignon l'a revendue, le 18 juin 1986, moyennant le prix de 3 000 000 francs, à une société avec laquelle une promesse de vente en vue d'un lotissement avait été
conclue le 7 décembre 1985 ; que la SCI et les Consorts I... ont assigné, le 30 octobre 1987, la commune en rescision pour lésion de la première vente ; Attendu que la commune de Montlignon fait grief à l'arrêt d'écarter l'exception d'irrecevabilité de l'action en rescision, pour dépassement du délai biennal, alors, selon le moyen, "1°) qu'une vente immobilière devient parfaite du seul fait de la rencontre d'une offre ferme du vendeur sur une chose déterminée et à un prix déterminé et de son acceptation par l'acquéreur, sans condition ni réserve, sans qu'il importe que les parties aient réalisé, par la suite, d'autres actes juridiques, sans renoncer expressément à leur accord premier, et qu'en l'espèce, l'arrêt s'est abstenu de rechercher, ainsi que l'y invitaient les conclusions, si une telle rencontre d'une offre et d'une acceptation ne découlait pas suffisamment de l'échange de lettres des 22 février et 12 mars 1985, par lesquelles M. Edmond I... confirmait dans la première son "accord de céder à la ville de Montlignon les parcelles B 450, 451, 452 et 438 avec les constructions édifiées dans leur état actuel ... pour un prix de 900 000 francs" et M. H... de cette ville confirmait officiellement, dans la seconde, son "accord pour acquérir l'ensemble de votre propriété pour la somme de 900 000 francs" ; que l'arrêt est donc entaché d'un défaut de base légale, par violation des articles 1134, 1583 et 1676 du Code civil ; 2°) que dans la mesure où l'arrêt aurait voulu retenir la motivation différente des premiers juges, il aurait méconnu le caractère d'offre ferme de vente que présentait la lettre du 22 février 1985, qui, émanant du gérant et porteur de parts presque exclusif de la SCI le Clos Tilleul, engageait donc cette société civile sur le fondement de l'article 1849 du Code civil ; 3°) que l'arrêt a méconnu le caractère d'acceptation sans réserve de cette offre que présentait la lettre réponse du 12 mars 1985 qui, bien qu'émanant seulement du maire de la commune, avait été nécessairement agréée par la délibération du conseil municipal du 27 mars 1985 ayant précisément autorisé le maire à signer tous actes nécessaires ; que l'arrêt a donc violé les articles 1134, 1583 et 1676 du Code civil" ; Mais attendu qu'ayant relevé qu'aux termes de son échange de lettres avec M. I..., le maire de Montlignon n'avait souscrit qu'une promesse unilatérale de vente et que la commune ne s'était engagée que le
15 novembre 1985, date de la levée de l'option, la cour d'appel, en déduisant exactement que le délai de deux ans n'était pas expiré lors de la délivrance de l'assignation, a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision de ce chef ;
Sur le second moyen :
Attendu que la commune fait grief à l'arrêt d'admettre la SCI le Clos Tilleul et les consorts I... à faire la preuve de la lésion, alors, selon le moyen, "qu'une vente immobilière ne peut être atteinte de lésion par rapport à une revente postérieure, fût-elle déjà préparée avant la conclusion définitive de la première, que s'il y a identité d'objet entre les deux ventes ; que plus spécialement, une telle identité d'objet est inexistante au cas où, comme en l'espèce, la vente attaquée pour cause de lésion avait pour seul objet une propriété ancienne, alors que la revente subséquente de mai 1986 avait pour seul objet une opération de lotissement moderne, préparée et imposée par la commune au nouvel acquéreur, dans un souci exclusif de rénovation économique et sociale du quartier ; que, dans ces circonstances, les simples particuliers vendeurs, qui n'avaient ni la volonté, ni la capacité, ni le droit de participer à cette opération de lotissement, ne sauraient, en aucun cas, bénéficier des plus-values pouvant en découler sous le couvert d'une action en rescision pour cause de lésion ; que l'arrêt a donc violé l'article 1675 du Code civil" ; Mais attendu qu'ayant relevé que le projet d'aménagement de la propriété, antérieur à la levée de l'option par la commune, avait trouvé sa conclusion dans la convention du 7 décembre 1985, et retenu qu'il y avait lieu de tenir compte de la vocation que la commune entendait donner au bien acquis, d'autant plus que, déjà en 1984, lors des pourparlers initiaux, des raisons d'urbanisme et d'utilisation de ce bien à des fins sociales avaient été évoquées, la cour d'appel a souverainement apprécié, au jour de la vente attaquée, la vraisemblance et la gravité des éléments de nature à faire présumer la lésion ; D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ; PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;