LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par M. Michel D..., demeurant Le Bourg, Fontcouverte à Saintes (Charente-maritime),
en cassation d'un arrêt rendu le 18 avril 1990 par la cour d'appel de Poitiers (chambre civile, 1ère section), au profit :
1°/ de Mme Régine B..., veuve Y..., demeurant Cherves à Richemont (Charente), agissant tant en son nom personnel qu'au nom de son enfant mineur, Cécilia, Béatrice Y..., représentant avec son enfant mineure, sa fille majeure Véronique et son fils Christophe la succession de Jean-Claude Y..., leur mari et père décédé le 23 décembre 1987,
2°/ de Mlle Véronique Y..., demeurant Cherves à Richemont (Charente),
3°/ de M. Christophe-Patrice Y..., demeurant Cherves, à Richemont (Charente),
4°/ de la Caisse primaire d'assurance maladie de la Charente-maritime, dont le siège est ... (Charente-maritime),
défendeurs à la cassation ; Le demandeur invoque à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt :
LA COUR, en l'audience publique du 11 juin 1992, où étaient présents :
M. Lesire, conseiller doyen faisant fonctions de président, Mme Barrairon, conseiller référendaire, rapporteur, MM. C..., Hanne, Berthéas, Lesage, Pierre, conseillers, Mme X..., Mme A..., M. Choppin Z... de Janvry, conseillers référendaires, M. Picca, avocat général, M. Richard, greffier de chambre ; Sur le rapport de Mme Barrairon, conseiller référendaire, les observations de Me Garaud, avocat de M. D..., de Me Hémery, avocat des consorts Y..., les conclusions de M. Picca, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ; ! - Sur les deux moyens réunis :
Attendu que le 19 avril 1985, M. Michel D..., qui avait pris place sur une remorque agricole tirée par un tracteur conduit par M. Y... en direction des terres de ce dernier, a été déséquilibré et happé par la roue arrière droite du tracteur ; Attendu que M. D... fait grief à l'arrêt attaqué (Poitiers, 18 avril 1990), d'avoir déclaré irrecevable l'action en responsabilité de droit commun, qu'il avait engagée à l'encontre de M. Y..., alors, selon le moyen, d'une part, que s'il est constant que l'article 20 de la loi du 8 août 1962 n'a pas été abrogé par les dispositions de la loi du 5 juillet 1985 qui n'a eu ni cet objet, ni cet effet, il résulte des dispositions de la loi du 25 octobre 1972 et de leur rapprochement avec celles des articles 415
du Code de la sécurité sociale et 1046
du Code rural, que sont désormais exclus du champ d'application de la législation sur les accidents du travail les accidents survenus à des collaborateurs occasionnels et bénévoles agricoles ; qu'ainsi est recevable l'action de droit commun exercée par la victime d'un accident contre le bénéficiaire de l'aide bénévole au cours duquel cet accident s'est produit ; alors, d'autre part, que la qualité d'agriculteur, au sens de l'article 20 de la loi du 8 août 1962, ne peut être attribuée qu'à ceux qui exploitent une superficie ayant au moins l'importance définie au paragraphe I de l'article 1003-7-1 du Code rural, qui seuls peuvent prétendre au bénéfice de la protection sociale des personnes non salariées des professions agricoles ; qu'en retenant que le texte de l'article 20 de la loi
du 8 août 1962 ne subordonnait pas l'existence de la qualité d'agriculteur à une superficie déterminée, la cour d'appel a violé ce dernier texte ; alors, par ailleurs, que la qualité d'agriculteur, au sens dudit article ne peut être attribuée qu'aux exploitants qui retirent de leur exploitation un profit substantiel ; qu'en violation de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile, les motifs par lesquels la cour d'appel se borne à retenir que la superficie de l'exploitation considérée importe peu, que la victime vendait sa production de vin apte à la fabrication du cognac à une entreprise spécialisée dans la confection et la commercialisation de ce produit et que l'administration l'avait répertoriée comme "agriculteur", ne réfutent pas le motif par lequel les premiers juges avaient retenu que l'exploitation de leurs terres ne procurait pas aux parties un bénéfice substantiel ; alors en outre qu'en statuant comme ci-dessus, sans constater que la victime retirait un profit substantiel de son exploitation, la cour d'appel, qui n'a pas justifié légalement sa décision, a violé l'article 20 de la loi du 8 août 1962 ; et alors, enfin, qu'en retenant pour écarter l'application, en l'espèce, de la loi du 5 juillet 1985, qu'elle s'appliquait aux victimes ayant la qualité de tiers à l'égard du conducteur du véhicule impliqué, la cour d'appel a violé l'article 1er de cette loi, aux termes duquel, sauf quand l'accident de la circulation constitue en même temps un accident du travail ou de l'entraide agricole, cette loi s'applique indifféremment à toutes les victimes des accidents de la circulation dans lesquels sont impliqués des véhicules terrestres à moteur en mouvement, qu'elles
soient ou non des tiers par rapport au conducteur ; Mais attendu que, d'une part, l'entraide agricole, au sens de l'article 20 de la loi du 8 août 1962, est réalisée entre agriculteurs sans que cette qualité soit subordonnée à l'exploitation d'une superficie déterminée ; que d'autre part la loi du 25 octobre 1972 s'est bornée à exclure du champ d'application de la législation sur les accidents du travail agricole les accidents survenus à des collaborateurs occasionnels et bénévoles agricoles, sans viser les agriculteurs ;
que dés lors, après avoir relevé que le tracteur conduit par M. Y... tirait une remorque chargée d'engrais destiné à être répandu sur les terres de ce dernier avec l'aide de M. D..., également exploitant de terres et de vignes, comme cela se faisait habituellement entre eux et énonce exactement que la surface d'exploitation ne pouvait être un critère de définition de la notion d'agriculteur, la cour d'appel a décidé à bon droit, abstraction faite de motifs erronés mais surabondants, que la législation sur les accidents du travail agricole était applicable ; d'où il suit que les griefs du pourvoi ne sauraient être accueillis ; PAR CES MOTIFS ; REJETTE le pourvoi ;