AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la société à responsabilité limitée VII, société dont le siège social est ... (Hauts-de-Seine),
en cassation d'un arrêt rendu le 13 juillet 1990 par la cour d'appel de Paris (5e chambre C), au profit :
1°/ de la société MPM production, dont le siège est ... (8e),
2°/ de la société Technique Vidéo international (TVI), dont le siège est chemin du Crotoy à Rue (Somme),
3°/ de la société Locafrance, dont le siège est ... Armée, Paris (16e),
défenderesses à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 26 mai 1992, où étaient présents : M. Bézard, président, Mme Clavery, conseiller rapporteur, M. Hatoux, conseiller, M. Curti, avocat général, Mme Arnoux, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme le conseiller Clavery, les observations de Me Vuitton, avocat de la scoiété VII, de Me Blondel, avocat des sociétés MPM production et TVI, les conclusions de M. Curti, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 13 juillet 1990), que, sur demande de la société MPM production (société MPM), la société à responsabilité limitée VII (société VII) a établi un devis de réalisation d'une unité de duplication de cassettes vidéo, dont la société technique vidéo international (TVI), filiale de la société MPM devait assurer l'exploitation, que les 9 et 12 novembre 1987, la société VII a adressé à la société MPM deux factures proforma, que le 10 novembre 1987, la société MPM a confirmé son accord de commande pour les deux factures en y joignant un acompte de 100 000 francs, qu'afin d'assurer le financement du matériel la société MPM s'est adressée à la société Locafrance ; que, par lettre du 4 janvier 1989, la société MPM production a mis fin aux relations contractuelles, que chacune des parties, soutenant que la résiliation du contrat était imputable à la partie adverse, a saisi le tribunal de commerce, en demande de paiement de dommages et intérêts, que les deux instances furent jointes ;
Sur le premier moyen pris en ses trois branches :
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir décidé que la résiliation des contrats devait intervenir aux torts exclusifs de la société VII. alors, selon le pourvoi, d'une part, que la bonne grâce de la société VII à se plier aux modifications incessantes apportées à l'exécution du contrat par la société MPM production ne constitue pas en elle-même une manifestation non équivoque de renoncer à se prévaloir de l'inexécution des obligations de sa cocontractante ; qu'en statuant de la sorte, l'arrêt attaqué a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1184 du Code civil ; alors, d'autre part, que
l'arrêt n'a pas répondu au chef des conclusions de la société VII
soutenant qu'elle n'avait jamais reçu le bon de commande de la société Locafrance à partir duquel la livraison devait être effectuée ; qu'ainsi, l'arrêt a privé sa décision de motifs en violation de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; et alors, enfin, que l'arrêt ne pouvait sans se contredire estimer que la non-délivrance immédiate du matériel était imputable à la société VII tout en constatant qu'aucun délai n'avait conventionnellement été fixé pour la livraison de celui-ci ; qu'ainsi, l'arrêt a, de nouveau, violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu, d'une part, qu'après avoir relevé que dans les conclusions la société VII reconnaissait s'être pliée de bonne grâce aux modifications apportées par MPM à l'exécution du contrat, la cour d'appel a retenu, non pas que la venderesse avait renoncé aux droits qu'elle pouvait tirer du contrat mais qu'on ne pouvait voir un manquement contractuel dans les modifications demandées au cours des semaines qui ont suivi la commande dés lors que le vendeur avait accepté de les prendre en considération, qu'elle a légalement justifié sa décision ;
Attendu, d'autre part, que la cour d'appel retient que par lettre du 24 octobre 1988 la société Locafrance avait notifié son accord de financement du matériel, qu'en présence de la certitude du paiement, même en l'absence de prévision d'un délai d'exécution, celle-ci devait intervenir dans un délai raisonnable, qu'elle a ainsi répondu aux conclusions invoquées ;
Et attendu, enfin, que la cour d'appel ne s'est pas contredite en énonçant que même en l'absence de prévision d'un délai pour procéder à une installation d'une unité de duplication de cassette vidéo, il était essentiel que celle-ci intervienne, à partir de la commande, dans un délai raisonnable ;
D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Sur le second moyen :
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir condamné la société VII à payer à la société MPM la somme de 200 000 francs à titre de dommages et intérêts, alors, selon le pourvoi, que l'arrêt, qui a constaté qu'aucun délai de livraison n'avait été fixé par les parties ne pouvait condamner la société VII à payer à la société MPM production des dommages et intérêts pour non-respect des délais de livraison sans rechercher si elle avait été mise en demeure de livrer ; qu'à défaut, l'arrêt a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134, 1146 et 1160 du Code civil ;
Mais attendu qu'il ne resulte ni des conclusions, ni de l'arrêt que la société VII ait prétendu qu'elle ne pouvait être condamnée à payer à la société MPM production des dommages et intérêts pour retard dans la livraison dés lors que cette dernière ne l'avait pas mise en demeure de livrer, que la cour d'appel n'avait donc pas à procéder à une recherche qui ne lui était pas demandée ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
! Condamne la société VII, envers les défenderesses, aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ;